Le Ghana invite sa diaspora à investir dans de grands projets

Après l’Année du retour, le Ghana ouvre cette année un compte dédié aux investissements de la diaspora. À gauche de l’image, la cheffe Essie Bartels qui a travaillé dans les meilleurs restaurants du monde avant de rentrer au Ghana installer son entreprise dédiée aux épices, EssieSpice. 

Avec la création d’une banque d’investissements dédiée, le pays compte tirer bénéfice des nombreux envois de fonds de sa diaspora, en hausse chaque année.

Après une année 2019 sous le signe du « retour » de la diaspora, 2020 sera-t-elle celle de ses investissements ? C’est en tout cas le souhait du gouvernement ghanéen, qui, fin décembre, a annoncé la création du Diasporan Savings and Investment Account, ou African Sankofo Account. L’instance, supervisée par la Banque du Ghana et le ministère des Finances, sera récipiendaire des prêts – à des taux avantageux – alloués au pays par les membres de sa diaspora. Les autorités espèrent, à terme, récolter près de trois milliards de dollars de financement, a fait savoir le ministre des Finances Ken Ofori-Atta lors d’une conférence de presse à Accra. Une somme qui sera investie en priorité dans les infrastructures, l’agriculture et le tourisme.

Le ministre a défendu son projet en rappelant que ses bénéfices profitent aux deux parties. « Les fonds des diasporas profiteront ainsi autant à l’économie du Ghana qu’aux prêteurs, qui percevront un retour sur investissements », note le site d’informations Modern Ghana. Avec l’African Sankofo Account, le Ghana fait bouger les lignes. Car, d’ordinaire, rares sont les fonds de la diaspora à être investis. D’après la Banque mondiale, les deux tiers servent en effet à répondre aux besoins de la vie quotidienne, comme l’achat de nourriture ou de prestations de santé.

A LIRE AUSSI:   Le gouvernement ghanéen annonce avoir déjoué une tentative coup d’Etat

La diaspora pour dynamiser l’économie

Mais les autorités ont bien compris le potentiel qu’elles pouvaient tirer de ses compatriotes de l’extérieur. Car les retombées de « l’Année du retour », destinée à encourager les Africains et Afro-Américains à venir au Ghana à la recherche de leurs racines, sont encourageantes. D’après la Ghana Tourism Authority (GTA), le pays attend pour cette année 500 000 touristes – dont 45 000 Afro-Américains – contre 350 000 en 2018. Des arrivées qui pourraient générer 925 millions de dollars de revenus annuels, soit une augmentation de 50 % par rapport à l’année précédente.

Une somme qui, couplée à celle des transferts de fonds – de 2,5 milliards en 2018, ils pourraient s’élever à près de 3 milliards en 2019 –, représente un potentiel économique conséquent pour le pays. Car malgré sa bonne santé économique globale, le gouvernement prévoit 7,9 % de croissance pour 2019, le Ghana fait encore face à de nombreuses difficultés. Et en premier lieu, celle de la corruption. Selon le Pnud, Accra perd chaque année plus de deux milliards de dollars à cause de ce fléau. Le pays est même le deuxième plus corrompu d’Afrique, juste derrière l’Afrique du Sud, d’après un rapport de Transparency International publié en 2019. La situation écorne l’image du pays à l’international, et refroidit logiquement les investisseurs.

Surtout que l’inquiétude gagne aussi les autorités nationales. Dans une note publiée fin septembre, la Banque centrale affirmait que « la situation budgétaire demeure préoccupante », et que « des efforts accrus seront nécessaires pour combler le déficit ». En cause, d’après les auteurs du document, la faiblesse des recettes perçues par le Ghana, moins élevées qu’attendu. Entre janvier et fin juillet 2019, les recettes globales, y compris les dons, se sont ainsi élevées à 26,8 milliards de cedis ghanéens contre un objectif de 31,8 milliards de cedis.

A LIRE AUSSI:   Diasporas: une rencontre économique pour les présidents français et ghanéen

Une richesse africaine

Pour inverser la tendance, le Ghana compte donc sur les fonds de la diaspora. Une initiative déjà appliquée dans plusieurs pays d’Afrique, à l’instar du Rwanda ou de l’Éthiopie. Les deux pays est-africains possèdent depuis plusieurs années des instances dédiées aux fonds de la diaspora et promeuvent les « diaspora bonds », des emprunts ciblant ses membres. Des projets qui pourraient, à terme, fleurir sur le continent tant les fonds transférés par les Africains du monde sont conséquents. Dans certains pays, ils dépassent même largement l’aide internationale au développement, malgré leurs coûts exorbitants.

D’après le Fonds international pour le développement agricole (FIDA), les fonds rapatriés par les travailleurs migrants d’Afrique subsaharienne sont en hausse de 36 % sur la période 2007-2016. Cette année, la Banque mondiale estime d’ailleurs à 48 milliards de dollars les envois de fonds à destination du continent, soit 2 milliards de plus que l’année précédente… et trois de moins qu’en 2020. Soit un potentiel considérable, que le Ghana compte bien mettre à profit.

Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

Read Previous

Afrique : la démocratie garantit-elle le développement ?

Read Next

Bénin : affrontements entre populations et forces de sécurité dans le centre