L’Afrique australe, base économique de Berlin sur le continent

La chancelière allemande Angela Merkel et le président sud-africain Cyril Ramaphosa à Pretoria, le 6 février 2020. PHILL MAGAKOE / AFP

Angela Merkel entame une courte tournée ce jeudi en Afrique du Sud et en Angola, alors que la région concentre les intérêts économiques allemands continentaux.

Angela Merkel est en terrain conquis à Pretoria, où elle vient en visite ce jeudi 6 février. L’Afrique du Sud représente depuis des décennies sa principale base en Afrique. C’est ici que se concentrent 600 des 800 entreprises à capitaux allemands installées sur le continent. « L’Afrique équivaut à 2 % de nos exportations, dont 1,2 % vers la seule Afrique du Sud », précise Frank Aletter, le président de la chambre de commerce allemande à Johannesburg. Le « tournant africain » de l’Allemagne a eu lieu en 2017, lorsqu’elle devient le premier fournisseur européen de l’Afrique. Les exportations de Berlin atteignent cette année-là 25,6 milliards d’euros, devant celles des entreprises françaises (25,5 milliards d’euros).

L’Afrique du Sud est une destination phare. Près des deux tiers des investissements allemands sont concentrés dans la « nation arc-en-ciel », principalement dirigés vers les industries automobile, chimique et pharmaceutique. D’abord car l’économie diversifiée sud-africaine est assez développée pour recevoir les produits haut de gamme de l’industrie allemande. Ensuite « car beaucoup d’entreprises s’installent dans la région de Johannesburg pour pouvoir se tourner vers le reste de la région », continue Frank Aletter.

C’est le cas des grands constructeurs automobiles allemands qui entretiennent une histoire de longue date avec l’Afrique du Sud. Ils s’y étaient déjà implantés sous le régime de l’apartheid. Les lignes d’assemblages de BMW, Volkswagen et Mercedes-Benz se succèdent dans la province du Cap-Oriental et produisent à elles trois 230 000 véhicules, dont un quart est destiné à l’exportation dans la région. Le secteur est primordial pour le président Cyril Ramaphosa, qui ne peut se passer de son partenaire allemand.

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L’exception sud-africaine

Cependant, Pretoria fait figure d’exception. Les entreprises allemandes sont frileuses à l’idée de s’aventurer dans les autres pays de la région. Pour diversifier les investissements, la chancelière Merkel a lancé son initiative « Compact With Africa » en 2017, avec l’idée d’accompagner plus d’acteurs à s’installer en Afrique. Le constat est pour l’heure mitigé. Bien que les investissements aient augmenté de 10 % en 2018, seulement 5 % des entreprises allemandes se disent aujourd’hui prêtes à tenter le pari africain.

Pour le directeur de la German African Business Association, Stephan Kannengieser, les ambitions de Berlin ne se traduisent pas dans les actes : « Les autorités doivent en faire plus si elles veulent pousser les Allemands à investir sur le continent. » Les garanties offertes aux entreprises par l’agence allemande de crédit Eules Hermes sont par exemple jugées insuffisantes. « Il est toujours plus risqué de venir investir en Afrique qu’ailleurs, continue M. Kannengieser. Par exemple, si vous exportez une turbine vers un pays africain, la police d’assurance sera de seulement 90 %, contre 98 % si vous exportez vers l’Autriche. » Pas très engageant si l’on y ajoute des contextes politiques parfois instables.

L’Angola, en pleine reconstruction après les années dos Santos, pourrait être l’une des nouvelles cibles des entreprises allemandes à long terme. « Nous sommes encore invisibles à Luanda », reconnaît Franck Aletter, précisant que seulement quinze entreprises d’outre-Rhin ont des contrats dans le pays. La chancelière est venue accompagnée d’une délégation d’hommes d’affaires, mais les ambitions économiques se heurtent à plusieurs obstacles. « C’est la deuxième économie de la sous-région, mais le pouvoir d’achat est encore trop faible pour les produits allemands », souligne le président de la chambre de commerce. En outre, l’archi-domination portugaise ne facilite pas la tâche d’éventuels concurrents européens.

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Pour l’heure, le déplacement de la chancelière à Luanda est avant tout politique, assure Melanie Mueller, chercheuse à l’Institut allemand des relations Internationales (SWP) : « Elle vient rendre hommage aux efforts du président Lourenço pour lutter contre la corruption et créer un environnement économique stable ». A Pretoria, l’économie fera aussi place à une séquence diplomatique, alors que la chancelière allemande s’apprête à prendre la présidence du conseil de l’Union européenne au mois de juillet, et que son homologue Cyril Ramaphosa assume cette charge à la tête de l’Union africaine pour 2020. « Angela Merkel s’investit de plus en plus dans les affaires du continent, comme le prouve la conférence sur la Libye organisée récemment à Berlin », explique Melanie Mueller. Le président sud-africain fait lui aussi preuve d’un interventionnisme grandissant dans les négociations sud-soudanaises et le conflit autour des eaux du Nil.

Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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