Tunisie : Béji Caïd Essebsi refuse de signer les amendements de la loi électorale

A handout picture provided by the Tunisian Presidency Press Service on August 13, 2018 shows Tunisian President Beji Caid Essebsi delivering a speech after a meeting with members of the Individual Freedoms and Equality Committee (COLIBE), in Tunis. Tunisia’s President Beji Caid Essebsi announced plans to submit a draft bill to parliament equalising inheritance rights between men and women. The proposal to equalise inheritances is among the most hotly debated of a raft of proposed social reforms, guided by a commission the president set up a year ago. / AFP PHOTO / TUNISIAN PRESIDENCY AND AFP PHOTO / Abdelfattah BELAÏD / === RESTRICTED TO EDITORIAL USE – MANDATORY CREDIT « AFP PHOTO / HO / PRESIDENCY PRESS SERVICE  » – NO MARKETING NO ADVERTISING CAMPAIGNS – DISTRIBUTED AS A SERVICE TO CLIENTS ===

Le président tunisien a refusé de ratifier et promulguer les amendements de la loi électorale, votés par l’ARP. La coalition gouvernante ne sait que faire contre le Président en l’absence d’une Cour constitutionnelle. Le dépôt des candidatures aux législatives commencera demain.

Le président Béji Caïd Essebsi a pris tout le monde à contre-pied en refusant de ratifier et promulguer les amendements de la loi électorale, votés par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), le 18 juin dernier. L’Instance provisoire de constitutionnalité des lois avait rejeté, elle aussi, le recours déposé par 52 députés et transmis le projet de loi à la présidence de la République pour ratification et diffusion.

La majorité gouvernante est plongée dans la consternation, alors qu’elle avait prévu d’exclure, à travers cette loi, les concurrents qui ont bénéficié de publicité politique, notamment le parti du patron de Nessma, Nabil Karoui, et les sympathisants de Aich Tounsi.

Flou artistique

Demain commencera le dépôt des candidatures aux élections législatives du 6 octobre prochain. L’Instance des élections (ISIE) a déjà donné des instructions à ses bureaux régionaux dans les 33 circonscriptions pour appliquer l’ancienne loi électorale, si les amendements ne seraient pas ratifiés et diffusés au Journal officiel, ce qui est désormais le cas.

La coalition gouvernante, formée par les islamistes d’Ennahdha, le parti Tahya Tounes de Youssef Chahed et Machrouaa Tounes de Mohsen Marzouk, a été prise de court.

Les ténors de ces partis ne savent pas quoi faire, en l’absence d’une Cour constitutionnelle pouvant gérer un tel contentieux entre la présidence de la République et l’ARP. Un communiqué du conseil de la choura d’Ennahdha a appelé les groupes parlementaires à se réunir pour prendre les décisions nécessaires face à un tel différend, survenant à moins de trois mois des élections.

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Il est clair que le coup a été bien calculé par le président Caïd Essebsi, conscient que la marge de manœuvre des initiateurs des amendements de la loi électorale est très réduite, puisque le dépôt des candidatures pour les législatives est prévu, par l’ISIE, entre les 22 et 29 juillet.

De fait, c’est l’ancienne loi qui va être appliquée, du moins pour les législatives. Le conseiller du Président, Noureddine Ben Ticha, a déclaré, hier aux médias, que Béji Caïd Essebsi ne signera pas les amendements. Pour sa part, Hafedh Caïd Essebsi a souligné, dans une communication téléphonique avant-hier soir avec la chaîne El Hiwar Ettounsi, qu’en l’absence d’une Cour constitutionnelle, «le Président se considère le garant de la Constitution et il est foncièrement contre l’exclusion».

Interprétation

Si tout le monde est interloqué face à une pareille décision, inattendue de la part du président Béji Caïd Essebsi, d’habitude très respectueux de la Constitution, les interprétations sont multiples, en attendant qu’il se prononce lui-même sur la question.

Ainsi, Taieb Youssefi, ex-chef de cabinet de Béji Caïd Essebsi, se rappelle comment ce dernier cogite face aux problématiques insurmontables rencontrées, alors qu’il était chef de gouvernement en 2011, avant de prendre une décision controversée, en disant : «Adviendra ce qu’il adviendra.»

C’est dire que le président tunisien n’hésite pas lorsqu’il s’agit de prendre des décisions audacieuses mais nécessaires, selon son évaluation du processus politique, même si elles sont à l’encontre des normes établies.

Pour le professeur de droit constitutionnel Amine Mahfoudh, le Président a plutôt raison et il lui donne même des arguments. «En l’absence d’une vraie Cour constitutionnelle, et c’est la faute des députés et non de BCE, il est du droit et du devoir du président de la République, principal garant de l’application de la Constitution, de ne pas promulguer une loi qu’il juge immorale ou anticonstitutionnelle.»

Par ailleurs, le professeur Mahfoudh considère que «si le président de la République est tenu de promulguer le projet, selon les termes de la Constitution, celle-ci ne fait pas, à elle seule, le régime politique ; certaines pratiques pourraient voir le jour, en cas de pareilles difficultés».

A ce titre, Amine Mahfoudh s’interroge sur ce qu’il adviendra en Tunisie, puisque le président de la République a failli à l’une de ses obligations constitutionnelles (promulguer une loi), en l’absence d’une Cour constitutionnelle, l’unique autorité à pouvoir le destituer.

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D’autres constitutionnalistes, comme le professeur Slim Laghmani, considèrent que le Président aurait dû ratifier la loi, pour rester dans le cadre de la Constitution, et ne la promulguer que mardi, pour empêcher son application sur le processus électoral en cours, déjà entamé. La Tunisie passe par une étape très controversée de sa transition.

Source: El watan/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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