Afrique : le changement climatique frappe de plus en plus fort

C’est sous la forme de pluies diluviennes concentrées sur de courtes périodes que les pays africains paient son tribut. Dernier exemple en date : la Centrafrique.

Inlassablement, la pluie a continué de tomber. À Bangui, dans un camp de fortune installé dans un quartier de la ville filmé par le média américain VOA Afrique, des centaines de familles patientent sous les arbres. Quelques affaires, que chacun a tenté de rassembler, traînent à même le sol. Il y a quelques jours, le fleuve Oubangui est sorti de son lit, en partie à cause des pluies diluviennes qui se sont abattues sur la capitale, et plus largement sur d’autres régions de Centrafrique. Au total, 28 000 personnes se sont retrouvées sans abri à travers tout le pays, déclenchant l’état de catastrophe naturelle. Malgré la situation dramatique en Centrafrique, les autres pays de la région ont pourtant les armes pour lutter contre les inondations, selon Raoul Monsembula. Située « en pleine forêt tropicale humide, l’Afrique centrale a de quoi résister naturellement aux inondations dues aux précipitations », explique le coordinateur pour l’Afrique centrale chez Greenpeace. En Afrique de l’Est, en revanche, « où la plupart des pays sont semi-désertiques », la situation est encore plus préoccupante. Rien qu’au Soudan du Sud, où l’eau a submergé des villages entiers, près d’un million de personnes sont touchées.

Un bilan catastrophique

D’après Médecins sans frontières (MSF), l’hôpital de Pibor, dans l’Est, est complètement inondé, forçant le personnel médical à utiliser des barques pour se déplacer. En Éthiopie et en Tanzanie, où l’on compte respectivement 22 et 45 morts, la crue des eaux a décimé les troupeaux et détruit les récoltes dans de grandes parties d’une région qui ne s’était pas encore relevée d’une sévère sécheresse. Certains endroits de nord du Kenya, où au moins 29 personnes ont été tuées à cause des coulées de boue, ont reçu en quelques semaines l’équivalent d’une année de précipitations, a fait savoir le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha).

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La sécheresse en Afrique australe, des inondations ailleurs

Alors que l’Afrique australe subit une des sécheresses les plus rudes de ces trente dernières années, le reste du continent, lui, se noie. En cause ? Un phénomène climatique centré sur l’océan Indien, d’une puissance jamais observée depuis des années. Son nom : le dipôle positif, créé par la différence de température à la surface de la mer entre les zones est et ouest de l’océan Indien. Actuellement, les eaux bordant l’Afrique de l’Est sont plus chaudes que la normale à cette période de l’année. Résultat, une évaporation accrue se forme. Et l’air humide qui circule vers le continent se transforme en pluie.

Un phénomène pas si rare en Afrique, où le dernier dipôle positif important a eu lieu en 2006. Plus de 300 personnes avaient alors trouvé la mort dans la région à cause d’inondations d’une ampleur inhabituelle. Mais cette fois, les scientifiques disent ne pas avoir observé un dipôle d’une telle intensité depuis des années, voire peut-être des décennies. Les eaux situées près des côtes est-africaines sont en ce moment de presque deux degrés plus chaudes que celles de la partie est de l’océan Indien, près de l’Australie, soit une différence bien supérieure à l’écart habituel.

L’urbanisation, un facteur aggravant

Si le changement climatique est à l’origine de cette crise, l’organisation des villes africaines a aussi sa part de responsabilité. À Bafoussam, dans l’ouest du Cameroun, deux jours de précipitations torrentielles d’une intensité exceptionnelle, même en pleine saison des pluies, ont provoqué un glissement de terrain. Bilan, au moins 43 morts, dont 26 enfants. Pour l’opposant camerounais Maurice Kamto, « ce drame, comme d’autres similaires, est essentiellement le fruit d’une urbanisation anarchique de nos villes due à la démission, depuis trente-sept ans au moins, des personnes tenant sans partage, voire illégitimement, les pouvoirs publics étatiques et municipaux », a-t-il fait savoir dans un communiqué. Chez le voisin congolais, trois personnes sont mortes au début du mois, là aussi après de fortes pluies qui se sont abattues dans la nuit à Kinshasa. L’une des victimes est l’enfant d’un militaire, décédé à la suite de « l’écroulement du mur de la résidence d’un officier », a indiqué la police nationale congolaise sur son compte Twitter. Celle-ci a également évoqué « deux morts et un blessé » à la suite de « l’écroulement d’un mur » à Kalamu, commune populaire située à l’ouest de la capitale, traversée par une rivière connue pour ses débordements.

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À côté, en RD Congo, c’est une actualité tristement banale. En janvier 2018, 48 personnes avaient été victimes d’inondations, d’éboulements de terrain et d’effondrements de maison pendant la saison des pluies. Il faut dire que, dans plusieurs quartiers de la capitale, des habitations, voire des immeubles entiers, sont construites anarchiquement sur des zones interdites. « L’urbanisation désordonnée en Afrique est l’une des causes des inondations, confirme Raoul Monsembula. Mais l’utilisation des sachets en plastique qui réduit la porosité du sol est également un facteur non négligeable, tout comme le manque de curage et l’insuffisance de caniveaux. Dans les grandes villes africaines, le rejet des ordures dans les rivières n’aide pas non plus à l’évacuation des eaux », déplore-t-il.

Au-delà, la menace d’une catastrophe sanitaire

Ces épisodes forcent, à chaque fois, des centaines de milliers de personnes à se déplacer. Sans protection, livrées à elles-mêmes dans des endroits où respecter les règles de l’hygiène devient impossible. Cette accumulation de facteurs est souvent propice au développement des épidémies, comme l’explique le spécialiste de Greenpeace. « Lors d’épisodes de grandes inondations, il y a toujours un risque de développement à grande échelle des maladies comme le choléra, prévient-il. Mais il faudra aussi être vigilant sur les risques de malnutrition et de crise alimentaire, engendrées par l’inondation des cultures ». Un scénario plausible. Car « le mois de décembre est un mois de haute pluviosité ».

Source: Le Point Afrique/Mis en ligne : Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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