Cameroun :la région anglophone encore plus sous pression

soldats patrouillent à Bafut, dans le nord-ouest du Cameroun, en zone anglophone, le 15 novembre 2017.
© AFP

Une nouvelle attaque dans la région anglophone du Cameroun rappelle les tensions qui persistent dans la région, trois ans après le début du conflit.

Nouveau drame au Cameroun, près d’une semaine après les élections législatives et municipales. Vingt-deux civils ont été tués vendredi dans un village du nord-ouest du Cameroun, une région peuplée par la minorité anglophone. « Les éléments de preuve indiquent que la majorité des victimes sont des femmes et des enfants », a assuré par téléphone à l’AFP James Nunan, le chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha) de l’ONU pour les régions du Nord-Ouest et du sud-ouest du Cameroun. Sur les vingt-deux victimes, quatorze sont des enfants, « dont 11 filles et 9 âgés de moins de 5 ans, une mère enceinte et deux femmes qui portaient leurs bébés », a-t-il ajouté.

Le drame s’est déroulé vendredi aux environs de 14 heures dans le village de Ntumbo, a précisé James Nunan, dont l’équipe a recueilli « de nombreux témoignages » permettant de rendre compte de ces chiffres, qui alourdissent un bilan déjà bien lourd pour la région. Depuis trois ans, le nord-ouest et le sud-ouest du Cameroun sont le théâtre de combats meurtriers entre militaires et séparatistes armés. Ces affrontements, ainsi que les exactions et crimes commis par les deux camps, selon les ONG internationales, ont fait plus de 3 000 morts et contraint plus de 700 000 personnes à fuir leurs domiciles.

Le gouvernement accusé

Cette fois, l’opposition et des ONG locales ont accusé le gouvernement et les militaires, qui combattent depuis 2016 des groupes armés sécessionnistes anglophones, d’être responsables de la tuerie de Ntumbi. Dans un communiqué où il condamne le « massacre » de femmes et d’enfants, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) – un des principaux partis d’opposition – affirme que « le régime dictatorial » et « le chef suprême des forces de sécurité et de défense sont les premiers responsables de ces crimes ».

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Sur sa page Facebook, l’avocat Félix Agbor Mballa, président du Centre pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique (CHRDA), a condamné « l’horrible meurtre » de « femmes et d’enfants […] par les forces de défense de l’État ». « Tous les témoignages accusent l’armée », lance aussi sur Twitter l’opposante Édith Kah Walla, candidate à la présidentielle en 2011. Des accusations démenties auprès de l’AFP par un porte-parole militaire. « Faux » a ainsi simplement rétorqué à l’AFP dans la matinée de dimanche un responsable de la communication de l’armée. L’AFP a sollicité des responsables du gouvernement pour une réaction, en vain pour l’heure.

Des élections sous tension

L’attaque de vendredi intervient après plusieurs semaines de tensions, consécutives aux élections. Dans les deux provinces anglophones, les groupes armés séparatistes avaient interdit aux gens d’aller aux urnes et promis des représailles à ceux qui s’y risqueraient. Yaoundé avait alors dépêché d’importants renforts militaires. Plus de 100 personnes avaient également été enlevées dans la région par des rebelles dans les deux semaines qui ont précédé les élections, selon Human Rights Watch (HRW). « Les forces de sécurité de l’État n’ont pas suffisamment protégé les civils des menaces posées par les séparatistes, mais ont plutôt commis de nouveaux abus à leur encontre au cours de la même période », a dénoncé l’ONG dans un communiqué.

La proclamation des résultats du scrutin doit intervenir d’ici à la fin du mois, une fois que la Commission nationale de recensement général des votes aura analysé les recours déposés par plusieurs partis de l’opposition. Pour l’Union africaine, qui vient de publier son rapport sur les élections, «  les scrutins législatifs et municipaux du 9 février 2020 se sont tenus dans un contexte empreint de tensions politiques et sécuritaires et par l’absence de consensus entre les acteurs politiques quant à leur tenue  ». L’institution note également une faible participation, en particulier dans les deux provinces anglophones. Des observations contraires à la version des autorités.

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«  S’agissant des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les populations sont sorties massivement pour accomplir leur devoir civique dans toutes les circonscriptions administratives, avait déclaré le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji. Plus de 150 journalistes ont été accrédités pour couvrir les élections dans ces deux régions. Les images diffusées dans les télévisions et les réseaux sociaux depuis ce matin sont le témoignage le plus éloquent de l’engouement et de l’enthousiasme des populations des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest  ». 

Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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