Mozambique : la menace djihadiste, obstacle dans la course au gaz naturel

Plongés depuis près d’un an dans l’attente incertaine d’un retour au calme après une attaque djihadiste d’envergure, les géants mondiaux de l’énergie dans la course aux riches réserves en gaz naturel du Mozambique tentent de relancer des projets pesant des milliards.

Le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a rencontré lundi 31 janvier le président mozambicain, Filipe Nyusi, à Maputo. Les deux hommes ont refait le même constat que depuis des mois : le contexte sécuritaire ne permet pas de relancer le projet de 16,5 milliards d’euros sur l’océan Indien.

Chez le géant français, le sujet est décrit comme « sensible », la communication est étroitement contrôlée. Une source sécuritaire a toutefois confirmé à l’AFP de récents mouvements sur le site encore inachevé d’Afungi, où la maintenance a repris. La découverte en 2010 des plus grandes réserves de gaz naturel d’Afrique subsaharienne avait fait miroiter au Mozambique une place parmi les dix premiers exportateurs mondiaux.

La province à majorité musulmane du Cabo Delgado (nord-est) avait alors vu naître trois mégaprojets : Mozambique LNG, consortium opéré par TotalEnergies, Rovuma LNG dirigé par l’américain ExxonMobil et Coral-Sul FLNG mené par l’italien ENI.

Liquéfaction du gaz en pleine mer

Fin mars 2021, une attaque surprise sur la petite ville côtière de Palma a suspendu jusqu’à nouvel ordre l’énorme projet de Total, situé à seulement quelques kilomètres. « TotalEnergies doit revenir cette année s’il veut atteindre son nouvel objectif de production en 2026 », estime à Maputo le chercheur de l’Institut d’études de sécurité (ISS), Borges Nhamirre.

L’un des trois projets semble aujourd’hui pouvoir tirer son épingle du jeu. L’italien ENI, qui a misé sur la liquéfaction du gaz en pleine mer, a déclaré à l’AFP maintenir son objectif de production au second semestre 2022.

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Le navire Coral Sul, première plate-forme de liquéfaction de gaz naturel en mer déployée dans les eaux profondes du continent africain, d’une capacité annuelle de production de 3,4 millions de tonnes, est arrivé au large du Mozambique en janvier. Sur la question sécuritaire, l’entreprise à la tête du projet de 6,2 milliards d’euros assure simplement « travailler en étroite collaboration avec le gouvernement ».

Selon les spécialistes, les opérations offshore d’ENI sont à moindre risque. « Les risques d’attaques en mer sont très faibles. En quatre ans de violences, il n’y a pas eu d’attaque en mer sauf contre quelques pêcheurs près de la côte », souligne M. Nhamirre.

Tactique classique de guérilla

Le projet d’ExxonMobil est quant à lui au point mort. La construction des installations d’une capacité annuelle de 15,2 millions de tonnes n’a pas démarré et le groupe américain ne semble pas vouloir bouger avant une amélioration du contexte.

« Maputo est déterminé à voir ces projets aboutir, le gouvernement a besoin de l’argent », souligne Alexandre Raymakers, analyste au cabinet britannique de conseil en risques Verisk Maplecroft. Le gouvernement lorgne sur des milliards de revenus annuels grâce aux projets gaziers, une manne pour le pays dont le PIB est de quelque 13 milliards d’euros.

Depuis six mois, l’armée mozambicaine en difficulté est épaulée par au moins 3 000 soldats de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et du Rwanda. « L’arrivée de troupes régionales a permis à Maputo de briser la montée des violences, mais il est peu probable qu’elles prennent le dessus dans les douze prochains mois », estime M. Raymakers. Selon lui, les forces régionales n’ont pas les moyens : « Soutien aérien limité, peu d’hélicoptères, il s’agit principalement d’infanterie légère. »

Et les djihadistes se sont adaptés depuis leur arrivée : retranchés dans la province voisine de Niassa, ils mènent des attaques sporadiques désormais calquées sur une tactique classique de guérilla. En janvier, l’ONG Acled a recensé une trentaine d’incidents violents.

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Filipe Nyusi assure faire des progrès dans la guerre contre les djihadistes. Mais selon les observateurs, la racine du problème est ailleurs. A quelque 2 000 kilomètres de Maputo, la province du Cabo Delgado est l’une des plus pauvres : le manque d’infrastructures et de débouchés pour les jeunes a créé un ressentiment qui remplit les rangs des groupes armés.

Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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