Une nouvelle plateforme pour financer les infrastructures africaines

«Des infrastructures de qualité pour l’Afrique du XXIe siècle», le rapport géré par le Centre de développement de l’OCDE et par le Centre africain pour la transformation économique a rendu ses conclusions le 9 juillet dernier. Le continent qui abritera 2.5 milliards d’habitants en 2050 doit impérativement accélérer le rythme du développement de ses infrastructures, sous peine d’asphyxie démographique.

En 2018, le président du Ghana en appelait depuis Paris, à la création d’une nouvelle plateforme technique pour faciliter le dialogue sur l’optimisation de la construction d’infrastructures de qualité en Afrique, son accélération et son intensification. La  présentation du rapport publié le 9 juillet par le Centre de développement de l’OCDE et le Centre africain pour la Transformation économique (ACET,) en partenariat avec l’AUDA-NEPAD (l’Agence de développement de l’Union africaine), simultanément à l’organisation d’un webinaire, constitue le point d’orgue de la première phase de cette initiative, réalisée avec le soutien de l’Agence allemande de coopération internationale (GIZ).

Le rapport révèle « la tâche monumentale pour hiérarchiser, accélérer et étendre le développement d’infrastructures de qualité » en Afrique, soulignant qu’il faut parfois «  plusieurs décennies pour qu’un projet d’infrastructure passe de l’idée à l’opération ». Pourtant, le temps presse et les défis en matière d’infrastructures augmentent, sous la pression démographique. En effet, quelque 28 pays africains ont doublé leur population entre 1990 et 2015 et les Nations Unies s’attendent à ce que 26 d’entre eux doublent leur population entre 2017 et 2050. Pour répondre aux besoins de cette croissance exponentielle, le rapport encourage de nouveaux modèles multilatéraux, adaptés au défi démographique. « L’investissement dans les infrastructures africaines est un bien public mondial (…) au XXIe siècle, la main-d’œuvre se trouvera sur le continent africain, qui devrait connaître une augmentation de 40% de sa population en âge de travailler, entre 2018 et 2030 », précise le rapport. En effet, d’ici 25 ans, la population du continent aura augmenté de 70%. Par ailleurs, la population urbaine devrait atteindre 1,3 milliard en 2050, sur ce continent qui abritera quelque 120 villes de plus d’un million d’habitants. Aussi, entre dividende démographique et pression urbaine : l’Afrique doit réagir et vite…

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L’intégration régionale sera-t-elle la clé du développement infrastructurel ?

En dépit d’un certain nombre de progrès enregistrés, les besoins restent considérables, en particulier en matière d’accès aux infrastructures numériques. Près de 300 millions d’Africains vivent à plus de 50 km d’un réseau haut débit ou du câble. Selon une étude de 2019, conduite par l’Union internationale des télécommunications (UIT) et l’UNESCO, la réduction de la fracture numérique sur le continent, coûterait 100Mds USD.

Le rapport de l’OCDE et de l’ACET fait apparaître une volonté de décentraliser les projets d’infrastructures pour un processus plus dynamique qui contribuerait au développement des marchés obligataires municipaux, en tant que véhicule d’investissement (…) Le changement est engagé et « l’Afrique dépasse rapidement sa géographie économique post-coloniale », peut-on lire dans cette étude qui promeut la création de nouveaux corridors économiques intégrés au niveau régional, en s’appuyant sur l’opérationnalisation programmée de la zone de libre-échange économique et commerciale africaine (Zleca).

Afin de pallier les besoins urgents, le rapport rappelle que les pays africains se sont tournés vers le partenaire chinois, « dont les temps de réponse et les processus en amont sont rapides et compétitifs dans les infrastructures de transport, d’électricité et des télécommunications » et prévient que les yens investis par l’Empire du Milieu ne souffrent d’aucune concurrence sur le continent. Sur ces secteurs-clés, « la Chine engage actuellement plus de financements que toutes les autres sources externes combinées, juste après le financement par les Etats ». Cette politique d’investissement massif pour soutenir les prochaines routes de la Soie, s’appuie notamment sur un nouveau dispositif d’investissements à l’étranger, basé à Hong-Kong (filiale du China Africa Development Fund). Toutefois, le rapport met également en évidence certains écueils du colosse chinois en matière de « gouvernance, de propriété et de transparence » avant de conclure que la clé du développement des infrastructures doit revenir aux Africains, non sans le support des partenaires internationaux.

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Quels sont les dispositifs proposés par le rapport ?

Les infrastructures africaines ne sont pas seulement en retard faute de ressources techniques et financières, mais cela tient aussi à leur conception initiale, car les enjeux ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) n’y sont pas suffisamment intégrés (création d’emplois, modélisation financière ou retours sociaux). Force est de constater que les modèles traditionnels pour le développement des infrastructures n’ont pas réussi à générer un rythme correspondant à la dynamique démographique, ni à la géographie économique. Les gouvernements africains « doivent renouveler la manière de gérer ces projets », conclut le rapport, précisant qu’il est impératif que les investissements dans les infrastructures soient plus rapides et moins fastidieux, tout en respectant les normes « bas-carbone » (un pré-requis pour les bailleurs internationaux).

En substance, deux grands mécanismes ont été avancés dans ce rapport intitulé « Des infrastructures de qualité pour l’Afrique du XXIe siècle », pour accélérer la préparation, le financement et la mise en œuvre des projets. D’une part, l’extension du label qualité du Programme pour le développement des infrastructures en Afrique (PIDA) et d’autre part, la création d’une plateforme « pour améliorer l’apprentissage entre pairs en temps réel et la mise en commun des bonnes pratiques dans les métiers des infrastructures en Afrique ». Les recommandations listées dans le rapport devraient être prises en considération dans le Programme 2021‑30 pour le développement des infrastructures africaines. Cela étant, dans l’attente de nouveaux investissements escomptés (en particulier dans les infrastructures sanitaires en réaction à la pandémie de Covid-19), le continent continue d’enregistrer un gap de financement dans les infrastructures, compris entre  68 à 108 milliards de dollars par an, selon les données publiées en 2018, par la Banque africaine de développement (BAD).

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Source: La Tribune Afrique /Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée

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