Retour au Bénin de vingt-huit objets appartenant aux anciens rois d’Abomey

Ce geste concrétise le mouvement en faveur du retour d’œuvres d’arts premiers du patrimoine béninois issues de collections occidentales privées.

Ambassadeurs de France et du Japon, collaborateurs du président béninois, écoliers et étudiants, artistes, membres de familles royales, donateurs : tous étaient là, vendredi 17 janvier, au Petit Musée de la Récade, dans le sud du Bénin, autour d’un magnifique sabre d’amazone orné de figures d’animaux.

Cette arme du XIXe siècle, utilisée par les anciennes gardiennes des rois d’Abomey, fait partie des vingt-huit objets désormais exposés dans ce musée de Lobozounkpa, après leur acquisition par un collectif d’antiquaires français passionnés d’art africain et du Bénin. Depuis son inauguration, les initiatives de retour d’objets traditionnels sur leur terre d’origine se sont poursuivies.

« Ces magnifiques récades [sceptres royaux] sont de retour sur la terre qui les a vues naître », s’enthousiasme Eric Totah, directeur du cabinet du ministre béninois de la culture.

« Nous accueillons dans notre collection vingt-huit nouvelles pièces. Parmi ces œuvres, nous avons deux sculptures, huit sabres, seize récades et deux couteaux », explique Marion Hamard, directrice générale du Centre pour les arts et la culture, où se trouve le Petit Musée de la Récade.

« Cela va nous permettre d’augmenter considérablement notre collection », se félicite-t-elle, espérant passer de sept mille visiteurs annuels, essentiellement des écoliers ou des habitants de la localité, à dix mille entrées pour 2020. « Quatre-vingts pour cent de notre public sont constitués de jeunes enfants et de personnes issus de la localité. C’est un objectif pour nous. Nous travaillons beaucoup pour les gens autour desquels nous vivons », selon la directrice.

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Un musée inauguré en 2015

Merline Atchokossi, élève de CM1, se réjouit d’ailleurs d’avoir vu pour la première fois les objets des « rois dont [elle] a entendu parler en classe ». Ces objets ont été acquis par le Collectif des antiquaires de Saint-Germain-des-Prés en mars 2019 en France pour plusieurs milliers d’euros chacun, lors d’une vente aux enchères.

Ils proviennent de deux collections européennes privées : celle d’Alfred Testard de Marans, chargé de la direction du service administratif lors de l’organisation de l’expédition du Dahomey en 1890, ainsi que celle de l’abbé Le Gardinier, missionnaire colonial. « Il s’agit de deux collections historiques. Ces objets, collectés au XIXe siècle, renvoient au richissime passé du Bénin. Ils sont le témoin d’une Afrique debout, combattante, résistante », explique Bernard Dulon, membre du collectif.

« La récade, au XIXe siècle, est un instrument de guerre, symbole de pouvoir et représentation du roi, ce qui lui donne un caractère historique important », explique ce passionné.

Le Petit Musée de la Récade a été inauguré le 1er décembre 2015. Sa collection était alors constituée de trente-sept sceptres, six objets royaux et de culte fon, tous offerts par le Collectif des antiquaires de Saint-Germain-des-Prés ou des collectionneurs privés.

La circulation des œuvres plutôt que la restitution

Le retour d’œuvres du patrimoine béninois issues de collections occidentales privées s’inscrit dans le cadre de restitutions d’œuvres d’arts premiers en partie pillées en Afrique du temps de la colonisation. La restitution par la France au Bénin de vingt-six statuettes du royaume d’Abomey, annoncée en 2018, et qui se trouvent au Musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris, se fera dans le courant de l’année ou au début de 2021.

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Le Bénin et la France ont signé un programme commun de travail sur « la circulation d’œuvres d’art, notamment sous forme de prêts et d’expositions ».

Les musées français, comme celui du Quai Branly, qui dispose de la plus importante collection d’arts premiers, s’inquiètent d’une politisation du débat et d’arguments selon lesquels toutes les œuvres en dépôt chez eux depuis la colonisation ont été malhonnêtement acquises ou pillées, et doivent être rendues aux nouveaux Etats.

Ils privilégient la circulation des œuvres entre la France et l’Afrique plutôt que des restitutions, sauf quand, comme c’est le cas pour les statues du palais royal d’Abomey, le pillage par des soldats français à la fin du XIXe siècle a été flagrant. D’autres œuvres ont été achetées, collectionnées lors de missions ethnologiques, ou leur origine reste inconnue.

Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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