Au Mozambique, les attaques de jihadistes affiliés à l’OEI prennent de l’ampleur

Soldiers from the Mozambican army patrol the streets after security in the area was increased, following a two-day attack from suspected islamists in October last year, on March 7, 2018 in Mocimboa da Praia, Mozambique. / AFP PHOTO / ADRIEN BARBIER

La prise du port stratégique de Mocimboa da Praia, mercredi, au Mozambique, par des militants islamistes soulève l’inquiétude chez les pays voisins. La question sera centrale, lundi, au sommet annuel de la Communauté de développement d’Afrique australe.

Le conflit à huis clos qui déchire le nord du Mozambique depuis 2017 a pris un nouveau tournant, mercredi 12 août, lorsqu’un groupe d’hommes armés a pris le contrôle du port de Mocimboa da Praia et mis en déroute l’armée mozambicaine. C’est la première fois que les insurgés jihadistes, présents dans la province du Cabo Delgado, à la frontière avec la Tanzanie, arrivent à prendre et conserver un lieu aussi stratégique.

L’inquiétude grandit depuis plusieurs mois dans ce pays d’Afrique australe et chez ses voisins. Le groupe jihadiste, connu sous le nom d’Ahlu Sunna wal Jamaa, ou « Chabab » (sans lien direct avec les Shebab somaliens) qui, jusque-là, accumulait les escarmouches avec les forces de l’ordre et les attaques de village, a prêté allégeance à l’organisation État islamique en 2019 et monte en puissance. « Nous les avons vus au cours des 12 à 18 derniers mois développer leurs capacités, devenir plus agressifs et utiliser des techniques communes dans d’autres parties du monde et qui sont associées [au groupe] État islamique », a déclaré, début août, le chef des opérations spéciales américaines en Afrique, le général Dagvin Anderson.

Jeudi, la ministre mozambicaine des Affaires étrangères Veronica Macamo a affirmé que le nord du pays faisait « face à une menace de terrorisme et d’extrémisme violents qui, s’ils ne sont pas contenus, pourraient s’étendre » à travers l’Afrique australe. La Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), qui regroupe 16 pays dont le Mozambique, la Tanzanie et l’Afrique du Sud, doit se réunir, lundi 17 août, pour évoquer la situation critique à Mocimboa da Praia. Selon Veronica Macamo, les États membres doivent mener « une consultation et une coordination des actions pour combattre le terrorisme qui représente une menace majeure pour notre région ».

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Débuts similaires à Boko Haram

Bouclée par l’armée, très difficile à atteindre par voie terrestre et interdite d’accès aux journalistes, la région du Cabo Delgado, à majorité musulmane et grande comme deux fois la Belgique, est la plus pauvre du pays. Selon un rapport de l’organisation sud-africaine Institute for Security Studies((ISS), la rébellion jihadiste qui l’agite, « semble consister » à l’origine de jeunes locaux défavorisés ayant suivi un chemin radical de l’islam. Semblables dans leur constitution aux débuts du groupe terroriste nigérian Boko Haram, les Chabab restent très mystérieux, toujours en mouvement, leurs motivations et le nom de leurs dirigeants restant inconnus.

Le premier fait d’arme du groupe remonte au 5 octobre 2017, quand des hommes armés de machettes et de fusils ont pris d’assaut des postes de police et des bâtiments administratifs à Mocimboa do Praia, qui comptait alors quelque 30 000 habitants. Dix-sept personnes, dont la majorité d’assaillants, deux policiers et un chef communautaire, y avaient perdu la vie.

Le gouvernement de Maputo, qui se contentait au début d’évoquer des événements isolés, ignorant les signes d’une radicalisation grandissante dans la jeunesse des villages du Nord, a envoyé l’armée. La répression brutale, l’extrême pauvreté et les violents combats entre les jihadistes et des habitants locaux, organisés en groupes d’autodéfense, n’a fait que renforcer l’insurrection, affirme l’ISS. Depuis, le conflit a fait au moins 1 500 victimes et déplacé 250 000 personnes – 10 % de la population du Cabo Delgado – selon le projet Armed Conflict Location & Event Data.

Les autorités mozambicaines indiquent que les islamistes pourraient financer leurs attaques avec des armes issues du trafic de drogue et de l’exploitation illégale des mines de pierres précieuses abondante dans le nord du pays, explique la BBC. « Ils ont maintenant des armes et des véhicules, ils se déplacent donc facilement et peuvent mener des attaques sur de larges rayons. Et ils utilisent des uniformes de soldats. Les gens sont donc très confus et très effrayés », déclarait en début d’année l’évêque catholique de la capitale provinciale Pemba, Luiz Fernando Lisboa.

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Un potentiel « Qatar africain »

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En visite vendredi 14 août dans un camp de réfugiés à Pemba, le président Felipe Nyusi a promis de « tout faire pour que la paix et la stabilité soient restaurés » à Mocimboa da Praia. Les enjeux sont de taille pour le pays, car la région du Cabo Delgado renferme des quantités considérables de gaz, qui pourraient à terme transformer l’un des pays les plus pauvres du monde en un exportateur massif de gaz naturel liquéfié (GNL), à l’image d’un « Qatar africain ».

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Le groupe français Total mène pour un consortium dans la péninsule d’Afungi, à 60 km au nord de Mocimboa da Praia, la construction de deux centrales d’extraction de GNL. Avec un autre projet mené par l’américain ExxoMobil, ce sont près de 60 milliards de dollars (52 millions d’euros) qui doivent être investis dans la région, mais les entreprises dépendent du port de Mocimboa da Praia pour s’approvisionner. Selon Felipe Nyusi, les deux projets ne sont pas mis en péril par les combats.

Mais l’attaque de mercredi, d’après Adriano Nuvunga, directeur du Centre pour la démocratie et le développement du Mozambique, interrogé par l’AFP, montre que l’insurrection « gagne du terrain et de l’élan », et est « un revers » pour le développement du projet. L’armée mozambicaine, très présente dans le Cabo Delgado mais mal équipée, peine à faire reculer les combattants islamistes, y compris avec le soutien de mercenaires russes et sud-africains.

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Le SADC doit « venir en aide urgemment au Mozambique pour endiguer l’insurrection violente », selon une note de l’ISS, pour qui le sommet de lundi présente « une opportunité cruciale pour prendre des actions décisives pouvant aider à mettre fin à la crise ». Sans quoi, selon l’ONG, la situation pourrait atteindre des proportions similaires aux crises sécuritaires au Sahel, dans le bassin du lac Tchad et dans la corne de l’Afrique. Entre autres mesures, l’institution devrait aider le Mozambique à « développer une stratégie à long terme pour répondre aux racines des violences, qui comprennent la confiscation de terres pour l’industrie minière, le manque d’emploi, l’analphabétisme, le sous-développement et le manque de services de bases », affirme l’ISS.

Source: France 24 /Mis en ligne :Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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