Covid-19 : la résilience ivoirienne bientôt mise à l’épreuve

Côte d’Ivoire

Alors que le risque sécuritaire en Côte d’Ivoire est monté d’un cran dans la nuit du 10 au 11 juin, le pays renforce ses contrôles aux frontières tout en préparant la reprise de ses activités. Entre prudence et optimisme, les entrepreneurs français attendent la levée prochaine de l’isolement du Grand-Abidjan pour mesurer l’impact du SARS-CoV-2.

Avec 4 848 cas confirmés, dont 2 397 patients guéris et 45 décès (le 14 juin 2020), la Côte d’Ivoire résiste à la pandémie de Coronavirus. D’après Jean-Louis Giacometti, cela tient avant tout aux mesures d’urgence prises par le gouvernement.

« Dès le 13 mars, les autorités publiques ont pris la décision rapide d’instaurer un couvre-feu, assorti d’un état d’urgence. L’Etat a investi 96 milliards de francs CFA pour assurer la surveillance épidémiologique du territoire et pour développer un programme sanitaire ambitieux. Des centres d’accueil et de prise en charge médicale ont été mis en place et les rassemblements supérieurs à 50 personnes ont été proscrits. Parallèlement, un conseil national de sécurité a permis de maintenir la capitale dans une forme d’isolement (…) Les contrôles des entrées et des sorties sur le territoire ont été renforcés, mais les liaisons commerciales à l’international ont été maintenues et les marchandises circulent avec fluidité. Nous n’avons observé aucune rupture de stocks », précise le directeur général de la Chambre de Commerce et d’Industrie française en Côte d’Ivoire (CCI-CI), à l’occasion d’un talkorganisé par le Comité d’échanges Afrique-France de la CCI Ile-de-France, le 12 juin dernier.

Optimiste, le DG de la CCI-CI ajoute qu’avant l’arrivée de la pandémie, la croissance était supérieure à 7% et qu’elle devrait résister au Coronavirus, pariant sur la résilience et sur l’attractivité nationale. « En 10 ans, la Côte d’Ivoire a triplé le budget de fonctionnement de l’Etat, qui est passé de 2918 à 8 Mds de francs CFA à 8061 milliards de francs CFA. Cela s’est traduit par des investissements massifs dans les infrastructures logistiques et de transport, qui ont renforcé l’attractivité ivoirienne ».

La « stratégie du carnet de chèques » en soutien au secteur privé

L’Etat a déployé les grands moyens pour sauver ses entreprises du naufrage. Cinq fonds de soutien ont été créés pour amortir les chocs consécutifs au Coronavirus. Le premier fonds est consacré à la solidarité et au soutien d’urgence humanitaire, doté d’une enveloppe de 170 milliards de francs CFA, le second fonds aux PME (150 milliards de francs CFA), le troisième aux grandes entreprises (100 milliards de francs CFA). Un budget de 100 milliards de francs CFA est destiné aux acteurs du secteur informel et enfin, le dernier fonds concerne les filières agricoles, avec un budget de 300 milliards de francs CFA. Les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration font encore l’objet de négociations avec le gouvernement. A ce jour, 10 % de l’ensemble de ces fonds ont été attribués aux PME ainsi qu’aux grandes entreprises et un peu plus pour le secteur informel: de quoi mettre la patience des entrepreneurs à rude épreuve…

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Parallèlement, la Côte d’Ivoire a suspendu les contrôles fiscaux, reporté les taxes forfaitaires pour les artisans et les petits commerçants, tout comme le paiement des impôts (taxes et versements assimilés dus à l’Etat) et les charges sociales, pendant 3 mois. Les mesures douanières ont été assouplies, la patente transport a été réduite de 25% pour les acteurs concernés, et les crédits de TVA ont été remboursés dans un délai de 2 semaines. Par ailleurs, le délai du paiement de la dette intérieure aux entreprises a été raccourci (en priorité pour les factures inférieures à 100M de francs CFA). Enfin, les pénalités de retard ont été annulées pour les entreprises engagées dans l’exécution de marchés de la commande publique.

« Nous avons réalisé un sondage sur l’impact du Coronavirus auprès de nos 1 044 entreprises adhérentes. 92% d’entre elles ont stoppé leurs activités pendant près de 2 mois, avant une reprise progressive. Par ailleurs, 17% d’entre elles ont licencié du personnel sans passer par les voies de recours offertes par l’administration ivoirienne telles que les congés payés avec anticipation, le temps partiel et le chômage technique (…) En moyenne, ces réductions d’effectifs ont concerné 16% du personnel, ce qui est assez colossal », souligne Jean-Louis Giacometti qui constate enfin que 20% des entreprises sondées ont réalisé des résultats meilleurs cette année qu’il y a un an à la même époque, 13% sont parvenues à les équilibrer alors que l’écrasante majorité (soit 67%) enregistre des résultats négatifs.

Dans l’attente de la réouverture du hub abidjanais…

« Ne nous trompons pas : le marché ivoirien est exigeant et convoité, car le pays dispose de ressources nombreuses et représente 45% du tissu industriel de la zone UEMOA. Il attire autant la Chine que l’Inde, la Turquie ou le Nigéria. La France perd son leadership avec 11% du volume des échanges, contre 12% pour le Nigéria et 18% pour la Chine, même si nous restons les principaux investisseurs avec un stock d’investissements de l’ordre de 2 300 millions d’euros », avertit Jean-Louis Giacometti. La reprise des activités post-pandémie promet donc de nouvelles foires d’empoigne en terres ivoiriennes. En attendant, le poumon économique de la sous-région reste en sommeil…

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Avec ses 6.5 millions d’habitants (dont 4.5 millions intra-muros), l’agglomération abidjanaise concentre près de 95% de l’activité économique. La capitale recense près de 700 entreprises françaises, tous secteurs et toutes activités confondus, de l’agro-industrie aux cosmétiques en passant par le ciment. Les entrepreneurs français relancent peu à peu leurs activités, dans un contexte sanitaire encore incertain. Le 30 avril, Adama Coulibaly, le ministre de l’Economie et des Finances exposait d’ailleurs plusieurs possibilités de sortie de crise. Dans le meilleur des cas, la Côte d’Ivoire enregistrerait un ralentissement de son activité économique de l’ordre de 3.6%. Le scénario médian impliquerait une perte de croissance de 5.6% et dans le pire des cas, la croissance amputée de 6.4% chuterait à 0.8%.

Entre résilience et mobilisation des ressources, la Côte d’Ivoire reste « une plateforme d’exportation qui irradie dans toute la sous-région (…) Penser Côte d’Ivoire c’est penser au marché régional » a rappelé le DG de la CCI- CI, avant de conclure sur les différents systèmes de soutien mis à disposition des entreprises françaises, depuis le début de la crise sanitaire (Coface, AFD, Ariz, Fasep, prêt du Trésor concessionnel et non concessionnel, contrat de désendettement et de développement, Banque Publique d’Investissement, etc.).

Source: La Tribune Afrique/Mis en : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

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