En Ethiopie, les tensions pourraient entraîner le report des élections

Le cercle de réflexion International Crisis Group analyse les divisions qui menacent l’unité du pays à l’approche des législatives.

Les violences intercommunautaires et les rancœurs croissantes au sein des élites politiques pourraient forcer Addis-Abeba à prendre la décision controversée de reporter élections législatives prévues en mai 2020, a averti, lundi 16 décembre, le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG).

« Une campagne clivante et sanglante avec des candidats appelant ouvertement à voter sur des bases ethniques pourrait faire basculer le pays », a affirmé ICG dans un rapport, estimant que, si les tensions actuelles s’intensifient, le premier ministre Abiy Ahmed pourrait « être contraint de chercher à reporter les élections ».

Légitimité des urnes

Après plusieurs années de manifestations anti-gouvernementales, M. Abiy a été nommé premier ministre en avril 2018 par la coalition au pouvoir depuis 1991 en Ethiopie, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF).

Ses initiatives en vue de la paix, principalement le rapprochement avec l’Erythrée, ainsi que son ambitieux agenda de réformes lui ont valu le prix Nobel de la paix 2019.

Mais son ouverture a également libéré des ambitions territoriales locales et d’anciens différends intercommunautaires qui ont débouché sur des violences meurtrières dans de nombreuses régions du pays, faisant notamment près de 3 millions de déplacés en 2018.

En octobre, des affrontements lors de manifestations de partisans de Jawar Mohamed, ancien allié de M. Abiy hostile au centralisme du premier ministre, ont fait au moins 86 morts.

M. Abiy, désireux d’obtenir la légitimité des urnes, souhaite maintenir les élections de mai malgré la situation sécuritaire. Mais, estime ICG, de nombreux écueils pourraient perturber ce calendrier. Ces obstacles incluent des tensions dans la région de M. Abiy, l’Oromia, mais aussi l’hostilité entre l’administration Abiy et le Front de libération des peuples du Tigré (TPLF) qui, jusqu’à 2018, dominait la coalition de l’EPRDF, et des conflits territoriaux entre les communautés Amhara et Oromo.

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Certaine unité

M. Abiy doit également faire face à des demandes d’autonomie accrues de la part de communautés du sud du pays, comme en témoigne un référendum organisé en novembre où les Sidama ont approuvé la formation de leur propre Etat régional au sein du système fédéral éthiopien.

De plus, la décision fin novembre de transformer la coalition de l’EPRDF en un seul parti, le Parti de la prospérité, soulève également de nombreuses questions. Cette décision, dont M. Abiy espère qu’elle permettra d’afficher une certaine unité et servir de rempart à l’ethno-nationalisme, a de fait été rejetée par le TPLF. Tout report du scrutin sera controversé, la Constitution éthiopienne ne prévoyant pas de dispositions pour un tel scénario.

« Plus on approche des élections, plus les gens s’y seront investis et auront des attentes, note William Davison, analyste d’ICG spécialiste de l’Ethiopie. S’il doit y avoir un report, le plus tôt sera le mieux. Car plus on approche des élections, plus le processus de report sera difficile. »

Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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