Entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, la guerre de l’attiéké est déclarée

C’est une polémique « gros grain » qui secoue le monde de la gastronomie ouest-africaine. Après les débats sur « l’appropriation culturelle » indue, voici venue l’appropriation culinaire illégitime.

Tout commence par une banale remise de prix dans une foire routinière. Le 22 novembre dernier, à Abidjan, à l’occasion de la cinquième édition du Salon international de l’agriculture et des ressources animales (SARA), le fonds Pierre Castel décerne à la Burkinabè Florence Bassono un prix pour son produit dénommé « Faso Attiéké ».

« Touche pas à mon attiéké » ! Une indignation de plus en plus officielle suinte des réseaux sociaux. Ce mets à base de manioc serait estampillé « made in Ivory coast » (« fabriqué en Côte d’Ivoire ») dans la pensée populaire. Et si « garba = Babi », comment une étrangère peut-elle être primée – qui plus est sur le territoire ivoirien – et obtenir sa rentabilité commerciale en exploitant, comme marque, un « trésor » linguistique ivoirien ? Avec des allures de médecin après la mort, le ministre ivoirien du Commerce et de l’Industrie s’émeut. Dans un communiqué, Souleymane Diarrassouba élève une « vive protestation contre l’utilisation de ce nom » sans l’accord préalable des autorités ivoiriennes.

Processus de labellisation

La guerre de l’attiéké est déclarée, rappelant celle du couscous qui déchira les pays du Maghreb, avant que ceux-ci ne tentent de s’unir en vue d’une reconnaissance par l’Unesco. Avant d’invoquer des structures onusiennes, les Ivoiriens et les Burkinabè se tournent vers l’arbitre de la contrefaçon : l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI). L’organisme est compétent pour enregistrer une marque commerciale, tout comme il est habilité à valider une « Indication géographique protégée » – comme la région française de la Champagne qui voulut interdire à d’autres régions la production de « son » vin effervescent.

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Le mot « attiéké » a-t-il fait l’objet d’une appellation d’origine contrôlée ou d’un simple dépôt commercial par combinaison avec un autre terme ? Si oui, par qui en premier ? Prompts à défendre l’ivoirité de la semoule de manioc, les sites d’information ivoiriens distillent rapidement l’information selon laquelle Jean-Claude Brou, prédécesseur de Souleymane Diarrassouba, aurait entrepris un processus de labellisation sous le numéro 3201700158.

Tempête diplomatique

Mais deux autres informations refroidissent les ardeurs de la lagune Ebrié. La démarche ministérielle entamée en 2017 ne devrait être menée à terme qu’en 2022, alors que l’entreprise de Florence Bassono affirme que le nom commercial « Faso Attiéké » a été protégé en… 2011. Et d’ajouter, pour faire pleurer dans les chaumières, que l’entreprise emploie 42 personnes, dont 37 femmes.

L’OAPI devra expliquer l’éventuel double enregistrement – protection commerciale et labellisation – et le caractère plus ou moins rétroactif du second. Fierté nationale, sensiblerie et enjeu économique : tout est en place pour une tempête diplomatique dans un verre d’eau. Quelqu’un a-t-il déposé « Guerre de l’attiéké » à l’OAPI ?

Source: Jeune Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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