Tunisie : le spectre d’un Parlement ingouvernable

Alors que le pays n’a pas de Cour constitutionnelle, le risque d’une Assemblée sans majorité ni coalition possible est évoqué par de nombreux dirigeants.

Le 6 octobre au soir, l’Assemblée des représentants du peuple aura un nouveau visage. Une gueule cassée si l’on en croit les sondages. Depuis le printemps, les instituts indiquent un paysage concassé, une « mosaïque » comme l’anticipe Lotfi Zitoun, ex-conseiller politique du président du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi. Dans la dernière ligne droite de la campagne officielle, le climat n’est pas à la sérénité. Le leadeur du parti en tête (depuis juin) dans les intentions de vote, Au cœur de la Tunisie, est en détention préventive depuis cinq semaines. Les résultats de son parti, présent dans toutes les circonscriptions, seront un enseignement clé avant le second tour de la présidentielle du 13 octobre.

Débâcle des partis politiques, acte II

Le premier tour de la présidentielle anticipée a démontré, preuve par les chiffres, le rejet des partis qui gouvernent la Tunisie depuis 2011(Assemblée constituante) et 2015 (présidentielle et législative). Rejet que tous les instituts de sondage avaient anticipé. Les deux leadeurs de la coalition au pouvoir ont mordu la poussière : Abdelfattah Mourou, candidat d’Ennahdha, a terminé en troisième position quand le président du gouvernement Youssef Chahed pointait en cinquième position avec moins de 8 % des suffrages exprimés. Nidaa Tounes n’existe guère. Les partis d’opposition ont été également emportés par la mauvaise humeur populaire ambiante. Le Front populaire, agrégation de partis d’extrême gauche, dont la figure de proue, le militant historique Hamma Hammami, n’a pas dépassé le 1 %. Arrivé en tête avec près de 19 %, Kais Saied veut incarner les valeurs de la révolution de 2011. L’homme, soutenu au second tour par Ennahdha, a dit que « les élections législatives ne le concernaient pas ». S’il est élu, il souhaite supprimer son élection au suffrage universel direct. Elle se ferait via des conseils d’élus locaux. Un parti, la Coalition de la dignité, profite de l’élan Saied. Il est dirigé par Seiffedine Makhlouf, avocat. Sur la question des libertés individuelles, il est en accord avec Kais Saied : non à l’égalité homme-femme dans l’héritage, pour la peine de mort, pour la poursuite de la criminalisation de l’homosexualité. Il veut moderniser l’économie du pays, souhaite le numériser. Il considère que la France « occupe » la Tunisie, « vole » ses richesses. Il pourrait être la grande surprise des législatives.

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Cinq partis entre 6 et 19 %

La stabilité parlementaire nécessite une coalition de 109 députés. C’est le nombre d’élus requis pour obtenir la majorité. En 2014, l’alliance de Nidaa Tounes (le parti de Béji Caïd Essebsi) et d’Ennahdha assurait cette majorité : 86 députés pour le premier, 68 pour le deuxième. Cinq ans plus tard, il faudrait au minimum l’alliance de cinq partis pour construire un semblant de coalition. Difficile à croire tant les antagonismes sont forts. L’ARP a six mois pour adouber un président de gouvernement. En cas d’impossibilité, le président de la République demanderait la dissolution de la chambre et de nouvelles élections. Qui pourraient intervenir en mars 2020. « Ça sera gueule de bois générale le 7 octobre », anticipe un prétendant à la députation.

Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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