Grève des enseignants au Cameroun : le bras de fer avec le gouvernement se durcit

Paul Atanga Nji n’y est pas allé de main morte. Le ministre camerounais de l’Administration territoriale a demandé aux gouverneurs de région de procéder à « l’identification systématique et à l’interpellation des signataires des communiqués portant la marque du mouvement OTS [« On a trop supporté »] ». Dans une correspondance datée du 6 mai dernier, il s’inquiète de la « résurgence de revendications fantaisistes » portées, selon lui, par des « esprits malveillants dénués de toute légitimité ».

Menace de représailles

Paul Atanga Nji insiste sur le « caractère illégal » du mouvement. À l’en croire, c’est parce qu’il était « de bonne foi » et dans une posture « d’apaisement et d’ouverture » que le gouvernement avait accepté de négocier avec les enseignants, lesquels réclamaient notamment le paiement d’arriérés de salaire. Mais les discussions ont échoué et, à Yaoundé, le vent a tourné. Le patron de la territoriale demande donc aux gouverneurs de tenir « la main ferme à l’application des sanctions prévues par les textes en vigueur », une menace de représailles à peine voilée à destination des grévistes.

Si le ministre s’est fendu d’une déclaration aussi musclée, c’est que le collectif « On a trop supporté » a de nouveau appelé les enseignants à observer cinq jours de grève à compter de ce lundi 9 mai. Pour ces derniers, il s’agit de protester contre « la filouterie du gouvernement, qui ne veut manifestement pas résoudre les problèmes posés depuis février ». Ils estiment « insuffisantes » les réponses à leurs revendications.

LA TRÊVE OBSERVÉE EN AVRIL DERNIER A DOUCHÉ LA MOTIVATION D’UNE PARTIE DES MÉCONTENTS, QUI ONT REPRIS LE CHEMIN DES SALLES DE CLASSE

Sur le terrain, le mot d’ordre du collectif OTS est inégalement suivi. Il y a toujours quelques irréductibles, mais la trêve observée en avril dernier a douché la motivation d’une partie des mécontents, qui ont repris le chemin des salles de classe. La répression serait aussi à l’origine de nombre de défections, à en croire des enseignants rencontrés dans les établissements scolaires. Car il y a une semaine déjà que le gouvernement affiche son inflexibilité, préférant manifestement la force à la négociation.

A LIRE AUSSI:   Cameroun-Zimbabwe : le CHAN, championnat de sorcellerie ?

Pauline Nalova Lyonga, chargée des Enseignements secondaires, a en effet adressé une correspondance aux délégués régionaux de son ministère. Cette lettre demandait que soient transmis aux gouverneurs de région « les dossiers des personnes indisciplinées au plus tard le 5 mai 2022, en vue de l’organisation des conseils de discipline ».

« Des revendications légales et légitimes »

Pas de quoi dissuader les leaders du mouvement OTS, qui restent convaincus de la légitimité de leurs revendications. « Les représentants OTS ne sont ni des maquisards ni des personnes cachées, la preuve, leur signature, avec nom à l’appui, et leur numéro de téléphone sont sur les communiqués et correspondances, ont-ils affirmé dans un communiqué rendu public le 9 mai. Nos revendications sont à la fois légales et légitimes […]. Et les mesures prises par le gouvernement sont totalement insuffisantes. »

Pour le politologue Aristide Mono, il y a eu « un échec de la stratégie de noyautage » du mouvement OTS. « Nous avons graduellement assisté à une tentative de diabolisation et de corruption de cette mouvance, puis à un dialogue qui au fond semblait plus avoir pour but de gagner du temps. Et maintenant on assiste à la brutalité ouverte et à l’étiquetage légitime », explique-t-il.

Jusqu’où ira le bras de fer ? Les leaders du mouvement OTS affirment qu’une interpellation des représentants des enseignants « conduira à un arrêt de toute activité scolaire et pédagogique ». « Plus personne ne se rendra dans aucun établissement jusqu’à leur libération […] et il faudra aussi interpeller tous les enseignants grévistes pour être cohérent avec une telle démarche », ont-ils répondu à Paul Atanga Nji. « Le gouvernement a grignoté des victoires. La répression connaît des résultats positifs, conclut Aristide Mono. Mais cette stratégie risque aussi de contribuer à la radicalisation de l’aile dure du mouvement. De toute évidence, ce noyau-là sera difficile à démanteler. »

A LIRE AUSSI:   Centrafrique : l’ONU réclame une enquête après l’attaque contre des casques bleus à Bangui

Source: Jeune Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

Read Previous

Burkina : course contre la montre pour sauver les mineurs coincés dans la mine de Perkoa

Read Next

Le fils Museveni prêt à prendre la relève