COTE D’IVOIRE : Après Gon Coulibaly, les milles dilemmes de Ouattara

Situation inédite en Côte d’Ivoire. Après la mort de Amadou Gon Coulibaly salué de par le monde pour son « humanisme et sa loyauté« , la démission  vice-président qui datait du 27 février dernier est devenue effective. Dans la foulée, alors que le président de l’Assemblée nationale est trop souvent malade, Ahoussou Jeannot qui tient le Sénat est en soins en Allemagne pour une infection au Covid-19. Et alors qu’il gère de près les funérailles de son ancien Premier ministre, Alassane Ouattara doit renforcer les piliers institutionnels tout en préparant la présidentielle d’octobre. Coriace de mission pour cet économiste de 78 ans, quoique bosseur et structuré.

13 juillet 2020. Le président Alassane Ouattara accepte la démission de Daniel Kablan Duncan. Très officiellement. La présidence de la République publie même à cette occasion un communiqué. Quelques jours plus tôt, le 6 juillet, avant le Conseil des ministres dont l’issue sera fatale à Amadou Gon Coulibaly, un conseil restreint se tient. A la table, le vice-président démissionnaire mais aussi le ministre de la défense Hamed Bakayoko. A cette occasion, la démission introduite trois fois, en février, en mars et début juillet a été validée pour être acceptée. La procédure pour la rendre officielle a même été déterminée pour que ce soit « un départ sans fracas« , ce qui correspondait bien à la nature de ce baoulé du centre-est du pays qui aura été deux fois Premier ministre (de 1993 à 1999 et de 2012 à 2017) soit plus d’une décennie. Mais compte tenu du deuil inattendu qui a frappé le pays, son départ aurait pu être repoussé.

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L’épreuve d’un départ inattendu

Peu d’hommes auront eu droit à de tels hommages, du monde entier. La plupart des chefs d’Etat africains, Alpha Condé (Guinée), Patrice Talon (Bénin), Faure Gnassingbé (Togo), Macky Sall (Sénégal) ont salué un homme d’exception. Emmanuel Macron y voit la perte d’un travailleur et d’un homme d’Etat. L’Elysée y dépêche d’ailleurs Jean Marc Le Drian pour y représenter la France. Quelques jours plus tôt, l’hypothèse d’un voyage de Brigitte Macron a été évoquée avant que, compte tenu de son âge qui l’expose en cette période de covid-19, le ministre des affaires étrangères ne lui soit préféré. Car, il n’y a pas de doute que si la mort de Amadou Gon Coulibaly est une énorme perte pour la Côte d ‘Ivoire et l’Afrique, il crée un vide personnel auprès de Alassane Ouattara qui en avait fait son plan A, excluant tout autre plan. Il en a d’ailleurs souffert personnellement et depuis, ne se ménage pas pour consoler Fatoumata Gon Coulibaly, la mère de l’illustre défunt chez qui il enchaîne des visites. La situation est d’autant plus préoccupante que ce départ a été inattendu. Quand le Premier ministre rentrait à Abidjan et comme c’est de pratique dans des cas similaires, un petit appareil à sa disposition devrait alerter sur tout éventuel mal aise cardiaque. Ledit appareil n’a jamais déclenché un quelconque signal, alimentant d’ailleurs dans les coulisses du pouvoir des rumeurs les plus folles. Le grand défi reste un casting pour réajuster une machine d’Etat dont l’essentiel tournait autour du défunt.

Le casting d’un réajustement structurel

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C’est un grand défi qui mobilise deux camps. D’un côté, les proches de Amadou Gon Coulibaly et ses piliers dans le système, de l’autre, ceux de Hamed Bakayoko. Le ministre de la défense a préféré jusque-là, à la manifestation des ambitions, le profil bas. Il a d’ailleurs mené la délégation gouvernementale chez la mère de Gon Coulibaly et s’implique activement dans des funérailles qu’il a promis « dignes » à dame Fatoumata. L’idée d’un troisième candidat de Ouattara est la plus en vogue, sans doute. Mais en attendant, le chef de l’Etat doit se trouver rapidement un Premier ministre. Il pourrait être Patrck Achi. L’actuel secrétaire général de la présidence est un technocrate pur sang, à l’image de Gon Coulibaly. Et bien qu’issue du rang du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) de Konan Bédié, il est suffisamment loyal et plus serviable qu’ambitieux. Des interrogations se multiplient pour le poste de vice-président. Certains pensent que d’autant plus que la nouvelle constitutionnelle exclut le ticket en colistier et donne au président élu le pouvoir discrétionnaire de pouvoir à cet poste plutôt honorifique, Ouattara peut s’en asser jusqu’à la prochaine présidentielle, prévue fin octobre et qui pourrait, compte tenu de l’ampleur de la crise sanitaire, être reportée de quelques semaines. Le départ pour soins de Ahoussou Jeannot, président du Sénat ainsi que la santé fragile du président du parlement doivent pousser le chef de l’Etat à un casting délicat qui réduise les ambitions tout renforçant une machine que plusieurs coups durs ont pu altérer.

L’impératif de l’unité avant la présidentielle

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Si Alassane Ouattara n’est pas candidat, le Rassemblement des houphouêtistes pour  la démocratie et la démocratie (Rhdp) doit se trouver un candidat capable de rassembler. Une perspective complexe qui impose à Ouattara de briguer un troisième mandat, revenant sur ses promesses de s’arrêter au second. Cette idée est aussi celle que soutient Paris. Macron pense que cela lui donne une marge pour choisir, sans trop de pression, un vice-président à qui le patriarche dioula cèderait le pouvoir après quelques mois voire une année. Mais les proches du Premier ministre défunt souhaitent, à défaut de leur champion, que le président sortant rempile pour un mandat en bonne et due forme. Sauf qu’en attendant, l’unité est la meilleure posture, même si rien n’est moins sûr dans cette délicate période. Des nominations stratégiques interviendront dès la semaine prochaine, pour revigorer l’appareil d’Etat et lancer la campagne électorale. Plusieurs proches de Gon Coulibaly pourraient émerger, une manière de compenser le vide créer par le départ de ce « grand ivoirien » dont les funérailles connaîtront la participation de plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement dont Macky Sall du Sénégal.

En attendant les prochains chamboulements, le mot d’ordre reste la discipline et le deuil. Même si l’opposition maugrée déjà et entend « compliquer » la tâche à Ouattara, qui semble avoir une totale maîtrise de la situation.

MAX-SAVI Carmel, Afrika Stratégies France

Tribune d'Afrique

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