Dette africaine : Moody’s face aux foudres de l’ONU et la Banque mondiale

Banque mondiale

Moody’s a placé sous surveillance cinq pays, dont la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Cameroun. Une décision désavouée par les Nations unies.

L’agence Moody’s se retrouve dans un face-à-face délicat avec « l’establishment »  public international.

Alors qu’ils ont obtenu l’aval du G20, des Nations unies et de la Banque mondiale pour suspendre temporairement le paiement de leur dette, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Cameroun mais aussi l’Éthiopie et le Pakistan, encourent la dégradation de leur note souveraine par l’agence de notation américaine.

Bien que lesdites créances n’ont pas été annulées mais suspendues à l’égard des prêteurs publics ou internationaux, Moody’s a témoigné de son inquiétude, au cours des dernières semaines, quant au traitement qui pourrait être appliqué aux créanciers privés.

« L’appel du G20 aux créanciers du secteur privé pour qu’ils participent à cette Initiative dans des conditions comparables [à celles proposées par les créanciers bilatéraux] augmente le risque de défaut de paiement de la dette privée selon la définition de Moody’s », a affirmé l’agence dans trois communications distinctes relatives au Cameroun, au Sénégal et à la Côte d’Ivoire.

Nations unies et Banque mondiale se rebellent

Mais des sorties récentes des Nations unies et de la Banque mondiale prolongent la bataille de communication au sujet de la cruciale question du moratoire sur la dette des pays les plus pauvres, en plein cœur de la crise du Covid-19.

LES PAYS EMPRUNTEURS DEVRAIENT SORTIR RENFORCÉS DU PROGRAMME

Le département des Affaires économiques et sociales des Nations unies a contesté la position de Moody’s, affirmant que le programme « devrait améliorer la viabilité de la dette des pays et ne devrait donc pas servir de base à une dégradation des crédits », rapporte le Financial Times. Il a ajouté: « Les pays emprunteurs devraient sortir du programme avec un crédit plus fort que s’ils n’y avaient pas participé. »

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Quelques jours plus tôt, le 18 juillet, le président de la Banque mondiale, David Malpass, avait lui exhorté les pays du G20 « à repousser l’échéance de l’Initiative de suspension du service de la dette (DSSI) jusqu’en fin 2021 et [au lieu de fin 2020, tel que prévu actuellement] » et à « en élargir la portée dans la mesure du possible ».

Il a également appelé les créanciers commerciaux des gouvernements participant au programme à « cesser tout recouvrement des paiements effectués par les pays les plus pauvres […] confrontés à un risque de surendettement ».

« Je suis déçu du peu de progrès enregistré à ce jour alors que nous sommes plongés dans une crise mondiale et j’exhorte les créanciers commerciaux à former une coalition qui aidera à suspendre véritablement le service de la dette par les pays les plus pauvres », a-t-il plaidé.

Moratoire considéré comme un cas de défaut

Ce sont donc deux visions qui s’opposent dans ce dossier. D’un côté les institutions internationales de premier plan, de l’autre les créanciers rejoints finalement dans leurs craintes par l’agence de notation américaine.

Le raisonnement de Moody’s fait directement écho à la réaction du lobby des prêteurs privés à l’échelle mondiale, l’Institut de la finance internationale (IIF), en réponse à la DSSI. Dans un courrier adressé à la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, au président de la Banque mondiale, David Malpass, et à la présidente du Club de Paris, Odile Renaud-Basso, Timothy D. Adams, le patron américain de l’IIF, dressait un certains nombre de conditions restrictives à la transposition du mécanisme de moratoire sur la dette vis-à-vis des créanciers privés.

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Le risque de dégradation par les agences de notation a par ailleurs été mis en avant par certains pays endettés qui craignent pour leurs futures émissions obligataires – un mode de financement dont ils sont fort dépendants. Tel est le cas notamment du Bénin, dont le ministre de Finances, Romuald Wadagni a invoqué ce risque pour expliquer les réserves du pays vis-à-vis de l’Initiative du G20.

À la de juin, selon les calculs de la Banque mondiale, sur 73 pays éligibles à la DSSI, seuls 35 pays ont demandé un moratoire – dont 25 pays africains. Début juin, ils étaient 8 pays africains sur 31 dossiers déposés par les États à travers le monde, à avoir signé un accord avec le Club de Paris.

Source : Jeune Afrique /Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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