Sahel : et si la solution passait aussi par les systèmes alimentaires ?

Au Niger, Sahel Délices fabrique des jus, tisanes, confitures et farines infantiles. C’est un exemple de réussite d’une PME dans la transformation agroalimentaire. À l’image de sa fondatrice, Ma Rouckya Bachir, beaucoup d’entrepreneurs ont compris l’énorme potentiel des filières agroalimentaires au Sahel. La communauté internationale en prend également conscience ; comme la Banque africaine de développement (BAD) qui va appuyer au Mali la création d’agropoles pour créer plus de valeur ajoutée, mais aussi des emplois décents et durables en faveur des femmes et des jeunes.

Pourtant, vu de loin, le Sahel ne ressemble pas à une zone dynamique et propice à l’investissement, car sujet à une instabilité sécuritaire récurrente depuis une décennie. Cette instabilité est, entre autres, le fruit d’appareils étatiques défaillants, d’une mauvaise gouvernance et d’un faible développement économique. D’où la nécessité de mettre, parallèlement aux processus politiques et sécuritaires, le développement économique en haut de l’agenda au Sahel.

Penser le retour de l’économie dans les agendas

Un des piliers de la réponse économique repose sur la transformation des systèmes alimentaires autour d’une approche conjuguant dans une même démarche la protection de l’environnement, la sécurité alimentaire et nutritionnelle et les moyens de subsistance. De fait, cette approche systémique peut contribuer à prévenir les conflits, car, faut-il le rappeler, en plus des attaques djihadistes, les violences au Sahel sont aussi intercommunautaires du fait de litiges autour du partage des terres ainsi que des ressources pastorales.

Le premier sommet mondial sur les systèmes alimentaires organisé par les Nations unies en 2021 a confirmé leur importance et la nécessité de les transformer pour répondre plus efficacement aux enjeux de développement économique et à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD).

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Parmi les démarches qui peuvent aider à créer le plus de valeurs sur place, dans le Sahel, il y a celle de connecter au maximum les producteurs et les consommateurs dans une logique inclusive créatrice d’emplois agricoles et industriels. © SEYLLOU / AFP

Au Sahel, l’économie alimentaire représente 27 % du PIB et 80 % de l’emploi total. L’agriculture y demeure le principal segment. Cependant, les activités en aval connectant les producteurs agricoles aux consommateurs de plus en plus urbains, telles que la transformation, la commercialisation, le transport et la logistique, sont en pleine croissance. Toutefois, beaucoup d’efforts restent à faire pour que les systèmes alimentaires soient résilients et durables, et permettent de relever les défis économiques. Plusieurs axes de réflexion et d’actions méritent d’être examinés.

Faire des petites exploitations agricoles le noyau des systèmes

Au Sahel, plus de 70 % de la production alimentaire provient de ces unités principalement familiales. Celles-ci sont confrontées à divers obstacles, tels que l’accès au crédit ou les chocs climatiques qui limitent leurs performances et exposent les agriculteurs à la précarité. Investir dans l’agriculture familiale pour la rendre plus productive, économiquement viable et écologiquement durable doit être au cœur de la transformation des systèmes alimentaires. Cela permettra de garantir des revenus plus stables aux agriculteurs, de diversifier les activités et les sources de revenus des membres de chaque ménage.

Soutenir l’émergence des PME en milieu de chaîne

Les PME en milieu de chaîne – la transformation, la commercialisation, le transport, la logistique, etc. – constituent le pont entre les agriculteurs et les consommateurs urbains en quête de produits frais et transformés. Aujourd’hui, cette connexion est faible du fait de la difficulté pour les agriculteurs d’accéder au marché et de la mauvaise connexion entre les milieux ruraux producteurs et urbains consommateurs.

Soutenir l’émergence des PME en milieu de chaîne nécessite de renforcer les liens urbains-ruraux grâce à une meilleure offre d’infrastructures de transport, à un meilleur accès à l’information et aux services spécialisés, et ce, d’autant que ces activités attirent fortement les jeunes et les femmes. Une amélioration de l’environnement des affaires ainsi que des dispositifs d’accompagnement pour la création et la structuration des PME s’avère nécessaire pour soutenir les jeunes et femmes entrepreneurs.

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Investir dans la durabilité environnementale et l’adaptation au changement climatique

Au Sahel, une grande partie des dommages environnementaux, comme la perte de biodiversité ou la déforestation, se produit au stade de la production agricole. Dans le même temps, les chocs climatiques constituent une menace pour la performance des systèmes alimentaires et des facteurs aggravant l’insécurité alimentaire.

L’utilisation des technologies et l’amélioration de la disponibilité ainsi que l’accès aux services et outils climatologiques, tels que les systèmes d’alerte précoce et les assurances contre les risques, constituent des investissements importants qui aideront les producteurs et l’ensemble du système alimentaire à devenir plus durables et résilients.

Promouvoir des régimes alimentaires sains et équilibrés

Dans la période actuelle, le Sahel est dans une situation de transition nutritionnelle où il doit faire face à un « double fardeau », celui de la sous-alimentation, d’une part, et d’une surnutrition, d’autre part.

En plus d’améliorer l’accès à l’alimentation, il est nécessaire d’intensifier la surveillance des tendances nutritionnelles à long terme, notamment dans les agglomérations urbaines où les changements dans les habitudes alimentaires impactent fortement les populations. De fait, des programmes de sensibilisation doivent être déployés dans toute la région pour une meilleure éducation nutritionnelle.

Tous ces constats étant faits, il convient de bien réaliser que la transformation des systèmes alimentaires à elle seule ne suffira pas à ramener de façon pérenne la stabilité au Sahel. Elle doit se faire parallèlement à une démarche réfléchie de construction des États, d’amélioration de la gouvernance, avec des processus politiques inclusifs dans la région.

Source : Le Point Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

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Tribune d'Afrique

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