Maghreb : La Libye face au danger de la «somalisation»

L’UE et l’Egypte contestent la légalité de l’accord Al Sarraj-Erdogan. Khalifa Haftar parle de «colonisation» turque et demande à son armée de conquérir Tripoli, en appelant les groupes armés tripolitains à retourner leurs alliances. L’ONU appelle à respecter la résolution sur les ventes d’armes en Libye.

L’accord signé par Al Sarraj avec les Turcs a ravivé les tensions en Libye, où une «syranisation» serait envisagée, avec une présence directe des troupes turques sur le terrain.

Khalifa Haftar, l’homme de l’axe Le Caire-Riyad-Abou Dhabi, a lancé la mise en marche de la conquête de Tripoli. Son porte-parole, Ahmed Mismari, a ouvertement appelé, avant-hier, les «groupes armés révolutionnaires de Tripoli» à la sédition. Mismari a attiré leur attention sur le fait que «les Frères musulmans vont les lâcher et s’appuyer sur une intervention turque». L’ONU maintient son discours figé sur le contrôle de l’armement en Libye.

Les échos en provenance des lignes de front autour de Tripoli indiquent que le travail d’usure pratiqué par l’autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL) de Khalifa Haftar, de juillet jusqu’à fin novembre, a affaibli le potentiel militaire des défenseurs de Tripoli et du gouvernement d’Al Sarraj.

Un véritable travail de renseignement a dévoilé les hangars des avions commandés à distance et les dépôts de munitions des groupes armés soutenant Al Sarraj. Des attaques aériennes ciblées ont détruit lesdites simili-bases militaires et auraient lourdement affaibli les défenseurs de Tripoli.

Montée des périls

Selon certains observateurs, Haftar et son armée seraient devenus maîtres des airs en Libye, handicapant les groupes armés terrestres  proches d’Al Sarraj, qui ne disposeraient plus de couverture aérienne pour mener les contre-attaques, comme ce fut le cas au début des combats.

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L’arsenal militaire blindé des groupes armés défendant Tripoli serait, lui-même, affaibli. Haftar cherche actuellement à gagner la confiance de certains groupes alliés à Al Sarraj avant d’envahir Tripoli. «Les grandes villes se prennent de l’intérieur, comme ce fut le cas avec Tripoli en août/septembre 2011, lors de la chute d’El Gueddafi», a laissé entendre le membre du Conseil de l’Etat, Hassen El Amine.

Par ailleurs, si les lignes de front n’étaient pas très actives, autour de la capitale libyenne, jusqu’à fin novembre dernier, plus de huit mois de bombardements ont, semble-t-il, eu raison de la capacité de résistance des groupes armés, défendant le gouvernement d’Al Sarraj à Tripoli.

Les Tripolitains, joints sur place par El Watan, disent que les échanges de feu ne sont pas nourris de part et d’autre, signifiant l’absence d’une véritable confrontation généralisée. Le porte-parole de l’ANL a expliqué que «l’appel du commandant général, Khalifa Haftar, signifie le lancement de l’étape finale de la guerre d’usure à Tripoli, pour dégager les groupes armés terroristes».

Ainsi, sur les lignes de front, au sud et à l’est de la capitale libyenne, la situation est plutôt calme, selon les habitants de Hadhba, Aïn Zara et Ezzaouia. L’ANL semble jauger la résistance des défenseurs de Tripoli, avant de lancer l’assaut sur des points stratégiques, en sollicitant l’aide de certains groupes armés de l’intérieur de la capitale. Mais, rien ne dit, jusqu’à maintenant, que cette approche a reçu des échos favorables.

Tractations onusiennes

Sur le terrain diplomatique, l’envoyé spécial de l’ONU en Libye, Ghassen Salamé, continue son lobbying concernant la conférence de Berlin, reportée à janvier. Il a rencontré, avant-hier au Caire, le président du Parlement de Tobrouk, Aguila Salah. Salamé a déclaré, suite à cette rencontre, que «la proposition de gouvernement national, lancée par Aguila, signifie que les Libyens sont sur la voie de l’entente».

Néanmoins, l’ex-président du Conseil local de Benghazi, le juge Jamel Bennour, considère que «s’il est vrai que la conférence de Berlin pourrait déboucher, elle-aussi, sur une recommandation de gouvernement national, la tension actuelle, entre les intervenants extérieurs en Libye, compromettrait lourdement le processus germano-onusien».

En effet, toujours selon le juge, «la tension entre l’Egypte et les Emirats, d’un côté, et la Turquie et le Qatar, de l’autrerend difficile un rapprochement de ces deux bords, qui est l’objectif même de la conférence de Berlin». Bennour pense que «la réconciliation n’est pas pour demain» et que «la communauté internationale navigue loin des réalités du terrain». Le juge craint même une partition de la Libye.

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Par ailleurs, et dans le différend opposant la Turquie à ses voisins, l’Union européenne s’est rangée du côté d’Athènes et Larnaca contre Ankara, considérant que la Turquie a bafoué le droit international des mers, en signant cet accord avec la Libye. La Grèce a renvoyé l’ambassadeur libyen à Athènes. Même mécontentement du côté du Caire, qui a considéré que les agissements du gouvernement Al Sarraj sont dictés par les milices armées qui le protègent.

Le ministère égyptien des Affaires étrangères avait déjà annoncé que, selon les termes de l’accord de Sekhirat, les prérogatives «intérimaires» d’Al Sarraj ne lui permettent pas de signer pareille convention. La situation libyenne risque de se compliquer davantage si Libyens et puissances étrangères continuent à ignorer la voix de la raison, appelant à un débat inter-libyen, comme l’ont régulièrement recommandé Alger et Tunis, paradoxalement ignorés par la conférence de Berlin.

L’Italie affiche son soutien au GNA

Le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, a effectué hier une courte visite dans la capitale libyenne où il a rencontré Fayez Al Sarraj, le chef du GNA reconnu par l’ONU.

Selon un communiqué du GNA, M. Di Maio a renouvelé, au cours de cette rencontre, le «soutien de l’Italie» au GNA ainsi qu’aux efforts de l’émissaire de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, qui œuvre pour une reprise du processus politique.

Le ministre italien espère, par ailleurs, que la conférence internationale sur la Libye, prévue début janvier à Berlin, selon l’ONU, aboutisse à un «consensus» entre les pays impliqués dans la crise libyenne, selon la même source.

La conférence de Berlin est aussi appelée à mettre fin aux divisions internationales sur la Libye, pour ouvrir la voie à une solution politique au conflit qui déchire le pays.

Source:El watan/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

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Tribune d'Afrique

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