L’Algérie proche de la fin des subventions sur les produits de base

L’Algérie est-elle en train de tourner le dos à l’un de ses plus importants héritages économiques ? Les députés algériens ont planché sur la loi de finances pour 2022 et voté, mercredi 17 novembre, la suppression du système de subventions généralisées des produits de base, qui existe depuis les années 1960. Ce système s’appuie sur deux piliers : d’une part, les « transferts sociaux », des prestations sociales qui permettent à tous les Algériens, quels que soient leurs revenus, de bénéficier d’une éducation et de soins gratuits, mais aussi notamment de logements extrêmement bon marché ; d’autre part, des subventions aux produits et services de base (pain, semoule, sucre, huile, eau, électricité, gaz, transports…) qui se sont substituées dans les années 1990 au contrôle des prix. Répercutées sur les prix en magasin ou sur la facture d’énergie, elles profitent à tous les Algériens, riches ou pauvres. Mais cette politique sociale des subventions généralisées a un coût : jusqu’à près de 10 % du PIB. Le pouvoir d’achat de nombreux Algériens dépend donc des revenus de l’État.

Pressions du FMI

Très attendue, maintes fois reportée, cette réforme intervient alors que l’économie algérienne a été frappée de plein fouet par la pandémie et la chute des prix du pétrole. Le pays a vu ses réserves de change fortement chuter notamment à cause de la baisse des recettes liées aux exportations des hydrocarbures, même si, actuellement, les cours repartent à la hausse, ce qui permet à Alger de respirer un peu.

« Il est urgent de recalibrer la politique économique pour corriger les déséquilibres macroéconomiques, tout en protégeant et renforçant le soutien aux tranches les plus vulnérables de la population », a estimé dans un communiqué une délégation du FMI qui a effectué une mission « virtuelle » en Algérie du 13 septembre au 3 octobre. « La pandémie et la baisse concomitante de la production et des prix du pétrole ont eu de graves répercussions sur l’économie l’année dernière, entraînant une forte contraction du PIB réel de 4,9 % en 2020 », a noté le FMI.

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La pandémie « a encore mis en évidence les facteurs de vulnérabilité de l’économie algérienne. (…) Les déficits budgétaire et extérieur se sont encore creusés en 2020, alors que les réserves internationales, qui demeurent à un niveau adéquat, ont baissé de 62,8 milliards de dollars en 2019 à 48,2 milliards de dollars à la fin de 2020 ».

Quatrième puissance économique du continent africain, le pays est particulièrement exposé aux fluctuations du prix du pétrole du fait de sa dépendance à la rente pétrolière, qui représente plus de 90 % des recettes extérieures.

La mission du FMI a estimé qu’une « reprise graduelle est en cours, avec une croissance économique projetée à plus de 3 % cette année » grâce à la récente hausse des prix de l’or noir.

Toutefois, le FMI note que « l’inflation s’est accélérée pour atteindre 4,1 % en moyenne annuelle en juin 2021 » et que la croissance « devrait s’essouffler à moyen terme du fait de l’érosion probable de la capacité de production dans le secteur des hydrocarbures dans un contexte de réduction des projets d’investissements décidée en 2020, et des politiques actuelles qui limiteraient le crédit au secteur privé ».

L’institution internationale prévoit une « persistance de déficits budgétaires élevés à moyen terme », ce qui « épuiserait les réserves de change et présenterait des risques pour l’inflation, la stabilité financière et le bilan de la banque centrale ».

Aussi, la mission recommande que l’Algérie mette en place un ensemble de mesures, notamment la diversification des sources de financement budgétaire, y compris à travers le recours à l’emprunt extérieur. Or le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, exclut au nom de la « souveraineté nationale » de contracter des prêts auprès du FMI et des organismes financiers internationaux.

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Pour Alger, « une nouvelle philosophie »

« Le gouvernement n’entend nullement renoncer » au système des aides d’État, a assuré mercredi le Premier ministre algérien, Aïmene Benabderrahmane, répondant à des critiques de députés sur la fin des subventions généralisées. Les subventions aux produits de base représenteront encore pour 2022 un total de « 17 milliards de dollars », a indiqué le chef du gouvernement.

En septembre, il avait chiffré à « entre 30 et 41 milliards de dollars » selon les années – en fonction des variations de taux de change – le coût annuel du système de subventions en vigueur jusqu’à présent.

Il s’agit d’adopter « une nouvelle philosophie visant à cibler, directement par des aides, les familles dans le besoin », a également ajouté le ministre des Finances.

Tous les parlementaires ont voté pour, à l’exception de ceux du principal parti islamiste, le Mouvement de la société pour la paix (MSP, 65 députés sur les 407).

Cette proposition reflète « une transformation sociale majeure qui fragilise le pouvoir d’achat des Algériens de manière inédite sans mécanismes pour leur garantir l’accès à une compensation monétaire », a dénoncé le MSP dans un communiqué.

Les modalités d’application de la loi, en particulier, et la liste des produits concernés et les catégories de ménages ciblés seront précisées ultérieurement par des décrets d’application.

Source: Le Point Afrique/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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