Algérie : les dessous de la loi contestée sur les hydrocarbures

L’Algérie se dote de nouveaux outils juridiques pour attirer les investisseurs et redresser sa production d’hydrocarbure en baisse. Le projet de loi polémique ouvre la voie à des changements drastiques du cadre réglementaire et fiscal du secteur pétro-gazier.

En pleine transition politique, l’Algérie a adopté un projet de loi révisant la loi N 05-07 du 28 avril 2005 portant code des hydrocarbures au cours du conseil des ministres du 13 octobre 2019. La décision a été accueillie par des manifestants qui remettent en cause la légitimité du nouveau gouvernement de transitions pour se prononcer sur des questions aussi stratégiques à deux mois de l’élection présidentielle.

Par sa flexibilité réglementaire et fiscale pour les compagnies pétrolières, le texte reste globalement un remake de loi de 1986 sur les hydrocarbures. Les amendements  prévoient trois types de contrats : le partage de production, la concession et les services à risque.

S’adapter aux différents investisseurs

Le Contrat de partage de production a été est calqué sur l’ancien système de partage de production, instauré sous l’égide de la loi 86-14. Un modèle qui réduit l’implication directe de l’Etat dans les affaires des investisseurs. Il instaure un mécanisme de partage, faisant que la compagnie pétrolière étrangère, parfois en offshore, maintien des contacts réduits avec l’administration locale, laissant à la société nationale d’hydrocarbures algérienne, Sonatrach, le rôle d’intermédiaire pour régler ses obligations fiscales.

En optant pour ce type de contrat, les compagnies pétrolières apportent dans le projet leur contribution financière et technique et après exploitation, elles recouvrent leurs investissements et sont rémunérées, conformément aux termes du contrat, expliquait en mars dernier Toufik Hakkar, aujourd’hui  vice-président business développement de la Sonatrach, dans un entretien accordé à l’agence de presse algérienne, APS.

Dans le deuxième type de contrat pétrolier proposé aux investisseurs est celui pus connu sous le nom de Contrat de participation. Un texte où la Sonatrach, société nationale d’hydrocarbures et la compagnie pétrolière engagée seront des partenaires à parts égales en termes d’obligations et d’investissements. Elles se répartissent donc les charges fiscales et la rémunération. Mais à la différence du régime précédent, le contrat de participation oblige la compagnie pétrolière à s’implanter en Algérie, via une succursale.

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Le troisième type de contrat, appelé Contrat de services à risques, donne lapossibilité à la Sonatrach de recourir à un partenaire étranger pour bénéficier de son expertise, dans le cadre du développement de gisements difficiles à exploiter ou pour améliorer la récupération de gisements matures. En plus de la diversification des options de contrats pour les compagnies pétrolières et gazières, le nouveau texte simplifie les procédés fiscaux.

Une loi pour redresser le volume des gisements et des exportations

« La révision du régime juridique des hydrocarbures, notamment en matière contractuelle et fiscale, est devenue un impératif au vu des développements enregistrés dans le domaine aussi bien au niveau intérieur qu’extérieur, avec la baisse du volume de production et l’augmentation croissante de la consommation nationale. Le maintien du régime juridique actuel nous mettra en situation de déficit structurel entre l’offre et la demande nationales à compter de 2025 », explique le communiqué du conseil des ministres tenu le 13 octobre à Alger.

L’Algérie a en effet besoin de nouveaux outils pour améliorer les niveaux e production. Selon les données publiées en 2019 par BP statistique review of world energy. La consommation d’énergie a fortement progressé en Algérie, passant de 36,4 Mt (millions de tonnes de pétrole) en 2008 à 56,7 Mt en 2018, soit une hausse de 36% sur une décennie. Alors que la demande interne augmente, le volume des réserves algériennes prouvées stagne à 12,2 milliards barils de pétrole sur la même période, faute d’investissements conséquents dans le secteur à la suite de la loi 2005 sur les hydrocarbures qui a durci les conditions et freiné les investissements dans les explorations. Le niveau de production pétrolière a reculé, passant de 1,95 Mbj en 2008 à 1,51 Mbj en 2018, alors que la production journalière de gaz naturel liquide en baisse s’est réduite de 308 Kbj à 250 Kbj sur la période.

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Des chiffres peu encourageants alors que le pays cherche à renouer avec l’attractivité de ses industries extractives et à faire face à la concurrence d’autres pays africains. La législation à valider par le parlement a été conçue pour attirer les entreprises détentrices des technologies de pointe et de financements nécessaires au développement des ressources. Aussi, l’ouverture à de nouveaux partenariats et la flexibilité de la loi sont considérées comme une opportunité pour la société nationale, la Sonatrach, de pouvoir partager les risques et d’accélérer le renouvellement des réserves du pays, afin de relancer les activités et de préserver la sécurité énergétique algérienne.

Un projet de loi contesté

Adoptée en conseil des ministres à deux mois des élections présidentielles, la loi sur les hydrocarbures essuie des critiques pour le choix du calendrier et son contenu. Ses détracteurs dénoncent notamment l’absence d’une politique claire en matière de développement des infrastructures énergétiques et des nouvelles sources d’hydrocarbures : pétrochimie, raffinage, acheminement et stockage des produits, gaz naturel liquéfie (GNL), gaz naturel pour véhicule (GNV), du gaz de schistes- ou encore énergies renouvelables (ENR).

La nouvelle réglementation déjà en projet sous l’administration de l’ancien régime avait été examinée par les opérateurs pétroliers et gaziers. Trois cabinets de consulting américains – Hartree Partner, Curtis et Mckinsey – avaient  été sollicités pour des opérations de benchmarking et pour apporter leur regard  sur ce texte de loi régissant les hydrocarbures.

Source: Jeune Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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