Des milliers d’opposants au coup d’État sont de nouveau descendus dans les rues de Khartoum et sa banlieue, samedi. Les forces de sécurité ont tenté de les disperser à coup de grenades lacrymogènes. Selon un syndicat de médecins, cinq manifestants ont été tués.

Cinq manifestants ont été tués samedi 13 novembre au Soudan, lors d’une nouvelle journée de mobilisation contre le coup d’État. Les forces de sécurité tirent à balles réelles et font usage de grenades lacrymogènes contre les milliers d’opposants.

Les partisans d’un pouvoir civil, réduits à s’organiser par SMS ou graffitis avec Internet coupé depuis trois semaines, veulent montrer qu’ils pèsent encore, alors que les militaires devront faire preuve de retenue pour rassurer la communauté internationale, qui a condamné le putsch du 25 octobre dans ce pays d’Afrique de l’Est.

Malgré les appels au calme venus dès vendredi soir des quatre coins du monde, les médecins recensaient en début d’après-midi cinq manifestants tués ainsi que de « nombreux blessés par balles », semblant montrer que l’armée est décidée à en finir avec une mobilisation qui ne cesse de se relancer depuis le coup d’État.

Quatre manifestants ont été mortellement touchés par des balles, tandis que le troisième est mort asphyxié par les gaz lacrymogènes, selon un syndicat de médecins.

Barrages, ponts bloqués

Dès les premières heures du matin, soldats et paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) se sont positionnés en masse à Khartoum, installant des barrages volants pour empêcher les rassemblements et bloquer les ponts reliant le centre de Khartoum aux banlieues.

Malgré ces obstacles, des cortèges sont partis de nombreux quartiers aux cris de « Non au pouvoir militaire » et « À bas le Conseil » de souveraineté dirigé par le général Abdel Fattah al-Burhane, auteur du coup d’État.

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Dans l’est du pays, une foule de manifestants a défilé dans les rues, selon des correspondants de l’AFP sur place.

Depuis le coup d’État, 15 personnes ont été tuées et plus de 300 blessées dans la répression des manifestations, selon un bilan établi par des médecins avant cette nouvelle journée de mobilisation. Des centaines d’opposants et des militants ont été arrêtés, d’après les syndicats et autres associations prodémocratie.

Réinstallation du Conseil de la souveraineté

Avec son coup de force, le général Abdel Fattah al-Burhane a rebattu les cartes d’une transition qui battait de l’aile depuis des mois. Il a fait rafler la quasi-totalité des civils au sein du pouvoir et mis un point final à l’union sacrée entre civils et militaires qui avait clos trente ans de dictature Béchir.

Jeudi, il a acté la rupture avec la réinstallation et la réforme du Conseil de souveraineté, plus haute autorité de la transition depuis la destitution, sous la pression de la rue, du président Omar el-Béchir en 2019, qu’il avait dissous le 25 octobre.

Il a ainsi reconduit des militaires au sein du Conseil et nommé des civils apolitiques en remplacement des partisans d’un transfert complet du pouvoir aux civils.

Avec son second, le général Mohammed Hamdane Daglo, chef des RSF et accusé d’exactions graves, ils se sont engagés à « des élections libres et transparentes » à l’été 2023. Des promesses qui n’ont pas apaisé l’opposition, alors que le retour en arrière est tangible.

Lors du putsch, le général Burhane a suspendu des articles de la déclaration constitutionnelle censée encadrer la transition jusqu’aux élections. Il les a réintroduits, jeudi, mais après en avoir retiré toutes les mentions faites des Forces de la liberté et du changement (FLC), bloc civil né de la révolte populaire de 2019.

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Appel « à la retenue »

Pour Volker Perthes, émissaire de l’ONU au Soudan, « la nomination unilatérale du Conseil de souveraineté rend beaucoup plus difficile un retour aux engagements constitutionnels » de 2019.

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Mais, la priorité samedi, ajoute Volker Perthes sur Twitter, c’est que « les forces de sécurité fassent preuve de la plus grande retenue ».

Le Premier ministre renversé, Abdallah Hamdok, est lui toujours en résidence surveillée. L’armée n’a libéré que quatre ministres, en dépit des appels quasi quotidiens de la communauté internationale à un retour au gouvernement civil d’avant-25 octobre.

Le général Burhane promet depuis plusieurs jours la formation « imminente » d’un gouvernement, sans y être parvenu jusqu’ici. De plus, le nouveau Conseil de souveraineté ne présente pas un front uni.

Les observateurs ont noté que les trois ex-chefs rebelles reconduits au sein de l’instance n’ont pas prêté serment avec les autres. Ils avaient annoncé rejeter le putsch et ne sont pas apparus depuis leur nomination.

Source: France 24/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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