Au Kenya, le chef de la diplomatie chinoise se défend de vouloir « piéger » l’Afrique dans la dette

Jeudi 6 janvier, le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, en tournée sur le continent, a balayé les reproches adressés à son pays concernant les crédits contractés par les pays africains. Pékin, a-t-il laissé entendre, ne « piège » pas ses partenaires dans la dette. « Il s’agit d’un discours qui a été créé par ceux qui ne veulent pas voir le développement de l’Afrique », a-t-il déclaré à des journalistes à Mombasa, au Kenya, où la Chine finance la construction d’un nouveau terminal au sein du plus grand port d’Afrique de l’Est : « S’il y a un piège, c’est celui de la pauvreté et du sous-développement. »

La visite de M. Wang suit de peu celle qu’a effectuée en novembre le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken – un voyage en partie destiné à contrer l’influence grandissante de la Chine en Afrique. A Washington, le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price, a d’ailleurs tenu à vanter les « partenariats » offerts par les Américains aux pays africains « sur la base des opportunités mutuelles, du respect mutuel », contrastant selon lui avec les projets chinois. « Nous ne demandons pas à nos partenaires de choisir entre les Etats-Unis et d’autres pays, notamment la République populaire de Chine. Nous ne voulons pas leur imposer de choisir, mais nous voulons leur donner des choix », a-t-il dit à des journalistes.

Pékin est le premier partenaire commercial du continent africain, avec des échanges directs de plus de 200 milliards de dollars en 2019 (plus de 180 milliards d’euros), selon les chiffres officiels chinois. Mais la Chine est souvent accusée d’utiliser son statut de créancier pour arracher des concessions diplomatiques et commerciales, suscitant l’inquiétude quant à la capacité de nombreux Etats africains à assumer les dettes contractées.

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Une ligne ferroviaire de 5 milliards de dollars

La Chine est ainsi devenue le second créancier du Kenya après la Banque mondiale et a financé de coûteux projets d’infrastructures dans un pays où les niveaux de dette ont explosé ces dernières années. Interrogé par l’AFP, l’analyste économique et géopolitique Alikhan Satchu a pointé que le Kenya faisait face à des niveaux d’intérêts élevés pour financer des investissements qui ne « génèrent pas de retour sur investissement dans un avenir proche ».

A Mombasa, la construction du nouveau terminal représente un investissement de 353 millions de dollars. Pékin a également financé l’infrastructure la plus chère depuis l’indépendance du Kenya : une ligne ferroviaire ayant coûté 5 milliards de dollars. Lors d’une visite au Kenya en janvier 2020, M. Wang avait décrit cette ligne comme un « étalon » des « nouvelles routes de la soie », une initiative chinoise qui finance des projets d’infrastructures.

Le ministre chinois s’est entretenu jeudi avec le président Kenyatta, après avoir rencontré plusieurs ministres kényans et signé des accords dans les domaines du commerce, de la santé, de la sécurité ou encore des transferts de technologies vertes. « La visite est un témoignage de l’approfondissement des relations entre les deux pays », a déclaré, à l’issue de la rencontre, la ministre kényane des affaires étrangères, Raychelle Omamo.

Un envoyé spécial pour la Corne de l’Afrique

Jeudi, M. Wang a également annoncé la nomination d’un envoyé spécial chinois pour la Corne de l’Afrique, marquant la volonté de son pays de s’impliquer diplomatiquement dans cette région en proie à divers conflits. « Nous allons continuer de jouer un rôle encore plus grand pour la paix et la stabilité de la région », a-t-il déclaré en mandarin, traduit par un interprète. Son annonce coïncide avec la visite en Ethiopie de l’émissaire américain sortant pour la Corne de l’Afrique, Jeffrey Feltman, qui a rencontré jeudi à Addis-Abeba le premier ministre Abyi Ahmed, dont le pays est secoué depuis plus d’un an par une guerre opposant l’armée fédérale aux rebelles du Tigré (nord).

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Mercredi, en Erythrée, M. Wang a exprimé l’opposition de la Chine aux sanctions américaines contre ce pays extrêmement fermé et aux interférences « dans les affaires internes d’autres pays sous le prétexte de la démocratie et des droits humains ». Washington a imposé l’année dernière des sanctions contre Asmara en raison de l’implication de son armée dans le conflit au Tigré, marqué par des massacres de civils et des viols de masse. Après le Kenya, M. Wang s’est rendu dans l’archipel des Comores.

Source : Le Monde Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

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