Ethiopie: le Premier ministre investi pour un nouveau mandat

Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a été investi lundi pour un nouveau mandat de cinq ans, dans un contexte troublé par onze mois d’un conflit dévastateur dans le nord du pays, qui suscite l’inquiétude de la communauté internationale.

« Moi, Abiy Ahmed Ali, aujourd’hui devant la Chambre des Représentants du Peuple, j’accepte d’être nommé Premier ministre », a déclaré lundi matin le dirigeant de 45 ans lors de son investiture devant la chambre basse du Parlement.

Son parti, le Parti de la prospérité, a remporté une victoire écrasante aux élections du 21 juin, signe, selon ses partisans, qu’il a reçu l’onction populaire attendue et le soutien à ses réformes démocratiques engagées depuis son arrivée au pouvoir en 2018.

Mais le vote s’est déroulé dans un contexte politique et humanitaire tout sauf apaisé: des dizaines de milliers de personnes ont été tuées par la guerre au Tigré (nord), où des centaines de milliers de personnes sont menacées par la famine, selon l’ONU – de quoi ternir l’aura de celui qui avait reçu le prix Nobel de la paix en 2019.

Ces derniers mois, les combats se sont propagés aux régions voisines de l’Afar et de l’Amhara, tandis que le Tigré subit ce que l’ONU qualifie de blocus humanitaire de facto, alimentant les craintes d’une famine de grande ampleur à l’image de ce qu’avait vécu l’Ethiopie dans les années 1980.

Il n’est pas certain que l’investiture d’Abiy Ahmed ait des effets sur l’offensive menée par les forces gouvernementales contre les rebelles tigréens du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), parti qui dominait la vie politique nationale avant l’arrivée d’Abiy Ahmed au pouvoir.

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Les services du Premier ministre – qui accuse les rebelles d’avoir déclenché la guerre en novembre 2020 en attaquant des camps de l’armée fédérale – a indiqué que certaines mesures de conciliation, telles la déclassification du TPLF comme « groupe terroriste », pourraient seulement avoir lieu après la formation d’un nouveau gouvernement.

Les partenaires internationaux, tels que les Etats-Unis, qui ont menacé d’imposer des sanctions ciblées en lien avec le conflit, « vont regarder cela de très près pour voir s’il y a le moindre changement de position », juge William Davison, analyste au sein de l’International Crisis Group.

La guerre au Tigré a suscité de sévères critiques, notamment de Washington, un allié d’Addis Abeba, mais le Premier ministre a promis de ne pas plier malgré la pression internationale.

« Aucune amitié ne devrait se faire au prix du sacrifice de l’honneur de l’Ethiopie », a déclaré Abiy Ahmed devant des milliers de personnes réunies dans l’après-midi à Meskel Square, l’une des grandes places d’Addis Abeba.

Expulsions

Les relations avec la communauté internationale se sont encore dégradées ces derniers jours, lorsque l’Ethiopie a annoncé le 30 septembre l’expulsion de sept responsables d’agences de l’ONU.

Selon le porte-parole adjoint de l’ONU, Farhan Haq, ces derniers ont tous quitté le pays pour « leur sécurité ».

Lundi, plus de 40 pays ont appelé au retour des responsables expulsés, disant leur travail « vital pour répondre aux multiples crises humanitaires auxquelles l’Ethiopie fait face. »

Les pays occidentaux sont « déçus » par Abiy Ahmed, un sentiment qui devrait façonner les relations de l’Ethiopie avec les puissances étrangères lors de son deuxième mandat, estime Cameron Hudson, membre de l’Africa Center de l’Atlantic Council.

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« L’Occident va probablement revenir à un manuel stratégique qu’il connaît: faire pression là où c’est possible, s’impliquer là où il le faut, et rester à un poste d’observation pour de meilleures alternatives », résume-t-il.

« Notre mère »

Abiy Ahmed avait été nommé Premier ministre après plusieurs années de manifestations antigouvernementales contre la coalition au pouvoir, dirigée par le TPLF, et avait promis de rompre avec la gouvernance autoritaire du passé, notamment par la tenue des élections les plus démocratiques jamais vues dans le pays.

Une fois son nouveau gouvernement en place, M. Abiy devra se confronter à ce qu’Awet Weldemichael, expert de la Corne de l’Afrique à l’Université Queen’s (Canada), appelle les « triples crises »: la guerre elle-même et ses répercussions humanitaires et économiques.

« La vague de combats qui s’annonce et la situation humanitaire qui s’aggrave (vont porter) un nouveau coup à sa réputation internationale et être un test pour son gouvernement dès le premier jour », analyse l’expert.

Lundi, le Premier ministre a redit que son gouvernement mènerait un « dialogue inclusif », bien que des responsables ont par le passé balayé l’éventualité d’une participation du TPLF à un tel processus.

S’exprimant lors des cérémonies, plusieurs présidents africains ont prêché pour la paix.

« Pour nous tous sur le continent, l’Ethiopie est notre mère. Et comme nous le savons tous, si la mère n’est pas en paix, la famille ne peut pas non plus être en paix », a déclaré le président kényan Uhuru Kenyatta.

« Donc mon frère, tu as beaucoup de travail qui t’attend. »

Source: Le Point Afrique/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

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Tribune d'Afrique

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