Afrique du Sud : la question raciale secoue l’Alliance démocratique

La démission de Mmusi Maimane est un mauvais signal politique pour l’Afrique du Sud quant à la dimension arc-en-ciel du pays.

Mmusi Maimane, président du parti, vient de démissionner. Comme pour Herman Mashaba, ex-maire de Johannesburg, c’est le sort fait aux Noirs qui l’a motivé.

Il était le premier Noir à occuper la place tant convoitée de chef du principal parti de l’opposition, l’Alliance démocratique. Ce mercredi 23 octobre, Mmusi Maimane a annoncé sa démission de la présidence de son parti, déchiré sur la question raciale après son cuisant revers aux élections générales de mai dernier. « C’est avec tristesse, mais pour continuer mon combat pour la politique à laquelle je crois et pour le pays que j’aime, que je quitte aujourd’hui mes fonctions », a-t-il déclaré, visiblement ému, à Nkululeko House, le siège du parti fédéral à Johannesburg. Alors que le parti prenait initialement la « responsabilité collective » de ses mauvais résultats aux urnes, il est vite devenu évident que son chef, Mmusi Maimane, porterait le poids du désastre électoral. Maimane a eu le règne le plus court en tant que chef de la DA et a démissionné quatre ans seulement après son arrivée au pouvoir. Il est entré dans l’histoire en devenant le premier chef noir du parti ainsi que le plus jeune.

Une érosion interne lente, mais sûre

Mais les désaccords ne datent pas d’hier. Depuis des semaines, Mmusi Maimane, 39 ans, faisait l’objet de vives critiques au sein de l’Alliance démocratique (DA), un mouvement largement considéré comme un « parti de Blancs ». Dans une longue déclaration, le député a justifié sa décision par les « attaques coordonnées » d’une frange du parti opposée à sa politique en faveur de la majorité noire du pays. « J’ai pris des mesures pour favoriser une plus grande diversité (…), notamment en faveur des jeunes candidats noirs », a lancé l’ancien pasteur, rappelant que, à ses yeux, « l’émancipation des Noirs ne signifie pas l’asservissement des Blancs ». « Ces derniers mois, il est devenu évident qu’il existait au sein de la DA un groupe qui n’était pas d’accord avec moi », a-t-il déploré, pointant du doigt une « campagne de dénigrement », de « diffamation » et des « comportements de lâches ».

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Dans le même temps, Mmusi Maimane a connu quelques déboires. La presse a récemment mis en cause les conditions d’achat du domicile de chef de la DA, soupçonné de corruption. Pour un natif du township de Soweto, dans la banlieue de Johannesburg, ces accusations ne passent pas. D’autant plus que ce consultant en formation, marié à une Blanche et diplômé en psychologie, a connu une carrière express qui a nourri les soupçons de ses adversaires et des observateurs. Ceux-ci l’ont décrit comme un homme de paille noir d’un « parti de Blancs ». Mmusi Maimane a balayé toutes ces accusations d’un revers de main, mais a fini par céder en démissionnant.

Maimane : une ascension rapide qui a dérangé

Rappelons que l’Alliance démocratique a été fondée en 2000 par la réunion de trois partis issus de la minorité blanche du pays. En 2016, le parti a remporté un succès historique aux élections locales en ravissant au Congrès national africain (ANC, au pouvoir) le contrôle de municipalités emblématiques, dont Johannesburg, et la capitale politique du pays, Pretoria. Mais quatre ans plus tard, la DA a subi un échec cuisant en mai lors des élections générales en ne recueillant que 20,6 % des voix, en nette baisse. Son ancienne cheffe, Helen Zille, une Blanche qui a suscité la polémique en saluant les aspects « positifs » du colonialisme, mène depuis des mois la fronde contre Mmusi Maimane.

L’ancien pasteur est censé avoir contribué à accroître la popularité du parti parmi les électeurs noirs. Il a fait campagne main dans la main avec Zille – dans les banlieues sud-africaines, attirant une foule d’électeurs pour la plupart en colère contre les promesses creuses et les batailles internes de l’ANC. Après sa victoire en tant que dirigeant en 2015, il a été surnommé « l’Obama de Soweto » pour ses discours passionnés sur la diversité. Mais il a rapidement perdu la faveur du parti après avoir commencé à plaider en faveur de la diversité et de politiques fondées sur la race dans l’organisation.

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Les manœuvres d’Helen Zille

Quant à Helen Zille, elle a été la patronne de la DA de 2007 à 2015. Après s’être tenue un temps à l’écart des activités du bureau, elle vient de faire son retour au sein de sa direction, au grand dam de son rival Maimane, qui l’a aussitôt mise publiquement en cause mercredi. Ses commentaires sur le colonialisme « n’ont pas favorisé la confiance entre Sud-Africains noirs et blancs et ont miné le projet du parti », a-t-il regretté. Helen Zille, qui s’est exprimée après lui, n’a pas répondu à sa remarque, se contentant de « prendre acte » de sa démission.

Mais la journée fut bien longue pour Helen Zille, car quelques minutes avant le président fédéral de la DA, Athol Trollip, par ailleurs allié politique de Mmusi Maimane, avait également démissionné. « Je dois assumer mes responsabilités après avoir été président du parti pendant quatre ans », a déclaré Trollip, ému. « Je crois fermement que l’Alliance démocratique en vaut la peine et c’est pourquoi j’ai tant donné à ce parti », a-t-il indiqué à la presse mercredi, avant d’ajouter : « L’ANC a négligé les Sud-Africains… Les Sud-Africains méritent une bonne gouvernance… Ne vous détournez pas de l’Alliance démocratique. »

Deux jours qui vont compter dans l’histoire de la DA

Le feuilleton politique a commencé deux jours plus tôt pour la DA. Le maire noir de Johannesburg, Herman Mashaba, avait annoncé sa démission pour les mêmes raisons. « Je ne peux plus m’accommoder d’un groupe de gens qui pensent que la race n’est pas un critère pertinent dans le débat sur les inégalités et la pauvreté en Afrique du Sud », avait justifié cet homme d’affaires de 60 ans.

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La constitution de la DA précise que, si le chef du parti démissionne, le président fédéral du parti assume la direction jusqu’à la prochaine conférence élective qui est prévue pour avril prochain. En revanche, la constitution ne prévoit pas le cas où le leader et le président fédéral démissionnent en même temps, comme c’est le cas aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, ces épisodes de démission à l’Alliance démocratique sont un mauvais signal pour une Afrique du Sud arc-en-ciel. Manifestement, la question raciale revient au cœur du débat en passant par la mauvaise porte.

Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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