Algérie : la rue et l’opposition rejettent la « suggestion » du chef de l’armée

manifestants à Paris

Au lendemain de l’appel du général Gaïd Salah à la tenue de l’élection présidentielle avant la fin de l’année, les réactions se multiplient.

« Pourquoi diable convoquer le corps électoral du moment qu’il est dans la rue tous les mardis et vendredis ? » s’interroge le militant de l’opposition Djamel Zenati sur sa page Facebook ce mardi alors que la manifestation hebdomadaire des étudiants, la vingt-huitième depuis février, mobilisait à Alger un nombre impressionnant de marcheurs qui tenaient surtout à répondre aux dernières déclarations du chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah.

Au patron de l’armée qui « suggéra » la date du 15 septembre prochainpour convoquer le corps électoral afin d’aller vers la présidentielle, les manifestants ont maintenu, malgré la pression des policiers à Alger-centre, leurs slogans : « État civil et non militaire », ou encore « Qu’il ramène les Chinois voter ! », allusion aux milliers de travailleurs chinois installés en Algérie pour les gros projets de BTP ! Forçant la haie de policiers venus en force, les étudiants, mêlés d’autres Algérois en soutien, ont pu organiser un bref sit-in face au siège du parlement sur le front de mer de la capitale, alors que s’ouvrait ce mardi matin la session d’automne de l’Assemblée populaire nationale (chambre basse). De toutes leurs gorges, les manifestants ont crié « Dégagez, dégagez » et « Pas d’élection avec le gang » !

Une « suggestion » perçue comme un ordre

« Si les autorités publiques envisagent de tenir ce scrutin dans les mêmes circonstances que tous les scrutins que l’Algérie a connus jusqu’à présent, il serait judicieux de se préparer au scénario du 18 avril et du 4 juillet (les deux précédentes échéances annulées) », explique la politologue Louiza Aït Hamadouche sur TSA. « La logique voudrait que la loi soit promulguée et les membres de l’instance installés, ensuite, viendra le tour de la convocation du corps électoral », fait remarquer le chef du parti islamiste Al Adala, Abdellah Djaballah, sur le même médias. « Le coup de force se précise davantage, l’état-major, à sa tête le général-major Gaïd Salah, assume bien qu’il est le pouvoir réel en dictant sa feuille de route au pouvoir politique notamment la présidence de la République d’une part et en l’imposant au peuple d’autre part », s’insurge sur les réseaux sociaux Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme.

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Sur sa page Facebook, Mohcine Belabbas, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, opposition » s’inquiète face à « l’obstination du vice-ministre (de la défense) à assigner à l’institution militaire une mission qui ne fait nullement partie de ses prérogatives » et ajoute : « réduire la solution à la crise endémique que traverse notre pays depuis des décennies et qui s’est accentuée depuis à l’organisation d’une élection présidentielle avec les mêmes mécanismes et acteurs est plus que suspect quant à la volonté de laisser le peuple algérien s’exprimer sur son devenir ». Car la « suggestion » du chef d’état-major est entendu par l’opinion comme un ordre. « Mais où est le chef de l’État ? », se demande la rue algéroise.

Un scrutin irréalisable ?

Le président par intérim Abdelkader Bensalah, affaibli par la maladie, semble être dans une situation délicate : ses prérogatives volent en éclats puisque c’est un militaire dans une caserne qui dicte l’agenda des prochaines échéances politiques. Certains avancent même l’intention de Bensalah de jeter l’éponge, ayant échoué à accompagner un « dialogue national » jugé inefficace par l’état-major. Le panel du dialogue et de médiation, mené par l’ancien président du Parlement Karim Younès, peine à activer sérieusement, se contentant d’organiser des audiences avec des partis politiques quasi fictionnels et subir la colère des manifestants qui refusent tout « dialogue » ou élections sous l’administration des ex du régime Bouteflika. Et pourtant, Karim Younès veut maintenir son cap face à la position du chef de l’armée qui veut une présidentielle avant la fin 2019.

« L’agenda de l’instance (de dialogue et de médiation) ne sera pas affecté par cette suggestion (…) La convocation du corps électoral n’affectera pas le plan de travail de l’instance », assure Karim Younès à un média local. Pour le journaliste politique Nedjib Belhimer, « la manière dont Gaïd Salah traite l’instance de Karim Younès préfigure ce que sera la relation de l’armée avec le futur président s’il est élu selon la manière voulue par le chef d’état-major. Cela signifie tout simplement que les élections et la candidature à ces élections sont devenues une aventure aux conséquences peu sûres ». Sur le plan pratique, une présidentielle en trois mois semble irréalisable non pas techniquement seulement, mais parce qu’il manque un élément essentiel : quel candidat, crédible, osera se présenter à cet éventuel scrutin refusé par l’opinion publique ?

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Source: Le Point Afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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