Covid-19 : au Maroc, l’imposition soudaine d’un passe vaccinal suscite la confusion

Devant la porte d’une grande enseigne du centre-ville de Casablanca, un vigile bloque l’entrée, smartphone à la main, pour scanner les code-barres. Certains clients sont autorisés à franchir la porte du magasin, d’autres sont priés de rebrousser chemin. Car il en est désormais ainsi au Maroc : depuis jeudi 21 octobre, pour entrer dans une administration publique, un restaurant ou un commerce, il faut être muni d’un passe vaccinal.

La décision, officialisée trois jours plus tôt, a créé la surprise chez les commerçants et les entreprises, contraints de refuser les clients mais aussi leurs salariés non vaccinés contre le Covid-19. Et désormais, les déplacements entre les préfectures et les provinces, ainsi que l’accès aux aéroports, sont également conditionnés à la présentation du document.

Jeudi matin, si les petits commerces et les épiceries ne demandaient pas tous le passe, la plupart des hypermarchés refusaient l’accès aux clients non vaccinés. « Le vigile m’empêche de faire mes courses, de quel droit ? Et ceux qui ne sont pas éligibles au vaccin ? », peste Meriem Slaoui, 62 ans, une cliente du supermarché qui n’a pas pu se faire vacciner pour des raisons de santé. Or contrairement au modèle français, le passe marocain ne peut être obtenu avec un test négatif ou un certificat de rétablissement.

Lancement d’une pétition

« C’est à peine croyable ! », s’indigne la propriétaire d’un magasin d’ameublement à Casablanca. Celle-ci rappelle que le gouvernement a annoncé la nouvelle à la veille de deux jours fériés pour cause de Mawlid, la fête commémorant la naissance du prophète Mahomet : « Nous n’avons même pas eu le temps de nous organiser pour remplacer les employés non vaccinés. » D’autres commerçants craignent une baisse de leur chiffre d’affaires. « Nos habitués ne sont pas tous forcément vaccinés », indique Ilyas Radi, gérant d’un café-restaurant dans le même quartier : « Tout ce que nous voulons, c’est revenir à une activité normale. Si le vaccin le permet, tant mieux, mais avant d’imposer une mesure aussi radicale, donnez le temps aux gens de s’organiser ! »

Le Maroc a déjà vacciné près de 57 % de sa population, y compris chez les 12-17 ans, et a débuté il y a quelques semaines la campagne pour une troisième injection, notamment avec l’arrivée de doses Pfizer-BioNTech. Alors que la vaccination a connu un ralentissement en octobre, le gouvernement veut à présent accélérer le mouvement et encourager les retardataires face au risque d’une quatrième vague. « Le passe vaccinal deviendra obsolète si son détenteur ne reçoit pas une troisième dose six mois après la seconde injection », a averti le ministre de la santé, Khalid Aït Taleb, lors de son passage au journal télévisé mardi.

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Sur les réseaux sociaux, la décision du gouvernement a suscité une certaine indignation et alimenté des débats animés entre « pro » et « antivax ». Mardi, un collectif citoyen constitué de personnalités de tous bords – y compris des politiques comme Mohamed Nabil Benabdallah, secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS), et Nabila Mounib, secrétaire générale duParti socialiste unifié (PSU) – a lancé une pétition en ligne pour dénoncer la mise en place « arbitraire » du passe vaccinal. Intitulée« Non au pass vaccinal au Maroc sans débat national », elle a recueilli quelque 30 000 signatures.

Risque de « bousculades »

« Nous ne sommes pas contre le vaccin, je suis moi-même doublement vacciné », explique Zakaria Garti, cofondateur du mouvement politique Maan et signataire de la pétition : « Ce qui nous dérange, c’est que le passe soit imposé du jour au lendemain sans délai raisonnable. Il ne faut pas oublier que le vaccin n’est pas obligatoire au Maroc, or c’est comme s’il avait été rendu comme tel de manière indirecte. »

Les signataires dénoncent également une « démarche qui exposera des millions de Marocains[…]au risque de ne pas accéder à leurs emplois, de se retrouver incapables d’accéder à une administration en cas d’urgence, aux transports en commun ou encore de jouir d’autres droits plus élémentaires », et mettent en garde contre le « risque de bousculades » dans les centres de vaccination.

Jeudi, des milliers de personnes ont afflué dans les vaccinodromes des grandes villes du pays, non sans une certaine confusion. Face aux craintes, le ministère de la santé a indiqué que le passeport vaccinal, jusque-là délivré après l’injection de la deuxième dose, pourra désormais être obtenu dès la première dose et désactivé si la personne ne se présente pas lors de l’administration de la seconde.

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Souvent cité comme modèle dans sa gestion de la pandémie, le royaume continue d’imposer des mesures strictes pour lutter contre la propagation du Covid-19. Bien que repoussé à 23 heures, le couvre-feu instauré dès le début de la crise sanitaire est toujours en vigueur. Les déplacements à l’intérieur du pays et à l’étranger sont également soumis à des conditions.

Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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