Algérie : 21e semaine, et la mobilisation ne faiblit pas

En plein vide constitutionnel, et malgré la chaleur, les vacances et, pour certains, la célébration de la qualification des Verts en demi-finales de la CAN, la mobilisation contre le pouvoir reste forte dans plusieurs villes du pays.

Les Algériens ont encore manifesté en très grand nombre vendredi, pour la 21e semaine consécutive contre le régime, à l’issue d’une longue nuit de célébrations de la qualification de l’équipe nationale pour les demi-finales de la Coupe d’Afrique des nations (CAN 2019). Après avoir obtenu le départ de tous les caciques de l’ancien régime, les manifestants réclament celui du général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major, ministre de la Défense et désormais véritable patron du pays.

À Alger et dans les autres wilayas, la mobilisation est forte…

Ce vendredi de manifestations massives était le premier depuis l’expiration, le 9 juillet, du délai d’intérim à la tête de l’État, confié par la Constitution, durant 90 jours maximum, au président de la Chambre haute Abdelkader Bensalah. Celui-ci a fait savoir qu’il resterait néanmoins chef de l’État par intérim, hors du cadre constitutionnel, jusqu’à l’élection d’un nouveau président à une date indéterminée, la présidentielle convoquée le 4 juillet pour élire un successeur à Abdelaziz Bouteflika ayant été annulée faute de candidats.

… dans un contexte institutionnel incertain

Mercredi, le chef d’état-major de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah, véritable homme fort du pays depuis la démission de M. Bouteflika le 2 avril, a réaffirmé le soutien du haut commandement militaire au président Bensalah et souhaité l’organisation d’une présidentielle « dans les plus brefs délais » via un « dialogue national ».

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Une partie de la nuit, de nombreux Algériens ont fêté la qualification de leur pays en demi-finale de la CAN 2019. Jeudi soir, un immense cri de joie a retenti dans Alger, à la fin de la séance des tirs au but contre la Côte d’Ivoire, auxquels ont rapidement succédé klaxons et youyous dans divers quartiers de la ville.

Malgré cette nuit de fête et un impressionnant quadrillage policier dès les premières heures de la journée, une foule immense a envahi les rues du centre d’Alger, noires de monde tout l’après-midi.

Des manifestations massives ont également eu lieu à Oran, deuxième ville du pays, à Béjaia et Tizi-Ouzou (Kabylie, Nord), selon des journalistes locaux, ainsi qu’à Constantine (3e ville d’Algérie), selon les médias algériens et les réseaux sociaux. À Alger, les manifestants ont répondu au chef d’état-major en réclamant à nouveau « un État civil, pas militaire » – faisant fi des mises en garde du patron de l’armée contre ce « slogan mensonger » – et en affirmant n’avoir « pas confiance » en lui.

Pour un passant ironique, « Alger la Blanche » (traditionnel surnom tiré de la couleur des immeubles du centre-ville) était devenue, vendredi, « Alger la Bleue », couleur de la police. Des files ininterrompues de camionnettes des forces de l’ordre sont restées garées des deux côtés des rues – et parfois même sur les trottoirs –, empruntées par le cortège, réduisant sérieusement l’espace pour les manifestants.

De l’huile de moteur a également été versée sur des escaliers, des parapets de bouches de métro ou des lampadaires sur lesquels ont l’habitude de se jucher des manifestants, selon des journalistes de l’AFP, qui ont également vu, comme à plusieurs reprises les semaines précédentes, une dizaine de personnes être interpellées dans la matinée, sans motif apparent.

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Sur Twitter, Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), a dénoncé un « dispositif sécuritaire » montrant « une volonté manifeste d’empêcher les marches pacifiques à Alger ». « Barrages filtrants », « policiers en civils », « fouilles des passants », « interpellations », a-t-il détaillé.

Tentative de muselage ?

Le cortège algérois a commencé à se disperser dans le calme en fin d’après-midi. Aucun incident n’a été signalé à travers l’Algérie.

Parmi les manifestants d’Alger, Aïcha Sahli, la soixantaine, s’est dite « exaspérée par un gouvernement qui s’impose au peuple », alors que le délai d’intérim est dépassé. « Le pouvoir doit comprendre que nous refusons des élections avec les rois de la fraude », a-t-elle expliqué à l’AFP.

Le « Hirak » (mouvement de contestation) refuse que les anciens hauts responsables de la présidence Bouteflika, M. Bensalah et le général Gaïd Salah en tête, organisent le scrutin et il exige leur départ du pouvoir et la mise en place d’institutions de transition avant toute élection. Une revendication catégoriquement rejetée par les autorités.

Abdelkader Bensalah a proposé début juillet la création d’une instance de dialogue pour préparer la présidentielle, sans participation des autorités civiles et militaires, mais son cadre flou laisse sceptique les manifestants.

Pour Abdelhak, chauffeur de taxi, les dirigeants algériens « gagnent du temps en cherchant comment faire pour nous faire avaler des couleuvres ». De précédentes propositions de « dialogue » formulées par le pouvoir ont été rejetées par les figures de la contestation, qui dénoncent essentiellement l’organisation de la présidentielle imposée et non négociable.

Source: Le point afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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