Afric’Up, là où toute la tech africaine se retrouve

Startupers, investisseurs internationaux, institutions africaines et internationales se sont retrouvés à Tunis pour discuter, entre autres, de smart city, d’open innovation et de coopération Sud-Sud.

Tunis est-elle partie pour être le centre névralgique d’un nouveau panafricanisme, le technologique ? Va-t-elle incarner une volonté revigorée de « refaire » l’Afrique à travers une jeune génération connectée, innovante et fière de son africanité ? La question est posée. C’est en tout cas le sentiment qui aura plané tout au long de la seconde édition d’Afric’Up tenue les 24 et 25 septembre dans la capitale tunisienne.

S’il a été question de start-up, smart city, révolution numérique et innovation, la coopération Sud-Sud, tel un fil conducteur, s’est imposée au cœur de tous les débats. « On nous parle d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique de l’Est, d’Afrique du Nord, d’Afrique francophone et anglophone…, mais nous ne sommes qu’un, un continent, une Afrique, et nous devons avancer ensemble », a exhorté le « parrain » de la rencontre, Tomi Davies, président fondateur de Business Angel Network. Son vœu aura été suivi à la lettre au cours de ces deux jours de forum dont l’objectif, pour chaque participant, qu’il soit startuper, investisseur, ou autre, est de se « connecter ».

Rampe de lancement

Aussi, si Mohamed Zoghlami, l’instigateur de la rencontre avec son acolyte, Skander Haddar, PDG de Tunisie Place de Marché (TPM), n’ont pas manqué pas de laisser couler quelques larmes à l’issue de la manifestation, manifestement ému par la convivialité qui a marqué les échanges ; les jeunes startupers eux ont affiché un sourire éclatant. « Je pense qu’on a trouvé un investisseur », confie un jeune entrepreneur ghanéen. Un autre est moins évasif. « On a signé un contrat ». Sans pour autant afficher le montant décroché. D’autres ont trouvé un partenaire, à l’instar de Legal Doctrine, start-up algérienne lauréate du prix de la start-up de l’année dans la catégorie Legal Tech, qui va désormais s’étendre en Tunisie grâce à une rencontre nouée à Afric’Up. Déjà sa participation à la première édition avait donné à son fondateur, Walid Ghanemi, une nouvelle dimension : en moins d’un an, il a triplé son nombre d’employés comme son chiffre d’affaires. Mahamadi Rouamba, directeur général de TicAnalyse, lauréat du prix de la start-up de l’année dans la catégorie e-commerce, est lui bien parti pour connaître le même succès. Son projet, né en 2015, une solution qui résout les failles de l’e-commerce en Afrique de l’Ouest, attendait de trouver un partenaire bancaire pour être opérationnel. C’est désormais chose faite.

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D’importants investisseurs mobilisés

De fait, les plus grands investisseurs de la tech mondiale étaient au rendez-vous. Parmi lesquels Venture Capital ; VC4A ; Bamboo capital… qui n’auront pas fait le déplacement uniquement pour partager leur point de vue mais bel et bien pour « faire leur marché ». Autrement dit, détecter les start-up les plus prometteuses. « Incontestablement, les start-up africaines sont attractives et les investisseurs internationaux sont de plus en plus intéressés », confirme Marème Dieng, Head of international partnerships and relations Draper Associates Venture Capital. Elle nuance toutefois : « Les jeunes entrepreneurs africains, contrairement aux américains, ne rêvent pas assez. Les Américains que nous rencontrons veulent changer le monde, quand les Africains se limitent à leur communauté, leur ville, leur pays.  »

Cela dit, observe Baybars Altuntas, président du Chairman World Business Angels Investment Forum (WBAF), les start-up africaines ont un avantage comparatif par rapport à leurs consœurs américaines, européennes ou asiatiques. À savoir, l’accès au marché africain. « Je vous donne un exemple, si j’ai le choix, pour le même projet, le même concept, entre un entrepreneur à Londres et un autre à Accra, je vais choisir le Ghanéen. Pourquoi ? me direz-vous. Parce que dans les marchés européens saturés, l’entreprise ghanéenne offre plus de perspectives de développement pour un investisseur. » À condition, nuance toutefois l’expert, que l’environnement local soit propice à l’investissement. Car l’investisseur qu’il soit américain, asiatique ou même africain, car il y en a, cherche avant tout à minimiser les risques.

La coopération Sud-Sud pour être plus compétitif sur la scène internationale

D’autres soulignent d’autres failles qui freinent l’ascension des start-up made in Africa. Manque de structuration, d’accompagnement, de visibilité… Des données désormais connues. Et pour y remédier, de plus en plus, faute d’alternatives, optent pour le partenariat… Sud-Sud. À l’instar de Mehdi Omarouayache, CEO de COOFFA et président d’Algeria Digital Cluster, un groupement d’entreprises algériennes du numérique. « J’étais très heureux d’être présent à Afric’up, dans un pays frère, pour représenter l’écosystème algérien et cet élan, nouveau, de l’Algérie, vers son territoire de prédilection qu’est l’Afrique. Aujourd’hui, l’Algérie est à la recherche d’un nouveau modèle économique et il est clair que le digital est un levier qu’on ne peut pas négliger. Et la vision que l’on veut insuffler à nos jeunes est de réfléchir global, continental, même si le premier focus est local. » Cela étant dit, il poursuit : « Je suis le premier à représenter cet élan, à travers Coofa, une start-up qui s’attaque à la logistique du last mile en Afrique, en particulier dans le secteur de la distribution agroalimentaire où aujourd’hui on connaît un surcoût de plus de 40 % qui pénalise le pouvoir d’achat des Africains pour une raison simple : la granularité des réseaux de distribution. » D’où la solution proposée par Coofa, qui digitalise le processus logistique jusqu’au paiement, aujourd’hui fonctionnelle entre l’Algérie et le Sénégal. « Pendant Afric’Up, nous avons fait de très belles rencontres qui vont nous permettre de venir travailler sur le marché tunisien qui est très proche du nôtre. » En attendant d’autres marchés…

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Une créativité made in Africa et une maturité des projets présentés qui enthousiasment les investisseurs. « Voir cette énergie, cet enthousiasme, et les nombreuses opportunités de partenariats noués ici laisse présager un avenir radieux pour cette Afrique pour laquelle nous travaillons tous. Et ce n’est pas qu’un effet de mode, assure Sofiane Sofien Sidhoum qui vient de rejoindre Vertis capital, basé à Dakar. Il y a une sorte de start-up mania, certes, mais il est aujourd’hui admis qu’il est nécessaire d’accompagner ces jeunes entrepreneurs. C’est de cette manière que les économies se développeront et que les populations accéderont à une meilleure qualité de vie. »

Avancer ensemble

En attendant, pour être compétitif face aux acteurs mondiaux de la tech, les start-up africaines n’ont d’autres solutions que d’avancer ensemble sur les marchés régionaux puis internationaux ainsi que le préconise Cheikh Keita, entre autres président de l’Observatoire panafricain du numérique et de Bridge of innovation and open business Africa. « Ce forum de rencontre confraternel entre les principaux acteurs de la tech africaine, réunis pour converger ensemble, est une véritable aubaine. Le partage, la complémentarité vont nous apporter plus d’efficience. » Et de souligner : « La Tunisie, qui a pris une longueur d’avance dans l’économie digitale, accueille à ce titre depuis très longtemps des délégations africaines pour un partage d’idées et de savoir-faire. Cette dynamique Sud-Sud va nous permettre de faire ce que l’Afrique n’a jamais réussi à faire. L’Afrique a une grande histoire. Nous sommes Africains et devons être fiers de notre africanité. Il s’agit désormais de travailler ensemble pour réussir cette transformation numérique et faire de notre continent un espace plus grand, plus dynamique, plus efficient.

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La Tunisie, un hub technologique au service de l’Afrique

Et ce n’est pas un hasard si cette nouvelle grande messe de la tech africaine s’est réunie sur le territoire de l’Ifriqiya. « C’est lors du sommet des chefs d’État qui a eu lieu à Kigali le 14 mai 2019 lors de Transform Africa qu’il a été décidé de confier à la Tunisie la mise en œuvre d’un événement, “Afric’Up”, dédié à l’innovation, à l’entrepreneuriat et à la valorisation des talents de la jeunesse africaine aux yeux du monde, explique Mohamed Zoghlami. Car dans le programme et les objectifs de l’Alliance Smart Africa, c’est à la Tunisie qu’a été confié le flagship de l’écosystème start-up & innovation. »

Or si les événements dédiés aux start-up africaines se multiplient sur le continent, comme ailleurs dans le monde, Afric’Up se singularise précisément pour sa dimension panafricaine et collaborative, souligne Mohamed Zoghlami. « Effectivement, ce ne sont pas les événements qui manquent sur le continent et en dehors concernant la tech africaine.

C’est tout à fait normal, chaque pays, chaque incubateur, chaque réseau souhaite organiser son événement et mettre en valeur son écosystème. C’est de bonne guerre et cela prouve la vitalité du digital africain. Dans tous les continents, nous assistons au même phénomène. Mais je pense que ce qui nous caractérise, c’est en premier lieu d’être un événement placé sous l’égide de l’Alliance Smart Africa. Par ailleurs, il existe de nombreuses manifestations mais aucune qui met en relation les écosystèmes du Nord et du Sud, du Centre, de l’Ouest et de l’Est, francophone, anglophone, lusophone et arabe. » Et d’ajouter : « Afric’Up s’adresse à l’ensemble des acteurs du digital africain et international, investisseurs, incubateurs, experts, chercheurs, start-up, associations, institutionnels, des représentants de la diaspora africaine et des professionnels, et invités venant d’autres continents – et célébrera les femmes digital maker. »

En somme, les principaux acteurs de la tech africaine, et mondiale, n’ont pas manqué de pitcher, networker, et « dealer ». Le tout dans une ambiance très confraternelle et avec l’ambition de changer l’Afrique… en attendant de changer le monde ! Ainsi l’Ifriqiya, dénomination antique de la Tunisie qui aura donné son nom au continent, retrouve tout son sens.

Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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