La junte malienne exhorte les pays voisins à lever leurs sanctions

Le colonel Assimi Goïta (au centre), qui s’est déclaré chef du Comité national pour le salut du peuple, lors d’une rencontre avec une délégation de la Cédéao à Bamako, au Mali, le 22 août 2020

Le chef de la junte au pouvoir au Mali, le colonel Assimi Goïta, a exhorté hier la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) à lever les sanctions imposées à son pays, rapporte l’AFP.

Il a invoqué la nomination d’un Président de transition qu’il a présenté comme un civil. «Nous avons accepté les principes de la Cédéao, à savoir la nomination d’un Président civil, puis la désignation d’un Premier ministre. Je pense que dans les jours à venir, la Cédéao doit enlever ses sanctions pour le bonheur de la population malienne», a-t-il déclaré en marge des cérémonies du 60e anniversaire de l’indépendance du pays.
La Cédéao a imposé le 20 août, deux jours après le coup d’Etat militaire qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, des sanctions au Mali pour faire pression sur la junte et obtenir un retour immédiat à l’ordre constitutionnel. Elle a suspendu le Mali de ses organes de décision, fermé les frontières de ses Etats membres et stoppé les échanges financiers et commerciaux avec le Mali, à l’exception des produits de première nécessité, des médicaments, des équipements de lutte contre la Covid-19, des produits pétroliers et de l’électricité.

La Cédéao a depuis accepté une période de transition devant permettre le retour des civils au pouvoir. Mais elle a conditionné la levée de ses sanctions à la nomination rapide d’un Président et d’un Premier ministre de transition, qui devront être des civils. Elle a indiqué que les sanctions seraient levées aussitôt que la junte aura satisfait ses exigences. Un comité mis en place par la junte a désigné lundi un officier à la retraite et ancien ministre de la Défense, le colonel-major Bah Ndaw, comme président de la transition.

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Par ailleurs, le chef de la junte a appelé ses compatriotes à soutenir les forces étrangères «partenaires» présentes dans le pays. Il a notamment cité à ce sujet la force française «Barkhane» et les Casques bleus de la Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Aussi, il a appelé à «l’union sacrée autour du Mali» et à soutenir les forces nationales. «C’est l’occasion pour moi aujourd’hui de les féliciter et de les encourager pour tous les efforts qu’elles déploient pour ramener la sécurité et la paix au Mali», a-t-il déclaré. «Et je demande aussi à la population malienne de soutenir nos forces partenaires, telles que la force ‘‘Barkhane’’, la Minusma et la force (européenne) ‘‘Takuba’’», a-t-il ajouté. La présence au Mali depuis sept ans de militaires français et de la Minusma a fait l’objet de contestations d’une partie de la population malienne. Une manifestation contre cette présence est d’ailleurs prévue dans l’après-midi à Bamako. Pays d’Afrique de l’Ouest, ancienne colonie française, le Mali a accédé à l’indépendance en 1960. Il est frontalier de la Mauritanie et de l’Algérie au nord, du Niger à l’est, du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire au sud, de la Guinée au sud-ouest et du Sénégal à l’ouest.

A l’exemple de la majorité écrasante de nombreux pays africains, l’histoire du Mali est marquée par des coups d’Etat. Ainsi, le 19 novembre 1968, un coup d’Etat militaire dirigé par 14 officiers, dont le lieutenant Moussa Traoré renverse Modibo Keïta, au pouvoir depuis l’indépendance en 1960 et met en place un Comité militaire de libération nationale (CMLN).

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Instabilité récurrente

Traoré cumule les fonctions de président du CMLN, chef de l’Etat et du gouvernement. Quant à Modibo Keïta, il meurt en détention dans la capitale Bamako en 1977 dans des circonstances suspectes. D’après la version officielle, il est mort d’un œdème pulmonaire. Durant son règne, Moussa Traoré a réduit toutes les libertés. En 1978, il fait arrêter son ministre de la Défense, Kissima Doukara, qu’il accuse de planifier un coup d’Etat pour le renverser.

L’année suivante, il crée l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), parti unique, et des organisations de masses, organisations satellites de son parti. En 1980, il est confronté aux manifestations des étudiants, dont le leader, Abdoul Karim Camara, meurt en mars de la même année sous la torture. Promu général en 1983, il est renversé le 26 mars 1991 lors d’un coup d’Etat militaire précédé d’un soulèvement populaire. Un Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP), présidé par Amadou Toumani Touré, est chargé de diriger le pays.

Après une Conférence nationale qui adopte un projet de Constitution instaurant le multipartisme et un système présidentiel, Amadou Toumani Touré remet le pouvoir à un régime civil. En 1992, Alpha Oumar Konaré est élu président à l’issue des premières élections démocratiques de l’histoire du Mali. Moussa Traoré est condamné à mort en 1993 pour «crimes de sang» puis en 1999 pour «crimes économiques». Il est gracié en 2002.

Le 12 mai 2002, Amadou Toumani Touré retrouve le pouvoir en remportant le second tour de l’élection présidentielle. Alpha Oumar Konaré est réélu en 1997. Il ne s’est pas représenté, respectant en cela les termes de la Constitution limitant à deux le nombre de mandats à la magistrature suprême. Attitude saluée par la communauté internationale, qui voit en l’expérience de la démocratie malienne un exemple à suivre pour beaucoup de pays africains, habitués aux pronunciamientos pour prendre le pouvoir.

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Mais les démons de l’ordre kaki n’ont fait qu’hiberner. Jeudi dernier, des militaires annoncent avoir renversé le régime du président Amadou Toumani Touré. Ils l’accusent d’incompétence dans la lutte contre la rébellion touareg et les groupes islamistes dans le nord du pays. Ils déclarent avoir dissous «toutes les institutions», suspendu la Constitution et décrété un couvre-feu pour une durée non déterminée et fermé toutes les frontières du pays jusqu’à nouvel ordre.

La Constitution de 1992 a instauré le multipartisme et un système présidentiel. Elle limite à deux le nombre de mandats à la présidence. Il est prévu le 29 avril le premier tour d’une élection présidentielle, à laquelle le président Touré, qui a épuisé ses deux mandats, ne se représentera pas. Le premier tour de la présidentielle devait être couplé à un référendum constitutionnel, avant un éventuel second tour le 13 mai et des législatives en juillet. Ce calendrier électoral est annulé par le coup d’Etat de mars 2012.

Source: El watan/ Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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