Avec l’enlèvement d’Olivier Dubois, la France compte de nouveau un otage au Sahel

Il n’y avait plus de Français otages dans le monde depuis la libération de Sophie Pétronin, en octobre 2020. Mais dans une vidéo diffusée mercredi, le journaliste français Olivier Dubois affirme être entre les mains de jihadistes affiliés à Al-Qaïda, après avoir été enlevé début avril au nord du Mali. Retour sur plusieurs décennies de prises d’otages dans le Sahel. 

Depuis la libération voilà six mois de l’humanitaire Sophie Pétronin, enlevée par des jihadistes quatre ans plus tôt au Mali, la France n’avait plus d’otages dans le monde. Le rapt du journaliste Olivier Dubois le 8 avril à Gao, par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), branche locale d’Al-Qaïda, relance la question de la sécurité des Français dans la région du Sahel, où la France intervient militairement dans le cadre d’une coalition de cinq pays du Sahel, pour lutter contre des islamistes armés. Retour sur les dernières libérations d’otages français dans le Sahel et les issues plus malheureuses. 

Sophie Pétronin, quatre année de captivité 

Après plus de 1 380 jours de détention, Sophie Pétronin, 75 ans, a été libérée en octobre 2020. L’humanitaire dirigeait une petite ONG franco-suisse venant en aide aux enfants souffrant de malnutrition. Tout comme Olivier Dubois, elle avait été enlevée à Gao (en 2016) et était détenue par le GSIM, lié à Al-Qaïda.

La Française a été libérée en même temps qu’un prêtre, un Italien et l’homme politique malien Soumaïla Cissé. Sa libération a coïncidé avec la remise en liberté de plusieurs dizaines de prisonniers que des responsables maliens, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, ont présentés comme des jihadistes, mais dont l’identité et le profil n’ont pas été divulgués. Le gouvernement malien n’a jamais confirmé le paiement d’une rançon, en plus de la libération de 200 prisonniers, dont un certain nombre de jihadistes, contre la liberté de ces quatre otages.

Le fils de Sophie Pétronin, Sébastien Chadaud-Pétronin, qui interpellait régulièrement les autorités françaises, avait estimé, en mai 2019, que sa mère était « sacrifiée » par le refus, selon lui, de la France de négocier avec les ravisseurs. « La volonté [d’Emmanuel Macron] ne suffit pas, maintenant il faut des actes », avait-il affirmé à l’époque sur Franceinfo.

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Sa mère était apparue dans des vidéos diffusées en 2017 et 2018 par le GSIM. La dernière vidéo où elle apparaissait avait été reçue mi-juin 2018. Elle la montrait très fatiguée, le visage émacié, en appelant au président français Emmanuel Macron, estimant que le chef de l’État l’avait « oubliée ».

Patrick Picque et Laurent Lassimouillas libérés, mais deux soldats français tués

Patrick Picque, 51 ans, et Laurent Lassimouillas, 46 ans, deux enseignants enlevés le 1er mai 2019 pendant un séjour touristique au Bénin, pays jusque-là épargné par l’insécurité en Afrique de l’Ouest, ont été libérés dix jours plus tard dans le Nord du Burkina Faso où ils avaient été transférés. En revanche, leur guide accompagnateur a été exécuté.

La libération de ces deux Français s’est faite au prix de la vie de deux soldats français, Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncella, officiers mariniers au sein du commandement des opérations spéciales. L’opération militaire avait été le fruit d’une collaboration entre la force Barkhane, l’implication des forces burkinabè et le soutien américain en renseignement.

Lors de leur kidnapping, Patrick Picque et Laurent Lassimouillas, se trouvaient dans le parc naturel de la Pendjari situé à la frontière avec le Burkina Faso et le Niger. Le Bénin était alors considéré comme un îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest, mais les parcs sont des zones très difficiles à surveiller, malgré un renforcement des équipes, entraînées militairement. La zone avait été déconseillée depuis peu de temps par le ministère français des Affaires étrangères lorsque les deux touristes s’y sont aventurés. 

Serge Lazarevic, libéré après trois ans de détention

Après trois années de captivité au Sahel, aux mains d’Aqmi, Serge Lazarevic a été libéré le 9 décembre 2014. Ce géologue avait été enlevé par un groupe d’hommes armés dans un hôtel à Hombori, au Mali, le 24 novembre 2011, avec un autre Français, Philippe Verdon. Tous deux séjournaient dans le centre du pays pour affaires. Philippe Verdon, présenté par Aqmi comme un espion, avait été exécuté en représailles à l’intervention militaire française au Mali en mai 2013.

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Avant sa libération, Serge Lazarevic était apparu amaigri dans une vidéo diffusée le 17 novembre 2014 par un site lié à Aqmi. L’otage y appelait François Hollande à l’aide, se disant « très malade ». Assis dans ce qui ressemble à un 4×4, portant une barbe longue et vêtu entièrement de noir, Serge Lazarevic s’exprimait d’une voix hésitante et hachée.

Comme pour les autres prises d’otage de Français dans la région, la question de la contrepartie à sa libération avait fait polémique. Le ministre malien de la Justice en fonction à l’époque, Mohamed Ali Bathily, avait confirmé sur France 24, en décembre 2014, que Serge Lazarevic avait été libéré contre quatre jihadistes, dont au moins deux impliqués dans de précédents enlèvements de Français au Sahel. Une information que l’Élysée avait alors refusé de confirmer ou d’infirmer. Pour Paris, la libération de Serge Lazarevic était le fruit d’un « engagement personnel » des présidents du Mali et du Niger, qui avait été suivi de « très longs mois » de « discussions ».

Le triste sort de Gilberto Rodrigues Leal

Ce retraité originaire d’un petit village de Lozère, féru de voyages, circulait dans son camping-car en provenance de Mauritanie lorsqu’il a été enlevé, le 20 novembre 2012, par des hommes armés dans l’ouest du Mali, près des frontières avec le Sénégal et la Mauritanie. Sa mort a été annoncée en avril 2014 par le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), un allié d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Gilberto Rodrigues Leal, ancien éducateur spécialisé, aimait arpenter le monde à bord de son véhicule qu’il avait entièrement aménagé. 

La France n’avait presque plus eu de nouvelles de l’otage après son enlèvement. Seule une vidéo datant du 26 novembre 2013 et diffusée par les ravisseurs, prouvait que Gilberto Rodrigues Leal était bien vivant. Le Français y appelait le gouvernement français à « répondre rapidement aux revendications du Mujao ». Et puis, plus rien. La famille de l’otage, qui s’était toujours montrée très discrète et qui s’était peu adressée aux médias, tentait de garder espoir.

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Elle rappelait surtout que Gilberto, ancien éducateur spécialisé à la retraite, n’était pas une tête brûlée. Quelques mois avant son exécution, sa famille avait pris la parole : « Mon frère a été enlevé dans une zone qui n’était pas classée comme dangereuse par les autorités françaises », avait expliqué David Rodrigues Leal. « Ce n’était pas un farfelu », avait également précisé sa sœur. Comme l’année précédente, il était parti seul pour rejoindre le Togo « les bras chargés d’affaires scolaires et de pansements pour les enfants ».

Enquête en cours sur l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon

Autre issue malheureuse, les deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont, 57 ans, et Claude Verlon, 55 ans, ont été enlevés au cours d’un reportage, puis tués le 2 novembre 2013 près de Kidal, au Mali. Leur assassinat est intervenu quelques mois seulement après l’opération française Serval destinée à chasser les jihadistes qui occupaient le nord du Mali et menaçaient de marcher sur Bamako.

Une enquête judiciaire est en cours sur les circonstances floues de leur enlèvement et de leur assassinat. Dans cette affaire, les proches des deux journalistes se sont constitués en association – les Amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon – pour se porter partie civile. Ils réclament la levée du “secret défense”, qui entrave selon eux l’enquête sur la mort de ces journalistes.

Dans une lettre datée de mi-janvier et rendue publique début avril, l’ancienne rapporteuse spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, Agnès Callamard, avait exprimé sa « vive préoccupation quant à l’absence de justice » dans l’enquête en France sur ce double assassinat. Elle déplorait notamment l’absence de mandat d’arrêt international malgré l’identification des suspects « depuis plusieurs années ». Mais aussi « l’absence de coopération de la part des autorités militaires françaises – dans le cadre de la protection du secret défense – et des autorités maliennes ».

Source : France 24/ Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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