Pour lutter contre la faim, l’Afrique s’invente de nouvelles solutions

Les personnes âgées et les enfants sont parmi les premières victimes de la crise alimentaire, dans le sud de Madagascar, en novembre 2020.

Depuis le début de la pandémie, l’agriculture vivrière a permis d’amortir le choc lié à la fermeture des frontières et aux mesures de confinement. Sa diversité atténue les risques de malnutrition.

Jusqu’à présent, le pire a été évité. Alors que du Kenya à l’Afrique du Sud, en passant par la République démocratique du Congo et le Rwanda, de nouveaux confinements sont mis en place pour faire face à une deuxième vague de Covid-19, les systèmes de production et de distribution vers les grands centres urbains d’Afrique tiennent bon.

Les fermetures de frontières imposées au printemps pour limiter la pénétration de la pandémie ont eu des répercussions limitées sur des agricultures peu dépendantes d’intrants extérieurs. Ce qui est souvent pointé comme l’une des faiblesses de cette agriculture traditionnelle peu productive se sera révélé là un avantage.

Une flambée des prix contenue

« Les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest ont un haut potentiel de production pour les cultures vivrières comme le sorgho, l’igname, le manioc… qui mobilisent très peu d’engrais et de pesticides. Et la population rurale, malgré les restrictions de déplacements, est restée disponible dans les zones de production », analysait au début de la crise Patrick Dugué, expert des agricultures africaines au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Dans un « monde d’après », le chercheur entrevoit même dans cette crise l’opportunité pour les pays de renforcer ces filières vivrières si importantes pour la sécurité alimentaire.

A la différence de la crise de 2008, qui s’était traduite par des « émeutes de la faim » dans plusieurs villes du continent, la flambée des prix des grandes céréales importées (riz, blé) a été contenue. Début décembre, les chiffres publiés par la FAO faisaient état d’une hausse de 20 % sur un an, contre plus de 40 % en 2008. Lorsque de trop fortes tensions sont apparues, plusieurs pays comme la Côte d’Ivoire et Madagascar ont décidé de subventionner certaines denrées ou de plafonner les prix pour préserver le pouvoir d’achat des ménages.

Sur le continent, 250 millions de personnes souffrent déjà de la faim, soit près de 20 % de la population

Le ralentissement global de l’activité provoqué par la pandémie – le continent connaîtra en 2020 sa première récession depuis vingt-cinq ans – a néanmoins d’importantes répercussions sur l’économie rurale dont dépend encore la majorité de la population en Afrique. Les marchés tournés vers l’exportation ont dû faire face à la fermeture brutale de leurs débouchés. « La pandémie de Covid-19 a mis à nu les faiblesses de certaines organisations locales qui reposent beaucoup sur des échanges transfrontaliers », observe Valentin Brochard, chargé de plaidoyer au sein de l’ONG CCFD-Terre solidaire.

A LIRE AUSSI:   Au Mozambique, ouverture du procès de la « dette cachée », scandale au sommet de l’Etat

Récurrence d’événements climatiques extrêmes

L’exemple des producteurs de pommes de terre du Fouta-Djalon, région montagneuse du nord de la Guinée, est à ce titre éclairant : faute d’acheteurs, les marchés en plein air et les frontières ayant fermé au printemps, la majeure partie de leur récolte de tubercules a pourri cette année, tandis que semences et engrais pour les prochains semis sont toujours bloqués à la frontière du Sénégal voisin. Et dans les villes, dans un contexte de baisse de revenus, l’écoulement de la production agricole se révèle plus difficile.

Cette situation a globalement des répercussions sur la sécurité alimentaire alors que sur le continent, 250 millions de personnes souffrent déjà de la faim, soit près de 20 % de la population. Dans certaines régions, les conséquences de la pandémie viennent s’ajouter à un contexte dominé par des conflits persistants et la récurrence d’événements climatiques extrêmes. 2020 a été marquée par des inondations records du Sénégal à l’Ethiopie et des invasions massives de criquets pèlerins en Afrique de l’Est (particulièrement au Kenya, en Ethiopie et en Somalie).

« Dans le Sahel central, les pics de violence ont provoqué des déplacements massifs de population. Au Burkina Faso, un million de personnes ont été contraintes de quitter leur foyer, relève Alexandre Le Cuziat, responsable de la division des urgences du Programme alimentaire mondial (PAM). En dépit de bonnes récoltes, le niveau d’insécurité alimentaire est au plus haut depuis dix ans. » L’aide apportée par le PAM a augmenté de 30 % pour soutenir 13 millions de personnes.

Des distributions fragilisées

Le Burkina Faso fait partie des quatre pays, avec le Nigeria, le Soudan du Sud et le Yémen, pour lesquels le PAM a demandé la mobilisation financière de la communauté internationale afin de parer aux risques de famine.

A LIRE AUSSI:   L'OMS rapporte une augmentation quotidienne des cas de coronavirus dans le monde pour la deuxième journée consécutive

A côté des interventions d’urgence, l’institution s’attache cependant à développer des solutions permettant aux populations les plus vulnérables de mieux traverser les crises. Cela passe par le développement des transferts monétaires, le financement de filets de protection sociale ou l’appui à une agriculture plus résiliente au dérèglement climatique.

La pandémie a aussi montré que les distributions alimentaires, qui représentent encore 60 % des aides, peuvent vite être fragilisées par des chaînes logistiques mondialisées. Une réalité qui justifie d’autant plus d’investir dans le renforcement des agricultures locales.

Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

Read Previous

L’ONU confirme l’existence d’opérations militaires rwandaises en RDC en 2020

Read Next

Centrafrique: Touadera réelu selon les résultats provisoires