Attaques au Nigeria: «Les forces de sécurité manquent cruellement d’hommes»

Au Nigeria, la recrudescence des groupes armés inquiète. Vendredi 6 mai, trois villages dans le nord-ouest du pays ont été attaqués par une bande criminelle. Le dernier bilan fait état d’une cinquantaine de morts. Un phénomène que les autorités n’arrivent pas à enrayer.

Les villages de Damri, Sabon Garin et Kalahe ont été attaqués quasi simultanément, vendredi après-midi. Le premier a été le plus touché. Les « bandits », comme on les appelle, ont notamment pris d’assaut l’hôpital où ils n’ont pas fait de détails, en exécutant des patients suivant des traitements. Les assaillants ont volé du bétail et des vivres, avant d’être contraints de fuir en laissant leur butin derrière eux lorsque les forces armées nigérianes sont arrivées sur place.

Cette triple attaque n’est que le dernier méfait des bandes armées qui sévissent, depuis plusieurs années, dans le Nord-Ouest et le Centre du pays. Il y a un mois déjà, une centaine de personnes étaient mortes dans une série d’assauts perpétrés dans le centre du pays. Fin mars, les « bandits » étaient même allés jusqu’à attaquer l’aéroport de Kaduna, l’une des grandes villes du Nord-Ouest. Deux jours plus tard, un groupe s’en prenait à l’arme lourde au train reliant Kaduna à Abuja, faisant 60 morts.

Les autorités semblent désemparées face au phénomène. En dépit des opérations militaires et des amnisties accordées, les bandits ont tué plus de 2 600 civils en 2021, soit une augmentation de 250 % par rapport à 2020, d’après l’ONG Acled. Entretien avec Nnamdi Obasi, chercheur sur le Nigeria pour l’International Crisis Group.

RFI : Pourriez-vous nous rappeler comment ces attaques ont commencé ?

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Nnamdi Obasi : Le phénomène s’est d’abord concentré dans le Nord-Ouest avant de s’étendre vers le Centre-Nord. Ça a commencé par des conflits entre éleveurs et agriculteurs, avec des accusations d’activités criminelles à l’égard des éleveurs d’ethnie Peul. Les communautés ont alors commencé à former des groupes d’auto-défense pour se protéger ou exercer des représailles contre les Peuls. Mais aujourd’hui, nous avons une explosion de l’activité criminelle, certains groupes ne représentent plus les communautés. Ce sont des groupes qui sont tombés dans la criminalité et n’importe qui peut devenir leur victime.

Est-ce désormais l’appât du gain qui motive ces groupes ?

Oui, le phénomène se caractérise désormais largement par des groupes avides, aux instincts de prédateurs. Avec le temps, ils ont vu qu’ils pouvaient obtenir beaucoup de profits et donc leur nombre n’a cessé de croître. Ils attaquent, pillent les communautés et enlèvent un grand nombre de personnes pour obtenir, en échange, d’importantes rançons.

Sait-on comment ces groupes sont organisés ?

Au début, il y avait des chefs identifiés. Maintenant, il y a beaucoup de groupes dont on ne connaît pas les dirigeants. Ils sont armés de plus en plus lourdement, notamment avec des lance-roquettes. L’an dernier, ils ont même abattu un avion militaire. Au départ, ils étaient surtout basés dans les forêts et c’est toujours en partie le cas, mais certains se sont installés dans des villages. Ils vivent parmi les communautés locales dont ils contrôlent la vie. Ils imposent une taxe et s’engagent en échange à protéger les habitants. Ils s’en prennent à ceux qui refuseraient cette situation.

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Ces groupes profitent-ils d’une absence de la puissance étatique dans certaines régions ?

Oui. Dans beaucoup de secteurs, les autorités locales ont été soit écartées, soit supplantées. Elles ne peuvent rien faire contre ces groupes armés. Les forces de sécurité manquent cruellement d’hommes et leurs moyens sont insuffisants pour couvrir un si vaste territoire. Elles sont aussi sous-équipées. Enfin, il y a un manque de stratégie commune par les États régionaux, mais aussi entre les régions et le pouvoir central.

Tout cela entraîne d’énormes manques dans les tentatives de combattre ces groupes. Certaines autorités locales ont négocié avec certains groupes. D’autres ont choisi de les combattre et ça permet parfois à ces mouvements de passer d’une région à une autre, quand ils sont sous pression, parce qu’ils sont très mobiles.

Source: RFI Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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