Les startups africaines distinguées lors de l’Online Seedstars Summit 2020

Sur fond de crise de Coronavirus «Beyond», le Seedstars Summit 2020 s’est déroulé online, vendredi 3 avril. Cette année, l’Afrique s’est particulièrement illustrée en matière de fintech et de e-santé, à l’occasion de cette compétition internationale consacrée aux initiatives à impact portées par les startups des pays émergents…

C’est sur fond d’épidémie de Covid-19 qu’Alisée de Tonnac et Pierre-Alain Masson, fondateurs du Seedstars Summit, ont ouvert l’édition 2020, entièrement dématérialisée (distanciation sociale oblige). Un bootcamp ainsi qu’un forum d’investissement avaient précédé l’événement au cours duquel 70 entreprises avaient répondu présentes, générant 270 sessions de mentoring et 154 rencontres entre startupers et investisseurs.

Au cours des six dernières années, Seedstars, le consortium suisse regroupant 225 employés de 39 nationalités, a organisé plus d’une centaine d’événements par an, pour identifier les startups à impact les plus prometteuses, qui ont levé collectivement 250 millions de dollars et permis la création de 2 500 emplois. Migration, éducation, accès au digital pour tous et économie verte étaient au cœur de cette rencontre et c’est la startup russe de Dasha Kroshkina, StudyFree – une plateforme éducative – qui a remporté le Global Winner Prize 2020 – soit 500 000 dollars – parmi les 5 000 candidatures reçues de 83 pays.

Seedstars Summit 2020

Au niveau du palmarès africain, les Egyptiens Amr Bakr (7Keema: soins infirmiers) et Ahmed Abu Elhaz (Shezlong: santé mentale), la Malienne Fatoumata Bocoum (DenkoKunafoni: suivi des femmes enceintes), le Ghanéen Cecil Sena Nutakor (eCapus LCC), les Nigérians Uche Kenneth Udekwe (Natal Cares) et Chidi Nwaogu (Publiseer: publication en ligne gratuite d’œuvres nigérianes) ont reçu le Migration Entrepreneurship Prize. Enfin, pour introduire le Sommet, les organisateurs avaient choisi de revenir sur le parcours d’une ancienne lauréate venue du Ghana. C’est donc Alima de Cowtribe Technology, que les participants ont suivi à travers le documentaire «Seedstars : Emerging Market Entrepreneurs», sélectionné au dernier Festival du film panafricain de Cannes (reporté en raison de l’épidémie de Coronavirus).

Retour sur Cowtribe Technology, la startup d’e-santé vétérinaire

Chaque année, les agriculteurs africains perdent l’équivalent de 3 millions de dollars de revenus à cause des maladies qui affectent leur bétail et seuls 15% des animaux d’élevage sur le continent seraient vaccinés. « Pendant la saison des pluies, on recense un taux anormalement élevé de mortalité », explique une jeune fermière qui élève ses animaux dans la région de Tamula, au Ghana. «Les narines du bétail sont encombrées, au point où les animaux n’arrivent plus à respirer. On essaie de les aider, mais on fait des erreurs avec les médicaments et la plupart du temps, on les regarde mourir dans l’impuissance. Quant à la volaille, on ne savait même pas qu’il existait des traitements [..]) En cas de maladie, la seule chose que l’on peut faire, c’est prier». Tel est le constat que présente le documentaire consacré à l’entrepreneuriat social dans les marchés émergents.

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Pour endiguer les épidémies qui déciment le bétail des agriculteurs ghanéens, Alima Bawah et Peter Awin ont créé la startup Cowtribe Technology. « Peter et moi sommes issus de familles d’éleveurs », explique Alima. «Il était berger. Quant à moi, j’ai grandi avec ma grand-mère à partir de l’âge d’un an et demi jusqu’à ce que j’aille au lycée. Elle élevait un couple de poulets qui a permis de payer mes frais de scolarité. Lorsqu’ils sont morts, j’ai dû abandonner l’école et partir désherber dans les fermes voisines. C’est ainsi que j’ai pu entrer au lycée […] Pendant mon enfance, je n’ai jamais entendu parler de vétérinaire, car ils sont très rares ici […] aujourd’hui, mon rêve est de démocratiser la santé animale. Avec Cowtribe, nous procurons des vaccins à la demande, aux agriculteurs qui en ont besoin».

La startup ghanéenne participe également au renforcement des capacités des éleveurs, à travers une formation online (MTF Training & Consultancy) financée par Nuffic (une ONG néerlandaise spécialisée dans l’éducation). En 3 ans, 31 000 d’agriculteurs ont bénéficié des services de Cowtribe dans plus de 200 communautés. Arrivée en Suisse pour le Seedstars Summit 2019, avec une minute pour convaincre et 2 slidesautorisés, Alima constate que la concurrence est rude et qu’il sera difficile de remporter les 500 000 dollars réservés au lauréat du Grand prix. Cette année-là, c’est finalement la startup Blended for Argentina (une plateforme scolaire pour personnes en décrochage scolaire), qui avait été récompensée. Toutefois Alima peut se consoler, car, à travers la diffusion du documentaire, elle a pu de nouveau, capter l’attention de potentiels investisseurs lors de l’édition 2020.

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Pezesha, la Fintech kényane au service des PME

Une fois de plus, les startups africaines se sont distinguées en matière de Fintech: de Oko Finance au Mali (assurance-récolte pour les petits exploitants) en passant par Growth Factor au Ghana (services de financement des chaînes d’approvisionnement) ou encore Exuus (groupe d’épargne) au Rwanda. Néanmoins, c’est la startup Pezesha, engagée dans le financement des PME kényanes, qui a su tirer son épingle du jeu… Le déficit en financement des PME africaines s’élève à 19 milliards de dollars au Kenya et atteint 328 milliards de dollars à l’échelle du continent, entraînant chaque année, la disparition de plus de 4 000 entreprises, selon la Banque mondiale. C’est pour combler ce gap de financement que l’entrepreneure kényane Hilda Moraa, sélectionnée parmi les 5 finalistes du Global Winner Prize 2020, a créé Pezesha en 2017, une plateforme de notation financière dédiée aux PME.

Dirigée par une équipe bénéficiant d’une dizaine d’années d’expérience dans les technologies de pointe, la gestion des entreprises et dotée d’une connaissance approfondie du marché, la startup apporte des fonds de roulement aux PME kényanes. Elle propose des formations et des conseils financiers pour éviter le surendettement aux entrepreneurs, tout en élaborant un système de notation de crédit permettant de dérisquer les prêts accordés aux PME par les banques commerciales et les investisseurs. En tant qu’intermédiaire financier, la startup a généré plus de 10 millions de transactions. Avec le temps, Pezesha a accumulé des données transactionnelles qui ont permis de débloquer des crédits plus importants pour un certain nombre de PME. Pour celles dont les demandes de crédit ont été rejetées, la startup dispense des conseils en matière de dette, mais aussi d’optimisation des stocks, de gestion des ventes et de flux de trésorerie.

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« Nous prélevons une commission de 20% sur chaque transaction », explique Hilda Moora, sans dissimuler sa satisfaction d’avoir accompagné la montée en puissance de nombreux entrepreneurs à l’instar de Miriam, une commerçante qui vend des produits de grande consommation et qui a bénéficié d’un prêt de 3 000 dollars sur ces 3 dernières années, grâce à Pezesha. « Elle a multiplié par 3 ses revenus, emploie 5 salariés et a ouvert plusieurs succursales à Nairobi», se réjouit-elle. «Nous avons permis de renforcer plus de 200 000 entreprises dont 60% dirigées par des femmes (…) nous avons décaissé plus de 1,6 million de dollars à travers 75 000 prêts » ,poursuit Hilda qui est actuellement à la recherche de 700 000 dollars pour accompagner quelques 50 000 entrepreneurs comme Miriam. «Notre capital a augmenté de 400 000 dollars en 3 ans et nous voulons atteindre 1 milliard de dollars cette année », ajoute-t-elle, comptant sur le lancement des formations digitales début 2020, pour supporter cette croissance exponentielle.

Toutefois, la première infrastructure digitale approuvée par l’autorité des marchés financiers du Kenya devra composer avec la conjoncture du moment. « Le Covid-19 nous a impacté et nous avons pris un certain nombre de mesures, allongé les délais de remboursements et réévalué les notations pour surmonter cette crise », précise-t-elle enfin. Si Pezesha n’a pas remporté le Global Winner Prize de l’Online Seedstars Summit, la fintech s’est déjà distinguée lors de plusieurs rencontres internationales telles que l’Africa Tech Summit de Kigali (classée parmi les 5 meilleures startups de notation de crédit) et a reçu début mars le prix «Catapult : Inclusion Africa 2020» au Luxembourg.

Source: La Tribune Afrique/Mis en Ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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