Retenir l’armée américaine au Sahel, la mission de Florence Parly aux Etats-Unis

La ministre française des armées, Florence Parly, après une rencontre avec le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, à Bamako, le 20 janvier 2020. Ann Risemberg / REUTERS

Les Etats-Unis, qui apportent un important soutien à l’opération française « Barkhane », veulent réduire les moyens consacrés à la guerre contre le terrorisme.

La ministre française des armées, Florence Parly, va tenter, ce lundi 27 janvier à Washington, de convaincre son homologue américain, Mark Esper, de ne pas retirer à la France un soutien crucial dans la lutte qu’elle livre depuis près de sept ans aux groupes djihadistes au Sahel.

Les responsables français ne cachent pas leur inquiétude face à la volonté affichée des Etats-Unis de réduire les moyens consacrés depuis deux décennies à la « guerre contre le terrorisme » pour concentrer leurs efforts sur les menaces constituées par la Chine et la Russie. Au Sahel, Washington apporte avec ses bases au Niger un soutien significatif aux 4 700 soldats français de l’opération « Barkhane » en matière de logistique, de ravitaillement et, surtout, de surveillance, avec des drones équipés d’un système d’interception des communications qu’ils sont à ce jour les seuls à pouvoir fournir.

« Je m’échine à éviter que les Américains s’en aillent », a confié la semaine dernière le chef d’état-major des armées, le général François Lecointre, qui assure que ses interlocuteurs militaires « conviennent que cela n’aurait aucun sens » au regard de l’ampleur de la menace djihadiste en Libye et au Sahel, où la branche locale du groupe Etat islamique (EI), en particulier, multiplie les attaques meurtrières. « Il y a un risque réel de voir l’EI reconstituer au Sahel le sanctuaire qu’il a perdu au Proche-Orient », insiste-t-on dans l’entourage de Florence Parly.

L’ennui, c’est que la décision américaine, bien que prise au Pentagone, risque d’être influencée par l’agenda électoral d’un Donald Trump avide de prouver qu’il tient sa promesse de ramener des « boys » à la maison. Or le chef du Pentagone, Mark Esper, paraît moins enclin que le secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, ou des parlementaires influents, comme le sénateur Lindsey Graham, à s’opposer aux décisions souvent impulsives du locataire de la Maison blanche – comme l’a illustré le retrait précipité des soldats américains du nord de la Syrie, en octobre.

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Lors de leur entretien prévu à 10 h 30 à Washington (15 h 30 GMT), Florence Parly ne manquera pas l’occasion de rappeler à Mark Esper que la France est l’un des partenaires les plus solides des Etats-Unis. Outre le Sahel, l’avenir de la coalition contre l’EI au Levant ou la réforme de l’OTAN figurent d’ailleurs au menu des discussions. La ministre des armées répétera son message au patron de la National Security Agency (NSA), le général Paul Nakasone, puis au conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, Robert O’Brien, qui la recevra plus tard à la Maison blanche.

La France arme ses drones

Pour Florence Parly, il y a urgence à convaincre, le chef d’état-major des armées américaines, le général Mark Milley, ayant promis une décision sur le dispositif en zone sahélo-saharienne au plus tard début mars. Lors d’un entretien téléphonique avec des journalistes il y a dix jours, le commandant des opérations américaines en Afrique (Africom), le général William Gayler, s’est dit confiant qu’elle serait prise « en consultation et en coordination avec nos alliés européens ».

Mais dans les faits, la « réorientation » des moyens déployés par les Etats-Unis en Afrique se fait déjà ressentir sur le terrain, notamment en matière de renseignement aérien, ont déclaré des responsables américains à Reuters. Selon l’un d’eux, les drones américains ont par exemple déjà cessé de survoler la région du lac Tchad, zone d’influence du groupe nigérian Boko Haram. Un désengagement accru pourrait « plonger dans le noir » les soldats de « Barkhane », qui combattent plus à l’ouest les groupes affilés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et à l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS).

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Pour tenter de l’éviter, Florence Parly devrait brandir un argument massue : avec un budget estimé à 45 millions de dollars par an (environ 41 milliards d’euros), les Etats-Unis ne fournissent au Sahel qu’un « effort financier limité pour un effet maximal sur le terrain », souligne-t-on au ministère des armées. « Ce n’est pas le moment de se désengager, mais au contraire de mettre le paquet dans tous les domaines », ajoute-t-on, en rappelant que cela passe par des efforts en matière de justice et de gouvernance des Etats du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad), qu’Emmanuel Macron a réunis à Pau le 13 janvier.

En attendant la décision américaine, la France a commencé à anticiper un retrait en décidant d’armer ses drones, qui ont mené leurs premières frappes fin décembre au Mali. Six drones supplémentaires sont attendus au Niger d’ici à la fin de l’année, ce qui portera à neuf le nombre d’appareils. Le général Lecointre a indiqué que l’armée disposerait à ce moment-là des mêmes moyens d’interception des communications que les Etats-Unis.

Paris cherche aussi à attirer de nouveaux partenaires. C’est dans cet esprit que Florence Parly s’est rendue la semaine dernière au Sahel avec trois de ses homologues européens.

Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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