À Tunis, la réunion sur la Libye achoppe sur la question du futur exécutif

L’émissaire par intérim de l’ONU pour la Libye, Stephanie Williams, le 15 novembre à Tunis, Tunisie. Walid Haddad / AP

Date des élections, composition du prochain exécutif… le dialogue interlibyen à Tunis s’est achevé sur un bilan plus que mitigé.

Très attendu, le forum du dialogue politique inter-libyen, débuté le 9 novembre, promettait d’esquisser les étapes d’une paix durable dans le pays et la mise en place d’un processus démocratique. Après avoir convenu de la tenue d’élections générales le 24 décembre 2021, les 75 participants de la rencontre de Tunis — représentant les principaux courants politiques libyens — devaient s’accorder sur la composition d’un exécutif de transition. Ils n’y sont pas parvenus.

La rencontre a été rendue possible par l’avancée des négociations ces derniers mois, lors de trois processus parallèles. Celui de Genève (depuis février), selon le modèle 5+5 réunissant cinq représentants des deux camps, celui de Bouznika au Maroc (depuis septembre) où un pacte de paix politique et d’organisation structurelle a été discuté, et celui de Hurghada en Égypte (fin septembre) où un cessez-le-feu a été convenu avec la mise en place d’une restructuration militaire et sécuritaire.

Représentativité ?

Dès le début de la rencontre, certains intervenants ont estimé que le tour de table proposé par la mission spéciale des Nations unies en Libye (UNSMIL) n’était pas représentatif de la diversité politique libyenne. Un obstacle récurrent à la réussite des différents sommets sur la Libye qui se sont tenus depuis 2011 et la chute du régime de Mouammar Kadhafi.

Mais les fumerolles qui s’échappaient du conclave n’ont pas été converties en fumée blanche pour sceller les accords de Tunis. « Les alignements idéologiques tiennent à des choses inimaginables. Il a suffi d’un rapprochement cette semaine entre les Frères musulmans et l’armée pour que les négociations de Tunis soient faussées », commente Rafaa Tabib, maître de conférence à l’Université de La Manouba et spécialiste de la question libyenne.

LES POURPARLERS DE TUNIS SE SONT CLOS SUR DES CRIS ET DES INSULTES

Selon des sources en marge du forum, les discussions ont achoppé sur les réticences de la représentante par intérim de l’UNSMIL, Stéphanie Williams, à accepter le scénario soutenu par 45 des congressistes, lequel prévoyait qu’Aguila Saleh, actuel président de la Chambre des représentants à Benghazi, prenne la tête du Conseil présidentiel aux côtés d’un représentant du Sud et d’un autre de l’Ouest, tous deux proches de l’ANL.

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En contrepartie, Khalifa Haftar serait écarté et les Frères musulmans prendraient la direction de l’exécutif, actuellement entre les mains du ministre de l’Intérieur du gouvernement libyen d’entente nationale (GNA), Fathi Bachagha. Ce projet — qui a semblé imposé aux autres participants — a conduit à l’impasse des pourparlers de Tunis, lesquels se sont clos sur des cris et des insultes.

« Nous avons atteint un consensus sur trois documents importants : la feuille de route vers des élections, les prérogatives des autorités exécutives et les critères d’éligibilité », fait toutefois valoir la responsable de l’UNSMIL en annonçant la suspension des pourparlers, qu’elle a justifiée en affirmant que « dix ans de conflit ne peuvent être résolus en une semaine ».

Débâcle

Néanmoins, un témoin rapporte que « face à cette débâcle, l’UNSMIL a tenté de faire pression sur les congressistes mais sans réel effet. Ils rentrent en Libye en étant dégagés de toute responsabilité. Les puissances qui financent le conflit vont revenir en force et contraindre les Nations unies à revoir leur approche. »

Rien que de bien prévisible selon Rafaa Tabib qui estime que « des cartes ont été abattues trop vite. Il ne fallait pas évoquer le retrait des forces miliaires et assurer que les membres des milices n’ayant pas commis de génocide ou de crime contre l’humanité pouvaient intégrer les forces armées, et que les autres devaient simplement rendre les armes. Cela revenait à ne pas prendre en compte le processus de désarmement. C’est dangereux. » Comme d’autres, l’expert craint que les armes recommencent à parler.

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Source: Jeune Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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