Ethiopie : neuf groupes rebelles s’allient contre le gouvernement, les Etats-Unis appellent leurs ressortissants à quitter le pays « dès que possible »

Le conflit entre le gouvernement et le Front populaire de libération du Tigré s’est intensifié, alors que ce dernier déclare progresser vers la capitale.

En Ethiopie, neuf groupes rebelles ont annoncé, vendredi 5 novembre, la création d’une alliance contre le gouvernement du premier ministre Abiy Ahmed, dans un « front uni » emmené par les combattants nordistes du Front populaire de libération du Tigré (FPLT), qui menacent de marcher sur la capitale, Addis-Abeba.

Face à « l’escalade » du conflit, les Etats-Unis ont appelé leurs ressortissants présents en Ethiopie à « quitter le pays dès que possible »« Nous recommandons fortement aux ressortissants américains de renoncer à se rendre en Ethiopie, et à ceux qui se trouvent actuellement en Ethiopie de commencer à se préparer à quitter le pays », a déclaré l’ambassade américaine à Addis-Abeba sur Twitter.

Le gouvernement fédéral est en guerre depuis plus d’un an dans le nord du pays contre les combattants du FPLT, qui ont récemment progressé au-delà de leur région, notamment dans l’Amhara. Ils ont affirmé mercredi avoir atteint la localité amhara de Kemissie, à 325 kilomètres au nord de la capitale, où ils ont rejoint des combattants de l’Armée de libération oromo (ALO), groupe armé de l’ethnie oromo avec lequel ils ont conclu une alliance dès le mois d’août. Les deux groupes n’ont pas exclu de marcher sur la capitale pour faire chuter Abiy Ahmed. Le gouvernement a toutefois démenti toute perte de terrain ou menaces sur Addis-Abeba.

« Coup de pub », selon le procureur général éthiopien

Vendredi, le FPLT et l’ALO ont annoncé s’unir contre le gouvernement avec sept autres organisations moins connues et à l’envergure incertaine. Il s’agit de groupes issus de diverses régions (Gambella, Afar, Somali et Benishangul-Gumuz) ou ethnies (Agäw, Kimant, Sidama) qui constituent l’Ethiopie. « Notre intention est de renverser le régime », a déclaré Berhane Gebre-Christos, représentant du FPLT lors de la signature à Washington de cette alliance, baptisée « Front uni des forces fédéralistes et confédéralistes éthiopiennes ». Cette dernière est formée « en réponse aux nombreuses crises auxquelles fait face le pays » et « pour annuler les effets néfastes du pouvoir d’Abiy Ahmed sur les populations d’Ethiopie et d’ailleurs », ont affirmé les organisations dans un communiqué.

A LIRE AUSSI:   Barrage sur le Nil : l'Égypte demande une médiation internationale

Ces dernières estiment « nécessaire » de « travailler ensemble et [de] joindre [leurs] forces vers une transition » en Ethiopie. Le procureur général éthiopien, Gedion Timothewos, a qualifié cette alliance de « coup de pub », soulignant notamment que certaines de ces organisations « n’ont pas vraiment de base populaire ». L’impact sur le conflit de ce « front uni » reste cependant incertain. « S’ils sont vraiment sérieux dans leur détermination à prendre les armes contre le gouvernement, c’est potentiellement un vrai problème » pour Abiy Ahmed, a déclaré un diplomate à l’Agence France-Presse, tout en concédant ne pas connaître la plupart de ces groupes, leurs effectifs et leurs ressources.

Cette nouvelle alliance semble manifester une volonté du FPLT de montrer qu’il dispose d’un soutien au-delà du Tigré. L’organisation avait déjà mis en place une coalition avec d’autres groupes ethniques et géographiques à la fin des années 1980, avant de renverser l’autocrate Mengistu Hailé Mariam en 1991. Cette coalition du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE), largement dominée par le FPLT, avait ensuite dirigé le pays pendant près de trente ans, avant un mouvement de contestation qui a mené Abiy Ahmed au pouvoir en 2018.

Devenu premier ministre, M. Ahmed a progressivement écarté le FPLT du pouvoir fédéral. Après des mois de tensions, le Prix Nobel de la paix 2019 a envoyé l’armée au Tigré en novembre 2020 pour destituer les autorités régionales, issues du FPLT, qu’il accusait d’avoir attaqué des bases militaires fédérales. Il avait proclamé la victoire le 28 novembre. Mais en juin, les combattants du FPLT ont repris l’essentiel de la région et poursuivi leur offensive dans les régions voisines de l’Afar et de l’Amhara.

A LIRE AUSSI:   «Programme des 100 jours» en RDC: le procès de Vital Kamerhe annoncé pour le 11 mai

Un « faux sentiment d’insécurité »

Le gouvernement a démenti toute avancée rebelle majeure ces derniers jours, assurant qu’il gagnera cette « guerre existentielle ». Billene Seyoum, la porte-parole du premier ministre, a fustigé vendredi une « désinformation » menée par le FPLT destinée à créer « un faux sentiment d’insécurité »« Il y a un discours alarmiste qui crée beaucoup de tension (…), y compris dans la communauté internationale », a-t-elle déclaré, assurant qu’« Addis-Abeba vit avec un sentiment de normalité ».

Le département d’Etat américain avait toutefois déjà renforcé mardi son avertissement aux voyageurs américains en leur recommandant de ne pas se rendre dans le pays en guerre, ou d’« envisager de partir s’ils se trouvent déjà sur place ». Mais le communiqué publié vendredi va plus loin en appelant les ressortissants américains à partir.

Vendredi, le ministère de la défense a appelé les retraités de l’armée à se réengager « pour protéger le pays du complot visant à le désintégrer »L’état d’urgence a par ailleurs été déclaré mardi sur l’ensemble du territoire, permettant aux autorités de détenir sans mandat toute personne soupçonnée de soutenir des « groupes terroristes » ou de suspendre les médias qui « apportent un soutien moral directement ou indirectement » au FPLT.

Amnesty International a critiqué vendredi ces mesures, qui constituent un « plan d’escalade des violations des droits humains (…), notamment contre les défenseurs des droits humains, les journalistes, les minorités et les critiques du gouvernement », selon son directeur pour l’Afrique de l’Est, Deprose Muchena. Des avocats ont fait savoir que des milliers de Tigréens avaient déjà été arrêtés depuis l’annonce de l’état d’urgence.

Source: Le Monde Afrique/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

A LIRE AUSSI:   Foot africain: six grandes interrogations pour l’année 2020

Tribune d'Afrique

Read Previous

Gabon : Ali Bongo réduit les exonérations fiscales