Prédisant une crise, Johann Rupert songe à quitter l’Afrique du Sud

Cinquième fortune d’Afrique et deuxième personnalité la plus riche d’Afrique du Sud, Johann Rupert est au cœur de l’actualité locale depuis plusieurs jours. Selon un extrait du livre «The Stellenbosh Mafia» (sa ville d’origine) qui sortira cette semaine et dont un extrait a été publié par la presse sud-africaine, Rupert songe à quitter le pays, prédisant une éminente crise qui s’apparenterait à «un événement du type printemps arabe» et qui obligerait l’Etat sud-africain à se mettre sous tutelle du FMI. Dans le pays, son intention de départ fait polémique.

«Je pense que nous serons au FMI dans un an. […] [L’ANC] ne sait pas ce qui l’attend. Nous aurons soit un événement du type Printemps arabe, soit Ramaphosa devra tout restructurer. Le FMI vous obligera toutefois à vous restructurer». C’est en ces termes que Johann Rupert s’est exprimé sur l’avenir économique de l’Afrique du Sud dans le livre The Stellenbosch Mafia : Inside the Billionnaire’s Club -(la mafia de Stellenbosch : au cœur du club des milliardaire)-, du journaliste sud-africain Pieter Du Toit dont la sortie officielle est prévue ce 31 juillet au Cap et dont un extrait a été révélé par la presse. Au vu de ce qui s’annonce selon lui et des critiques dont il fait l’objet, Johann Rupert a révélé qu’il songeait à quitter l’Afrique du Sud.

«Je l’ai dit à des membres du gouvernement et de l’ANC en privé: si SARS [le fisc sud-africain] essaye encore de me saboter … je suis de loin le plus grand contribuable du pays depuis 20 ans. Nos entreprises familiales sont les plus gros payeurs des dividendes, plus que ce que le reste de la JSE [Johannesburg Stock exchange, NDLR] fait globalement».

En fait, le tycoon dit craindre que dans un contexte de crise, il ne soit davantage accablé par le fisc, au moment où il est de plus en plus taxé de «visage du capital monopoliste blanc». Il a déjà demandé à ses entreprises «de proposer des scénarios de catastrophe».

Cinquième des milliardaires africains en 2019 avec une fortune estimée à 5,9 milliards de dollars selon Forbes, Johann Rupert est la deuxième personnalité la plus riche d’Afrique du Sud. Fils d’un grand homme d’affaires dont il a assuré la continuité à la tête de plusieurs entreprises de premier plan dans le pays, Rupert est président fondateur en 1988 de Richemont, numéro deux mondial de l’horlogerie de luxe basé en Suisse et propriétaire de près d’une vingtaine de marques dont Cartier, Montblanc ou Jaeger-LeCoultre. En 2017, le groupe pèse près de 11 milliards d’euros de chiffre d’affaires. En Afrique du Sud, Rupert est à la tête de Remgro, l’entreprise familiale qu’il a rebrandée et transformée en holding d’investissement avec une forte empreinte industrielle notamment dans l’agroalimentaire, la santé, le pétrole et les mines.

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Il n’a jamais échangé avec le président

The Stellenbosch Mafia retrace l’épopée des milliardaires de cette ville du sud-est de l’Afrique du Sud, notamment Christo Wiese et Johann Rupert. Le livre aborde également les liens qu’entretiennent ces riches avec la sphère politique. Il en ressort que Johann Rupert était très proche de Nelson Mandela qu’il considérait d’ailleurs comme un parrain, la relation était de bonne qualité avec Thabo Mbeki, «mais Rupert n’a jamais parlé à Jacob Zuma et il n’a eu aucun contact avec Ramaphosa depuis qu’il est devenu président de l’ANC et chef de l’Etat», rapporte Business Live, premier média à avoir révélé le contenu du livre.

Dans le pays, Johann Rupert est très controversé ces dernières années. Il a été plusieurs fois accusé d’avoir créé Richemont en Suisse pour pouvoir aisément rapatrier ses fonds à l’étranger, ce qu’il dément. «J’ai promis à Gerhard de Kock [un ancien gouverneur de la SA Reserve Bank, NDLR] que s’il me permettait de construire Richemont à l’étranger, je ne prendrais pas d’argent», affirme-t-il.

Dans le pays, ses détracteurs pensent également qu’il utilise son influence dans les milieux d’affaires dans le pays et à l’étranger pour faire pression sur l’économie. Mais là encore, il dément : «Les investisseurs américains m’appellent pour me demander s’ils doivent court-circuiter le rand et je leur dis toujours non. Je ne contrôle pas la monnaie, mais si je décidais d’encourager les gens à court-circuiter le rand, cela aurait un impact».

Tentative de pression sur Ramaphosa?

Il est possible que la sortie de Johann Rupert ait pour but d’attirer l’attention de l’actuel pouvoir qui ne l’a vraisemblablement pas sollicité jusqu’ici. Il a d’ailleurs reconnu : «J’aimerais avoir un contact avec Ramaphosa, mais je ne vais pas m’imposer à lui». Rupert et Ramaphosa entretenaient pourtant d’étroites relations dans les années 1990.

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Au-delà des considérations politico-capitalistiques, l’économie sud-africaine convulse depuis quelques années. Et le fait que le gouvernement actuel n’arrive pas à régler les problèmes structurels a tendance à envenimer la situation dans un contexte de tensions sociales. Actuellement en outre, les faibles performances de l’industrie minière, poids lourd de l’économie, n’augure pas de bonnes perspectives pour la croissance en 2019, tandis que la dette du pays ainsi que le déficit budgétaire deviennent inquiétant.

Malema promet «d’accélérer»  son départ

En Afrique du Sud, certains donnent raison aux prévisions de Johann Rupert pour l’avenir économique du pays. D’autres considèrent cela comme du chantage, dans une Afrique du Sud où la scission entre l’élite et la base est de plus en plus notoire. Julius Malema, président de l’Economic Freedom Fighters (EEF), lors des festivités du sixième anniversaire de son parti ce weekend, a promis «d’accélérer» le départ de Johann Rupert.

Source: La tribune Afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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