Concertations pour la formation du nouveau gouvernement tunisien : Habib Jamli demande une rallonge de 30 autres jours

L e président tunisien, Kaïs Saïed, accordera, incessamment, 30 jours supplémentaires à Habib Jamli pour former son gouvernement, comme le prévoit la Constitution.

Le chef du gouvernement, nominé par les islamistes, n’est pas parvenu à concilier les conditions d’Ennahdha (52 sièges) avec celles du Courant démocratique (22 sièges) et le parti Chaab (16 sièges), afin de garantir la confiance à son gouvernement, nécessitant un minimum de 109 voix. Le leader du Courant démocratique, Mohamed Abbou, a déjà annoncé, vendredi 6 décembre, le retrait de son parti des tractations pour la formation du nouveau gouvernement. «Je vous ai déjà dit, le soir du 6 octobre, qu’Ennahdha n’est pas prêt à lâcher les ministères de la Justice et de l’Intérieur.

Pour Ettayar, notre principal objectif, c’est la lutte contre la corruption, qui passe inéluctablement par l’épuration de ces deux départements, en plus de celui de la Réforme administrative et la bonne gouvernance, en charge des marchés publics», avait déclaré Abbou, pour expliquer la décision de son parti de rester dans l’opposition.

Les mêmes réserves sont venues du parti Tahya Tounes (14 sièges) de l’actuel chef du gouvernement, Youssef Chahed. Et si l’on ajoute que le parti Chaab n’était pas satisfait par les propositions de Jamli et que le Parti Destourien libre (PDL, 17 sièges) a déjà choisi d’être dans l’opposition, la majorité est devenue difficile à atteindre. Habib Jamli était ainsi dans l’obligation de demander les 30 jours supplémentaires, prévus par la Constitution, afin de tenter de nouvelles approches.

Tractations serrées

«Les difficultés rencontrées par Habib Jamli sont attendues, eu égard à l’émiettement de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), issue des élections du 6 octobre, avec Ennahdha, 1er parti, ne disposant que de 52 sièges, soit même pas le quart des députés, et six groupes parlementaires, entre 14 et 38 voix», explique, à El Watan, Mustapha Ben Ahmed, le chef du bloc parlementaire de Tahya Tounes.

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Le député ajoute que «la position par rapport au bloc de Qalb Tounes (38 sièges) pose également problème, puisque Ettayar et Karama (21 sièges) refusent de les intégrer au gouvernement, les accusant de corruption». Du côté du parti de Nabil Karoui, Qalb Tounes, les échos indiquent qu’il est prêt à proposer des personnalités à des départements, sans qu’ils ne soient membres du parti, à l’image de Fadhel Abdelkafi, ancien ministre du Développement et des Finances. L’horizon ne semble pas clair pour Habib Jamli et les perspectives n’indiquent pas de percées évidentes.

Perspectives floues

La Tunisie vivra, durant cette législature, des risques permanents d’instabilité politique, rappelant les scénarios italiens. En effet, les possibilités de compromis existent, certes, pour former le gouvernement, en réunissant une majorité de quatre ou cinq partis. Ennahdha peut s’entendre avec Haraket Chaab et Karama ; Qalb Tounes peut soutenir le gouvernement, sans en faire partie. Le gouvernement obtiendrait alors la confiance de l’ARP. Toutefois, la gouvernance serait difficile, faute d’harmonie entre les composantes de cette majorité et d’un programme pouvant satisfaire les exigences de tous les partis.

Mustapha Ben Ahmed considère que «c’est le scénario le plus probable, pour éviter de recourir au gouvernement du Président». En effet, en cas d’échec à réunir une majorité autour du candidat nominé, la Constitution tunisienne accorde au président Kais Saied la possibilité de nommer une personnalité consensuelle, censée réussir à former un gouvernement et lui obtenir une majorité. Autrement, Kais Saied pourrait dissoudre l’ARP et appellerait à de nouvelles élections.

Entre-temps, la coupole de l’ARP abrite les débats budgétaires concernant la loi de finances 2020, préparée par le gouvernement de Youssef Chahed. Les islamistes d’Ennahdha ont essayé d’y introduire un article stipulant la création d’un fonds Zakat, l’une des promesses électorales de leurs alliés du groupe Karama. Néanmoins, la proposition a été rejetée en plénière par 93 voix contre 74. C’est dire que ce ne sera pas facile pour Ennahdha et ses alliés «islamisants» de passer des réformes s’inspirant de la religion.

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Cela réconforterait néanmoins Ghannouchi et son parti, avec sa base radicale, de dire qu’ils ont essayé, en vain, d’appliquer les concepts religieux. Ainsi, Ennahdha n’aura pas à se justifier avec le monde occidental, quant à la civilité de l’Etat. Toutefois, le plus dur reste à faire pour redresser les grands équilibres économiques et lutter contre le chômage et la pauvreté, les principaux objectifs de la révolution du 14 janvier 2011, dont le 9e anniversaire sera célébré dans un mois. Les Tunisiens peinent à voir le bout du tunnel, avec une crise socioéconomique aiguë.

Source: El Watan/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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