Coopération : l’Alliance Sahel s’invite au prochain sommet du G7

Les 4 et 5 juillet, les ministres de la Coopération du G7 et du G5 Sahel (G5S) se sont réunis à Paris pour réfléchir à des solutions de sortie de crise, reposant sur le diptyque sécurité-développement. L’accent a été porté sur l’éducation et l’emploi des femmes au Sahel en particulier, dont il faudra soutenir un coût que la France, profitant de sa présidence du G7, s’emploie activement à mobiliser.

«C’est la première fois que les pays du G7 et du G5 Sahel sont réunis pour lancer un nouveau partenariat, inscrit pour durer. Cette dynamique correspond bien aux menaces et aux changements que nous rencontrons aujourd’hui», a introduit Jean-Yves Le Drian, ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères dès le 4 juillet, en conférence de presse au Quai d’Orsay. Les ministres de la Coopération des pays du G7 et du G5 Sahel ainsi que les ministres de l’Education des pays du Sahel se sont réunis pendant 48 heures, dans le cadre des réunions ministérielles préparatoires au Sommet du G7 des 24 au 26 août prochain à Biarritz, où les priorités de l’Alliance Sahel devraient s’inviter.

L’objectif de ces réunions parisiennes reposait sur la recherche de solutions en matière de réduction des inégalités et d’amélioration de l’index de «capital humain» défini par la Banque mondiale, qui est actuellement de l’ordre de 0,33 pour la région sahélienne contre 0,76 en France. Pour ce faire, Jean-Yves Le Drian a appelé à une meilleure répartition des fonds. «Le G7 représente 75% de l’aide publique au développement», a précisé Emmanuel Puisais-Jauvin du ministère des Affaires étrangères (MAE), soulignant par ailleurs que «le pire serait que la pauvreté et les inégalités ne soient traitées que par les pays du G7. L’innovation (de cette rencontre) repose sur  l’implication des pays du G5 Sahel», dans la résolution des crises.

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Dans un communiqué conjoint du G7 et du G5 Sahel daté du 4 juillet, les ministres se sont accordés sur les «fragilités» sahéliennes à considérer en priorité, parmi lesquelles «le changement climatique, la désertification, la dégradation de l’environnement et l’accès insuffisant à l’énergie -qui- pourraient renforcer la vulnérabilité de la population, puisque 83% des emplois dans les pays du G5 Sahel sont liés à l’économie de l’alimentation».

«Recentrage» des fonds dans le Sahel

Tous les pays du G7 sont désormais membres de l’Alliance Sahel (plateforme de coopération internationale créée en juillet 2017 «pour intervenir davantage et mieux au Sahel»), avec l’arrivée du Japon et du Canada comme nouveaux pays observateurs. En janvier 2019, l’Alliance soutenait plus de 730 projets pour un montant global de 11 milliards d’euros.

Les membres du G7 et du G5 Sahel ont rappelé par voie de communiqué le bien-fondé du «soutien public total au développement durable (TOSSD) -qui- peut, de façon complémentaire», accompagner les bailleurs internationaux et le secteur privé dans leurs efforts financiers.

Selon les Nations unies, 42 milliards de dollars par an seraient nécessaires entre 2018 et 2022 pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, contre 37 milliards à ce jour. Par ailleurs, les initiatives préalablement menées font état d’une inadéquation entre les besoins réels et l’affection des fonds, d’où l’impérieuse nécessité de redéfinir les priorités. «Nous avons choisi deux axes majeurs : l’éducation et ensuite, l’emploi des jeunes et notamment des filles au Sahel», a expliqué Jérémie Robert, Conseiller Afrique au ministère des Affaires étrangères.

«Recentrer les fonds», tel était le maître mot de ces journées de rencontres ministérielles parisiennes, partant du constat que «seuls 3% des investissements directs étrangers vont en Afrique», selon le diplomate français. De même que les fonds envoyés par la diaspora qui représentent trois fois plus que l’aide publique au développement (APD), ne sont encore que -trop- rarement orientés vers des projets de développement pérennes.

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Le ministre des Affaires étrangères est revenu sur le plan d’investissement externe de l’UE, lancé en septembre 2017, considérant que cet effort ne permettra pas d’atteindre l’intégralité des résultats escomptés. «Aujourd’hui, 150 milliards de dollars sont destinés aux projets de développement, mais il nous faut trouver de nouvelles sources de financement, notamment en mobilisant davantage de fonds privés», a insisté Jean-Yves Le Drian, rappelant que «les IDE représentent dix fois plus que l’APD», soit environ 1 400 milliards de dollars par an.

Priorité à l’éducation des filles

«Le combat pour l’éducation est au cœur de notre République», a déclaré Jean-Yves Le Drian en conférence de presse, citant Victor Hugo pour rappeler qu’il s’agissait d’un «droit humain fondamental» qui doit refléter l’égalité entre filles et garçons. «Nos capacités à atteindre les ODD à l’horizon 2030 dépendront aussi de nos garanties données aux filles dans l’accès à l’éducation», a-t-il souligné.

A l’échelle internationale, 30 filles pour 100 garçons sont parvenues à achever leurs cursus secondaires, entre 2013 et 2017. «Une fille qui étudie dans le secondaire a trois fois moins de risque d’être mariée avant l’âge de 18 ans», a précisé Jean-Michel Blanquer, ministre français de l’Education nationale, rappelant qu’«une fille sur 5 dans le monde n’est pas scolarisée ». De «jeunes leaders» ont apporté leur témoignage, comme Aminata, une activiste malienne qui expliquait le 5 juin à l’UNESCO : «Quand j’étais enfant, mon village est devenu un enfer, car nous voulions étudier. L’éducation est indissociable de la sécurité et, «être en sécurité » signifie bien plus que d’être en vie».

Dans certaines régions du monde, étudier revient encore à prendre des risques aussi. Audrey Azoulay, directrice générale de l’UNESCO, s’est réjouie que la France, à travers ces réunions du G7, «ait choisi de faire de l’éducation et du développement, les thèmes principaux des discussions».

«Chère Malala ; parce que vous avez fait le choix d’aller étudier, vous avez été touchée par balle, le 9 octobre 2012», lançait Emmanuel Macron à la tribune de l’UNESCO, face à la jeune lauréate du Prix Nobel de la Paix 2014. «Partout dans le monde, où l’obscurantisme et le terrorisme gagnent du terrain, l’éducation des filles recule […] Le combat pour l’éducation des filles, c’est un combat pour la liberté», a-t-il poursuivi, soulignant d’autre part que le sommet du G7 à Biarritz «sera un rendez-vous pour faire davantage», et lors duquel «un soutien massif au Docteur Mukwege» sera apporté.

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Enfin, un partenariat avec l’UNICEF a été lancé à Paris, qui permettra à chaque euro levé par l’organisation internationale d’être couplé d’un euro supplémentaire donné par la France pour soutenir l’éducation des filles dans le Sahel, entre les mois de juillet et décembre 2019. «On doit demander des engagements concrets aux Etats», a toutefois prévenu le président Macron.

Entre renforcement des formations techniques, hygiène menstruelle ou encore lutte contre les violences et cyber-harcèlement, les débats des réunions ministérielles parisiennes étaient particulièrement hétéroclites. Toujours est-il qu’avec«27% de la population mondiale -qui- considère l’éducation des garçons plus importante que celle des filles», comme l’a rappelé Jean-Yves Le Drian, les engagements de l’Alliance Sahel ne feront pas l’économie de vastes campagnes de sensibilisation sur la question du genre, pour atteindre à l’horizon 2030, les ODD des Nations unies. 

Source: Afrique la tribune/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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