Grèves, sit-in et asphyxie des sphères de production : Aggravation de la crise socioéconomique en Tunisie

Hichem Mechichi le 6 mars à Tunis. ANIS MILI / AFP

Une Assemblée des représentants du peuple (ARP), plus divisée que jamais, ne pouvant offrir au gouvernement Mechichi le soutien nécessaire pour faire face aux crises qui traversent le pays.

Un flottement perceptible, au niveau des hautes sphères du pouvoir, aidant à la multiplication des grèves et des sit-in, qui ont atteint toutes les régions. La Tunisie peine, dans ces conditions, à concevoir son Budget 2021, censé être adopté d’ici le 10 décembre. Jamais l’instabilité politique n’a atteint pareilles dimensions en Tunisie depuis 2011. Plus d’une année après les élections du 6 octobre 2019, la majorité parlementaire n’est pas claire autour du chef du gouvernement, Hichem Mechichi.

Ainsi, alors que lors du vote de confiance du 2 septembre de l’ARP au gouvernement, les partis Ennahdha, QalbTounes, TahyaTounes, les blocs parlementaires de la Réforme et Nationaliste, ainsi que quelques députés indépendants, lui ont assuré 134 voix sur les 217 de l’Assemblée. Une majorité respectable somme toute. Mais, paradoxalement, cette majorité a changé durant ces trois mois.

C’est désormais une troika, formée d’Ennahdha, QalbTounes et le bloc Qarama, qui a défendu le projet de loi de finances complémentaire 2020 de Mechichi, qui n’a finalement réuni que 96 voix en faveur de cette loi, soit une majorité très simple. Par ailleurs, 148 députés, seulement, ont cru utile d’assister. Autre signe d’indifférence.

Dans ledit projet, l’ARP a permis à la Banque centrale (BCT), à titre exceptionnel, de financer 2,810 milliards de dinars (1,06 milliard de dollars) du déficit budgétaire, sur une période de cinq ans, ce que la BCT avait, au départ, refusé, craignant des retombées inflationnistes. Par ailleurs, le problème de ce déficit ne va pas s’arrêter à ce niveau ; le gouvernement aura à ramasser vingt autres milliards de dinars (7,6 milliards de dollars), pour clôturer le Budget 2021 et il peine à rassembler ces ressources.

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L’équipe de Mechichi devrait sortir sur le marché international pour une partie de ces Fonds et les coûts seraient exorbitants, vu la note souveraine très médiocre de la Tunisie. La BCT s’oppose à cette attitude gouvernementale. Le gouverneur, MarouaneAbbassi, trouve aberrant que «le gouvernement tunisien s’endette pour payer des salaires, alors que les vannes de pétrole et les trains de phosphate sont bloqués par des sittineurs», a-t-il régulièrement rappelé.

Grèves

Depuis la révolution de 2011, les mines de phosphate ne sont jamais revenues à leur rythme de croisière. Mêmes constats du côté du pétrole ou des cueillettes agricoles. Les bonnes récoltes sont dilapidées, faute de bonne gestion. A cette nonchalance, il faut ajouter les grèves qui réduisent la productivité à plus de sa moitié.

Le nombre d’employés de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) a plus que doublé, passant de 8000 à 20 000, via des recrutements anarchiques pénalisant la CPG et alourdissant ses charges salariales. Laquelle recrudescence du nombre d’employés ne s’est pas traduite dans la production, faute d’une stratégie pour l’entreprise, ne parvenant pas à produire la moitié de ses capacités.

La Tunisie a été obligée, pour la 1re fois de son histoire, d’importer du phosphate algérien pour faire travailler le groupe chimique. Tout cela, sans parler du sit-in de Tataouine (Al kamour), qui a bloqué la production pétrolière du pays du 16 juillet à fin octobre, entraînant un manque à gagner à l’Etat de près de 300 millions de dinars (100 millions d’euros).

Par ailleurs, il ne passe pas un jour sans que la place du gouvernement à la Kasba ne soit pas occupée par des sittineurs, ayant des revendications sociales, à la recherche, notamment, d’emploi. Pareils attroupements sont également observés devant les gouvernorats et les délégations dans les régions. La révolution a certes ouvert les voies des réclamations. Mais, elle a progressivement démoli toute notion d’ordre.

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Pour preuve, des sitinneurs à Gabès, à 400 kilomètres de Tunis, bloquent depuis le 10 novembre l’activité d’une usine de remplissage des bouteilles de gaz butane, à usage domestique, privant des régions entières de combustible pour cuisiner ou se chauffer. Les sitinneurs réclament du travail. Personne n’a été sanctionné.

D’autres sitinneurs ont essayé de bloquer l’accès à la zone industrielle de Thyna, à 10 kilomètres de Sfax. Des sit-in sont observés près du gisement de pétrole de Douleb à Kasserine, sur la route du phosphate entre Gabès et Gafsa, au sud de la Tunisie, voire sur tout ce qui signifie la création des richesses. Difficile est la situation de la Tunisie, à quelques semaines du 10e anniversaire de sa révolution.

Source : El watan/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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