En Algérie, les anciens premiers ministres à la barre pour « le procès de l’ère Bouteflika »

Algeria’s Prime Minister Abdelmalek Sellal (L) and Rally for National Democracy (RND)’s interim secretary general, Ahmed Ouyahia, attend an extraordinary meeting of the RND on May 5, 2016, in the capital Algiers. (Photo by Farouk Batiche / AFP)

Accusés de dilapidation de deniers publics, Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia comparaissent aux côtés d’ex-ministres, de hauts fonctionnaires et d’hommes d’affaires.

Un procès inédit s’est ouvert, mercredi 4 décembre, au tribunal de Sidi M’Hamed, à Alger. A la barre, Abdelmalek Sellal, 71 ans, ancien premier ministre et proche d’Abdelaziz Bouteflika, et Ahmed Ouyahia, 67 ans, fidèle de l’ancien président, à la tête du gouvernement lorsque le mouvement de protestation a commencé, en février. Les deux hommes, d’autres ministres, de hauts fonctionnaires et des hommes d’affaires comparaissent dans un dossier de corruption dans le milieu du montage automobile, une filière industrielle développée par les autorités pendant le quatrième mandat de Bouteflika.

Ce procès est surtout celui de ceux que le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major et désormais homme fort du pays, appelle « la bande » et qu’il a promis de « maîtriser ». Le 25 septembre déjà, après un procès de 48 heures, Saïd Bouteflika, le frère de l’ancien président, Mohamed Mediène et Athmane Tartag, anciens responsables du renseignement, et Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs, ont été condamnés à quinze ans de prison par le tribunal militaire de Blida pour « atteinte à l’autorité de l’armée » et « complot contre l’autorité de l’Etat ».

Des liens financiers étroits

En pleine campagne électorale – la présidentielle doit avoir lieu le 12 décembre –, l’audience est retransmise en direct par des chaînes de télévision privées, qui filment les écrans installés dans le hall du tribunal. Un avocat secoue la tête : « C’est totalement interdit par la loi. » Rien n’y fait, les images pixélisées d’Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, en manteau sombre, entourés d’avocats et de policiers, seront également reprises par les journaux. Kamel Boumehdi, l’un des avocats de la défense, déplore un procès « politique et expéditif ». Le bâtonnier de Blida, Abdelaziz Medjdouba, a quant à lui dénoncé lui des « conditions défavorables »et annoncé se retirer du procès avec plusieurs autres membres du collectif de défense.

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Au fil de l’audience, les liens financiers étroits entre des entreprises, des ministres et l’ancien chef de l’Etat sont mis en évidence. Le juge interroge les prévenus sur les mécanismes qui ont permis à plusieurs hommes d’affaires d’obtenir des autorisations pour lancer une activité de montage automobile ainsi que des exonérations fiscales pour ces activités, alors même que les dossiers ne répondaient pas aux normes légales. « Je n’avais pas le pouvoir de privilégier des concessionnaires ou des opérations », a répondu Ahmed Ouyahia, affirmant qu’il respectait les procédures. De son côté, Abdelmalek Sellal assure qu’il n’avait « aucune autorité sur les ministres ».

Les avantages accordés à cinq concessionnaires ont pourtant coûté 770 millions de dinars (environ 5,8 millions d’euros) au Trésor public, selon le procureur. « Le montage automobile visait à préserver l’économie nationale et à créer de nouveaux emplois. Il n’y a pas eu de dilapidation de deniers publics », rétorque l’ancien ministre de l’industrie et des mines Youcef Yousfi.

Interrogé sur le patrimoine qu’il n’a pas déclaré et qui atteindrait 300 millions de dinars selon l’enquête, Ahmed Ouyahia répond : « Cet argent n’a aucun lien avec mon poste. » Sur les véhicules et le foncier qu’il n’a pas non plus déclarés, Abdelmalek Sellal affirme qu’il « n’aime pas conduire ce genre de véhicule ».

Des patrons en campagne

Dans cette affaire, les prévenus sont aussi accusés de « financement clandestin de partis politiques », selon l’agence de presse APS. Ahmed Mazouz, PDG du groupe du même nom incarcéré depuis le 4 juillet, est interrogé sur l’origine des fonds se trouvant sur un compte bancaire à son nom et dont le solde s’élève à 4,93 milliards de dinars, ainsi que sur ses différents biens immobiliers, dont certains sont au nom de son épouse. « Je suis commerçant depuis 1987. J’ai gagné mon argent à la sueur de mon front dans le commerce et l’industrie », répond-il.

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Il admet avoir participé au financement de la campagne de Bouteflika pour un cinquième mandat. « Je suis allé au siège du Forum des chefs d’entreprise [FCE, principale organisation patronale], où j’ai remis un chèque de 39 milliards de centimes [environ 2,9 millions d’euros] à Ali Haddad », déclare-t-il, affirmant que celui qui dirigeait alors le FCE était chargé de récolter les fonds pour la campagne.

La veille, l’ancien ministre Abdelghani Zaalane, éphémère directeur de cette campagne, avait affirmé que 750 millions de dinars avaient été donnés par des hommes d’affaires et déposés sur des comptes bancaires ouverts par Abdelmalek Sellal. Ces hommes d’affaires auraient, selon lui, retiré leur argent au début du mouvement de protestation. L’audience doit se poursuivre samedi.

Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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