SENEGAL : Le Mouridisme, un état dans l’Etat

This aerial view taken on on September 23, 2019, shows the Great Mosque of the Mourides in Dakar, on the eve of the inauguration of the building in the Senegalese capital. – Senegal’s influential Mouride Brotherhood will inaugurate a 30,000-capacity mosque in the capital Dakar, touted as the largest in West Africa and rivalling its opulent peers in Arab nations. (Photo by Adrien BARBIER / AFP)

Le vendredi 27 septembre 2019 est désormais une date inscrite en lettres d’or dans les annales de l’histoire religieuse, politique et économique du Sénégal. L’inauguration de la mosquée Massalikoul Djinaan (les chemins du paradis) à Dakar, a confirmé à la face du monde, l’influence incontournable de la confrérie Mouride ; au pays de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké. Ce dernier qui est le fondateur du Mouridisme, demeure l’inspirateur spirituel et emblématique de la plus grande mosquée de l’Afrique de l’Ouest avec une capacité de 30 000 places assises. Ce sont plus de 3 millions de disciples à travers le monde qui ont cotisé 20 milliards de francs Cfa ( 30 millions d’euros) pour la réalisation l’édifice.

Dix ans après la pose de la première pierre de son édification par le président Abdoulaye Wade, l’honneur est revenu à son successeur le président Macky Sall de procéder à l’inauguration de la mosquée Massalikul Djinaan. Cet instant solennel a occasionné la rencontre des deux hommes et leaders politiques qui étaient en froid depuis 2012. En sa qualité de talibé mouride et disciple de Cheikh Ahmadou Bamba, l’ancien président Abdoulaye Wade, avait répondu à l’invitation de Serigne Mountaakha Bassirou Mbacké, le Khalif général des mourides. En sa qualité de Chef d’Etat et dépositaire de la magistrature suprême, le président Macky Sall est venu inaugurer l’imposante mosquée. Au de-là de toute la ferveur populaire qui a vu des millions de musulmans et des chrétiens du Sénégal venir de partout pour assister à cette fête religieuse ; ce jour restera à jamais marqué par la poignée de main entre les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall.

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Serigne Mountakha, le Khalife médiateur

De l’époque coloniale à nos jours, les chefs et guides religieux ont longtemps été considérés comme des régulateurs sociaux ; au Sénégal. C’est à ce juste titre que le Khalif général des mourides Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, s’est impliqué dans les retrouvailles entre le président Macky Sall et son prédécesseur.  Après l’inauguration de la mosquée Massalikul Djinaan, les deux protagonistes y ont exécuté la prière du vendredi en compagnie de leur illustre hôte. « Vous Abdoulaye Wade, êtes le père et Macky Sall est le fils. Tous les deux, vous avez été honorés par Dieu dans ce pays qui vous est cher. Vous avez l’obligation d’’œuvrer pour un Sénégal apaisé », a déclaré le Khalife général à l’endroit de ses invités. Après la prière du vendredi. Il s’en est suivi cette poignée de main saluée par les Sénégalais dans leur majorité. Serigne Montakha Bassirou Mbacké a réalisé cette prouesse que d’aucuns croyaient impossible depuis sept ans.

Influence des mourides dans la vie politique

Dans l’histoire politique du Sénégal, la confrérie mouride a toujours eu un impact considérable. Déjà en son temps, Blaise Diagne le maire de Dakar et premier député noir de l’Afrique de l’Ouest, avait bénéficié de l’électorat mouride. Ensuite, il y a eu le premier président de la république du Sénégal en l’occurrence, Léopold Sedar Senghor, le catholique qui était soutenu par Serigne Falilou Mbacké fils et deuxième Khalife de Cheikh Ahmadou Bamba, face à Lamine Gueye ; un musulman. A l’occasion de l’élection présidentielle de 1988, le président Abdou Diouf dont le pouvoir vacillait face à une montée en puissance de son éternel adversaire politique Me Abdoulaye Wade ; n’hésita pas à requérir le soutien de Serigne Abdoul Ahad Mbacké, le Khalife général des mourides. Ce dernier s’y prêta à travers le « Ndigueul » comme consigne de vote.             Disciple mouride, le président Abdoulaye Wade a toujours joui dans la ville sainte de Touba, d’une popularité inégalée en ces temps qui courent. Le fait que sa formation politique, le parti démocratique sénégalaise (Pds) y a toujours gagné toutes les élections depuis 2000 ; l’atteste. Contrairement à son prédécesseur, le président Maky Sall n’est pas encore parvenu à s’imposer dans la capitale du mouridisme. En dépit de l’absence du Pds à l’élection présidentielle de février 2019, le candidat du pouvoir y a été battu par Idrissa Seck qui avait fait allégeance à Cheikh Ahmadou Bamba.

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Touba, l’incontournable

Parce que depuis la nuit des temps, les disciples mourides ont toujours agi selon les recommandations de leurs guides religieux avec ferveur et solidarité dans l’amour du travail et la foi au prophète Mouhamed (PSL) ; selon  les prescriptions de Cheikh Ahmadou Bamba. Aujourd’hui, la ville sainte de Touba est devenue incontournable dans la vie politique du Sénégal. Raison pour laquelle, à l’occasion du « Maagal » commémorant le retour au bercail de Cheikh Ahmadou Bamba après avoir été exilé par le colon au Gabon où il passa sept ans, sept mois et sept jours ; on assiste un ballet de leaders politiques à Touba. Toute la classe politique vient requérir des prières du Khalife général en exercice. Prévu le 17 octobre cette année, le grand Maagal de Touba a déjà annoncé les couleurs avec l’inauguration de la mosquée Massalikul Djinaan. Et Touba sera encore une fois, le lieu de convergence de plusieurs millions d’adeptes et disciples de Cheikh Ahmadou Bamba.

Source: Dakar, Afrika Stratégies France/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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