Tunisie : le recours rejeté, le sort du Code électoral controversé entre les mains du président Essebsi

51 députés tunisiens avaient saisi fin juin l’Instance provisoire de contrôle de constitutionnalité des projets de loi (IPCCPL) à la suite de l’amendement controversé du Code électoral. Après le rejet de leur recours, le texte est désormais entre les mains du chef de l’État Béji Caïd Essebsi.

Très critiqué, l’amendement du Code électoral, adopté le 18 juin par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), est toujours d’actualité. Lundi 8 juillet, l’Instance provisoire de contrôle de constitutionnalité des projets de loi (IPCCPL) a rejeté sur le fond le recours déposé deux semaines plus tôt par 51 députés.

Peu d’informations ont filtré sur le processus de décision au sein de cette boîte noire que représente l’IPCCPL. En l’absence de Cour constitutionnelle, l’Instance est à même de trancher quant à la compatibilité des projets de loi avec la Constitution tunisienne de 2014.

Sa décision a été prise à 4 voix sur 6, d’après l’un des membres contactés par Jeune Afrique, qui souligne que plusieurs dispositions ont fait débat. Par exemple, la mise en œuvre dès le prochain scrutin du seuil électoral abaissé à 3 %, ou encore l’interdiction des candidatures de personnes ayant des discours « en contradiction avec les règles démocratiques ou la Constitution », ou encore de personnes ayant exercé des activités interdites aux partis ou de la publicité politique un an avant le scrutin (une disposition applicable notamment aux dirigeants d’associations ou de médias).

Certains estiment que ces conditions ont été ajoutées à la dernière minute afin d’exclure des personnalités en particulier, et que cela intente à l’égalité entre candidats. Des arguments qui n’ont pas été retenus par l’Instance. Si la Constitution fait référence en ce qui concerne les modalités des candidatures à la présidence (article 74), le législateur peut ajouter des conditions, considère en effet l’IPCCPL, « à partir du moment où elles ne touchent pas en substance aux libertés et qu’elles soient motivées par des considérations démocratiques ».

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« Ces sujets sont loin d’être faciles à trancher. Il y a un problème de timing d’un côté, et de l’autre nous avons la possibilité de protéger cette démocratie naissante contre l’argent sale, analyse pour Jeune Afrique le constitutionnaliste Amin Mahfoudh. La non-rétroactivité est un principe général de droit, mais le législateur peut y déroger pour protéger cette démocratie. »

Le nouveau Code entrera-t-il en vigueur à temps ?

Ce Code amendé peut-il encore s’appliquer aux scrutins législatif et présidentiel de l’automne prochain, alors que l’Instance n’a tranché qu’après la convocation du corps électoral datée du 5 juillet ? « On peut considérer que c’est trop tard si on veut respecter les standards internationaux, mais les personnes qui s’estiment lésées auront des voies de recours auprès de l’Isie [Instance supérieure chargée de l’organisation des élections] si cet organe décide de les exclure sur la base du Code électoral tel qu’amendé », précise notre source au sein de l’IPCCPL.

LE PRÉSIDENT ESSEBSI DISPOSE DE QUATRE JOURS, À PARTIR DE LA DATE DE RÉCEPTION DE LA DÉCISION DE L’IPCCPL, POUR PROMULGUER LE CODE TEL QUEL

C’est auprès de l’Isie que les candidats pourront en effet officiellement se déclarer à partir du 22 juillet. Pour de nombreux experts, les amendements du Code électoral s’appliquant aux conditions d’éligibilité, il est logique que le nouveau texte entre en vigueur avant cette date.

D’ici là, le sort de ce dernier est entre les mains du chef de l’État, Béji Caïd Essebsi (BCE). En vertu de l’article 81 de la Constitution, ce dernier dispose de quatre jours, à partir de la date de réception de la décision de l’IPCCPL, pour le promulguer tel quel. Mais il peut aussi choisir de le renvoyer pour relecture devant l’Assemblée, et ce dans un délai de cinq jours. Le cas échéant, l’Assemblée devrait se dépêcher d’adopter de nouveaux amendements, ce qui semble mal engagé étant donné ses habituels retards. L’option d’un référendum, soulevée par certains, semble exclue, puisque la décision devrait s’appliquer à compter du 22 juillet.

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Les principaux candidats visés

L’IPPCPL ne devrait probablement pas avoir de nouveau à se prononcer, à moins que d’autres amendements ne viennent modifier le texte de manière substantielle. Si BCE traînait, ce Code tel que modifié pourrait aussi ne pas entrer en vigueur à temps, mais cela pourrait avoir un coût politique élevé car il est attendu que le président tranche sur cette question cruciale.

Le suspense dure donc pour ceux que ce texte pourrait exclure de la course aux élections, notamment ceux qui arrivent en tête du dernier sondage du cabinet Sigma Conseil : Nabil Karoui (23 %), Kaïes Saïed(20 %) et Abir Moussi (12 %).

« Si l’Isie venait à rejeter des candidats, ces derniers pourraient saisir la Cour du contentieux électoral du tribunal administratif, explique Amin Mahfoudh. En l’absence de Cour constitutionnelle, ces deux institutions pourraient être amenées à nous donner une définition du régime démocratique. Les débats seront cruciaux, car nous ne sommes vraisemblablement pas tous d’accord sur cette notion. »

Source: Jeune Afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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