RDC : « Le dialogue avec les groupes armés est la clé de la riposte à Ebola »

– AFP PICTURES OF THE YEAR 2019 – Health workers carry a coffin containing a victim of Ebola virus on May 16, 2019 in Butembo. – The city of Butembo is at the epicentre of the Ebola crisis, the death toll of the outbreak to date is now over 1000 deaths. The Red Cross warned that critical underfunding could force it to cut vital work to rein in the deadly Ebola virus in the Democratic Republic of Congo at a time when case numbers are soaring. (Photo by JOHN WESSELS / AFP)

Alors que la lutte contre le virus n’a jamais été aussi avancée, les équipes de David Gressly, qui coordonne la réponse de l’ONU, sont confrontées à des actes de violence.

L’est de la République démocratique du Congo (RDC) est en proie depuis plusieurs semaines à des violences qui ont notamment conduit à la mort de quatre membres d’équipes anti-Ebola, la nuit du mercredi 27 novembre, dans la province de l’Ituri. Parallèlement, des émeutes ciblent la mission de l’ONU en RDC, la Monusco, accusée de passivité dans la protection des civils.

Nommé en mai coordonnateur de la réponse de l’ONU contre Ebola en RDC, après avoir été représentant adjoint du secrétaire général dans ce pays depuis 2015, David Gressly veut intensifier la protection de son personnel pour permettre la poursuite des opérations et éviter un retour du virus qui a déjà fait près de 2 200 morts depuis le 1er août 2018.

Une centaine de civils ont été massacrés par des groupes armés dans l’est de la RDC, et des membres de l’équipe de riposte contre le virus Ebola ont été tués à Biakato et Mangina. Quelles sont les conséquences sur votre travail ?

Dans la plupart des régions touchées par le virus Ebola, nous continuons le traçage des contacts des personnes contaminées et organisons leur surveillance. A Biakato, en revanche, tout le travail a été suspendu. Nous avons aussi dû réduire significativement notre activité à Mangina, Oicha et, dans une moindre mesure, Beni et Butembo. Le principal problème concerne les zones où nous savons qu’il y a toujours des transmissions, essentiellement à Biakato. Nous allons essayer d’y accéder le plus rapidement possible. Dans un premier temps, nous mettrons probablement en place un pont aérien pour que le personnel puisse travailler en sécurité sans passer la nuit sur place. La bonne nouvelle, c’est que les populations de Biakato et Mangina demandent à nos équipes de revenir. Nous recevons des appels en ce sens. Les violences contre nos équipes ne relèvent donc pas d’une résistance de la part des communautés, qui connaissent le danger d’Ebola, mais bien davantage d’un acte criminel.

A LIRE AUSSI:   RDC: où en est-on du désarmement du groupe armé FRPI deux mois après l’accord de paix?

Les Congolais manifestent contre la présence de la Monusco. Comment comptez-vous protéger votre personnel ?

Nous sommes en train d’évaluer comment mieux protéger tout le monde sur le terrain. Nous allons nous adapter aux menaces en demandant des mesures de sécurité renforcées et en nous appuyant sur les forces de sécurité nationales, la Monusco et la sécurité interne de l’ONU. Le directeur des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, examine également comment intensifier les opérations de maintien de la paix dans la région.

Fin novembre, vous avez atteint le chiffre de sept nouveaux cas Ebola par jour, contre 120 en avril. Pensez-vous qu’il soit possible d’éradiquer l’épidémie ?

La situation actuelle est, à bien des égards, bien meilleure qu’elle ne l’a jamais été depuis le début de l’épidémie. La chaîne de transmission est à présent connue, ce qui n’avait jamais été le cas auparavant. Même avec les retards que nous subissons à cause de la situation sécuritaire, nous pouvons reprendre rapidement le travail et retrouver les individus contaminés. Mais il faut agir très rapidement, sans quoi le virus repartira à travers de nouvelles chaînes de transmission.

Comment expliquez-vous que les groupes armés des Forces démocratiques alliées (ADF) s’en soient pris spécifiquement aux personnels onusiens ? M. Lacroix a parlé d’attaques préméditées et financées…

Les ADF n’ont pas directement attaqué l’équipe de riposte contre Ebola. Ils ont attaqué des civils et des membres des forces de sécurité nationales. Ils ont également pris pour cible les conjoints de militaires ou de policiers. L’impact réel sur l’équipe de lutte contre le virus Ebola est indirectement dû aux manifestations massives qui ont eu lieu à Beni [pour dénoncer les massacres et la passivité des casques bleus] et qui ont complètement perturbé la riposte contre Ebola en nous imposant de transférer nos équipes dans des zones plus sûres.

A LIRE AUSSI:   RDC : Ebola et la sécurité à l’agenda de la visite d’Antonio Guterres

Qui a tué l’équipe anti-Ebola et pourquoi ?

Cela doit être déterminé. C’était un petit groupe. Il y aurait des Maï-Maï [groupe armé] opérant dans la région, mais cette attaque porte les marques d’un acte criminel. Il y a eu un ciblage délibéré des bâtiments de l’OMS [Organisation mondiale de la santé], et peut-être aussi des individus. Mais nous avons besoin d’une enquête sérieuse pour identifier les responsables et, si des preuves crédibles sont découvertes, entamer les poursuites nécessaires. La lutte contre l’impunité dans ce type d’attaque est extrêmement importante.

Pour pacifier la zone, faut-il dialoguer avec les groupes armés et engager les communautés ?

Nous y travaillons déjà. C’est la clé de cette riposte à Ebola et la raison pour laquelle les chiffres ont considérablement diminué en août et septembre. Nous avons mis en place un programme visant les communautés, notamment dans les régions de Beni et Butembo, les deux principales zones au cœur de l’épidémie et concentrant tous les risques : forte densité de population, mobilité, problèmes politiques, insécurité due à la présence des ADF et des Maï-Maï, forte résistance aux personnels de santé… Nous avons engagé des discussions avec des groupes armés, des leaders communautaires, des groupes de jeunes, des chefs religieux. Progressivement, nous avons gagné leur confiance. Et lorsque vous êtes acceptés par les communautés, les milices aussi vous acceptent, car elles sont issues de ces communautés. La dernière zone où nous observons une forme de résistance est celle de Biakato et Lwemba. Il nous faut agir vite là-bas pour maintenir l’épidémie sous contrôle et éviter une explosion des cas

A LIRE AUSSI:   CAN 2019: la RD Congo s’impose brillamment et garde espoir

Une épidémie de rougeole, qui a fait 5 000 morts dont 90 % d’enfants, frappe aussi la région. L’OMS s’alarme que la lutte contre Ebola absorbe tous les budgets. Que lui répondez-vous ?

De toute évidence, plus vite nous y mettrons fin, plus vite nous pourrons libérer des fonds pour d’autres programmes. Cependant, nous avons déjà prévu des ressources supplémentaires pour d’autres problèmes de santé tels que la rougeole, le paludisme, le choléra, l’eau, mais aussi l’accès à l’emploi, qui est un gros problème pour ces communautés. Le plus important, selon moi, c’est de mettre en place un programme pour l’après-Ebola et ne pas disparaître une fois que le virus aura été éradiqué. Il faudra un travail sérieux et des financements adéquats pour que nous ne laissions pas derrière nous des communautés dévastées.

Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

Read Previous

Libye : Khalifa Haftar se rapproche d’Israël

Read Next

Le Rwanda signe un accord avec Paris St Germain pour promouvoir le tourisme