En Egypte, « le lien entre M. Sissi et le peuple s’est distendu »

Face à la contestation grandissante, le gouvernement assouplit les mesures d’austérité.

Le président égyptien, Abdel-Fattah Al-Sissi, l’a finalement concédé, dimanche 29 septembre, dans un Tweet : davantage doit être fait pour « protéger les droits du peuple », et notamment des classes moyennes et populaires, qui paient au prix fort les mesures d’austérité et les coupes aux subventions publiques instaurées depuis trois ans. Mardi, le ministère de l’approvisionnement a annoncé que 1,8 million de personnes seraient réintégrées aux listes des bénéficiaires des subventions aux produits de base, accordées à 60 des 100 millions d’Egyptiens.

Face à la contestation inédite contre le pouvoir, les 20 et 21 septembre, étouffée par un nouveau tour de vis sécuritaire, le changement de ton du président Sissi est manifeste. « Il y a une prise de conscience du risque. La barque prend l’eau face à la conjonction d’insatisfactions et à l’agglomération des colères », estime un diplomate occidental, selon qui « le lien entre M. Sissi et le peuple s’est distendu ». Les conditions de sa réélection pour un deuxième mandat, en mai 2018, avec l’arrestation des autres candidats, dont des généraux respectés, puis le passage en force d’une réforme constitutionnelle lui offrant la possibilité de briguer un troisième mandat, ont troublé les consciences.

Les limites du tout-répressif

L’affaire des vidéos de Mohamed Ali a davantage désacralisé M. Sissi auprès des Egyptiens, peu accoutumés à voir un président couvert d’insultes en public, comme l’a fait l’homme d’affaires exilé en Espagne. Depuis plus d’un mois, celui-ci multiplie les accusations sur la gabegie et la corruption qui règnent sous l’égide du président Sissi, notamment au sein de l’armée. En lui répondant, le 14 septembre, le chef de l’Etat l’a rendu crédible. Même parmi les soutiens du président, nombreux accréditent les allégations et estiment être peu considérés par le pouvoir. L’option du tout-répressif, privilégiée par le régime en réponse à la contestation, a ses limites. Dans les cercles diplomatiques, on considère que le président est de plus en plus seul et mal entouré : il n’aurait plus pour conseillers que des militaires qui n’envisagent qu’une réponse sécuritaire et sont étrangers à l’idée de dialogue social et avec la jeunesse.

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L’irruption soudaine et la popularité acquise par Mohamed Ali, en un mois à peine, suscite des questions chez beaucoup d’observateurs quant à des soutiens au sein du régime. « Il y a probablement dans le système des tensions liées à des mises à l’écart et à des purges. Le président Sissi ne veut pas voir une tête dépasser, des ambitions apparaître. Il resserre son cercle aux proches parmi les proches. Ça fait beaucoup de mécontents », abonde le diplomate. Conscient qu’il n’est pas irremplaçable, même pour ses pairs, le président Sissi doit désormais démontrer qu’il a la situation en main. Et des solutions à offrir.

Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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