RD Congo : Vital Kamerhe risque jusqu’à 20 ans de prison

kamerhe vital

Accusé de détournement et de blanchiment de fonds publics, le directeur de cabinet du président Tshisekedi attend son jugement pour le 20 juin prochain.

Les derniers mots prononcés par Vital Kamerhe à la barre au terme d’une cinquième audience retransmise en direct, et très suivie par les Congolais, résonnent encore ce vendredi matin. L’homme s’est défendu bec et ongles contre les accusations qui pleuvent contre lui. « Je demande au tribunal de constater mon innocence. Ni les avocats de la République ni le ministère public, personne n’a pu démontrer la culpabilité de Monsieur Vital Kamerhe », constate le directeur de cabinet parlant de lui à la troisième personne. « Ce n’est pas moi qui suis attaqué, mais c’est le président de la République », a-t-il justifié, restant fidèle à sa ligne de défense. Sera-t-il entendu alors que la fin du procès approche ? Le tribunal doit maintenant délibérer et sa décision est attendue pour le 20 juin. Il doit trancher alors que lors des plaidoiries le ministère public a sollicité la condamnation du directeur de cabinet du chef de l’État et allié politique à vingt ans de travaux forcés pour détournement des deniers publics et 15 ans pour corruption.

Le ministère public demande 20 ans de travaux forcés

À 61 ans, Vital Kamerhe est le principal des trois accusés d’un procès sans précédent pour détournement et blanchiment présumés de quelque 50 millions de dollars d’argent public. En détention préventive depuis le 8 avril, le directeur de cabinet est jugé dans l’enceinte même de la prison centrale de Kinshasa. Tout comme ses deux coaccusés, il a clamé son innocence, dénonçant un « procès politique » et la « brutalité et l’acharnement » du tribunal contre lui. « On n’est pas en train de faire le droit ici. On est en train de faire de la politique. Ce procès est politique. On n’a pas pu démontrer ici par une pièce irréfutable le détournement de monsieur Vital Kamerhe », argumente l’homme étonné que l’accusation n’ait pas réussi à prouver matériellement les faits qui lui sont reprochés.

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Le procureur a demandé vingt ans de « travaux forcés » à son encontre, ainsi que dix ans de privation du droit de vote et d’éligibilité. La même peine de vingt ans a été requise contre le premier de ses deux coaccusés, l’entrepreneur libanais Jammal Samih, 78 ans, dont plus de 50 au Congo.

Le Parquet a également demandé la « confiscation des fonds » bancaires de l’épouse de Vital Kamerhe, de la fille de celle-ci et d’un cousin de l’accusé, ainsi que « la confiscation des propriétés immobilières acquises avec les fonds détournés pendant la période allant de janvier 2019 à ce jour ».

Dans la plaidoirie de la partie civile, un avocat de la République démocratique du Congo a affirmé que le couple qui s’est marié en février 2019 avait acquis et rénové un hôtel particulier en France pour plus d’un million d’euros.

« La vraie justice viendra de Dieu »

« C’est comme si vraiment on voulait abattre toute la famille », s’est défendu Vital Kamerhe, barbe blanche entourant son visage, en parlant d’une maison « à 45 minutes de Paris ». « La vraie justice viendra de Dieu, quand les juges humains s’écartent de la vraie justice », a-t-il ajouté, affirmant avoir prévenu sa femme avant l’audience que « la messe est dite » concernant son sort judiciaire.

Originaire de la province du Sud-Kivu (Est), Vital Kamerhe est une figure centrale de la vie politique congolaise depuis les années 2000. Candidat déclaré à la présidentielle du 30 décembre 2018, il s’était désisté au profit de Félix Tshisekedi un mois avant le scrutin. Les deux hommes avaient conclu un accord prévoyant que M. Kamerhe devienne Premier ministre puis candidat à la présidentielle suivante, en 2023.

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Une fois au pouvoir, Félix Tshisekedi l’avait finalement nommé directeur de cabinet, devant réserver le poste de Premier ministre à un proche de son prédécesseur Joseph Kabila, en vertu d’un autre accord politique.

L’argent public que Kamerhe est accusé d’avoir détourné devait financer un volet des travaux d’urgence du programme des « 100 jours » lancé par le chef de l’État début mars 2019. Ce volet portait sur la construction de logements sociaux pour militaires, sous la forme de 1 500 maisons préfabriquées et importées de Turquie. Le marché avait été passé avec Jammal Samih, qui a également demandé son acquittement : « Je suis innocent », a-t-il dit. Les deux hommes sont jugés avec un troisième accusé, Jeannot Muhima, en charge du service import-export à la présidence de la République, et du dédouanement des marchandises importées.

Détention arbitraire, mort suspecte de Raphaël Yanyi

Depuis Paris, un collectif d’avocats de Vital Kamerhe a affirmé avoir saisi un « groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire », en « sollicitant une intervention urgente pour garantir le respect des droits fondamentaux de Vital Kamerhe ». « Il n’y a aucune preuve de flux financiers coupables », écrivent dans un communiqué Me Jean-Marie Kabengela et Me Pierre-Olivier Sur.

Les deux avocats reviennent également sur la mort soudaine du magistrat Raphaël Yanyi dans la nuit du 26 au 27 mai, soit deux jours à peine après avoir présidé la deuxième audience du procès. Dans l’attente d’un compte rendu d’autopsie, « plusieurs sources » avancent que le magistrat a été « empoisonné et désignent monsieur Vital Kamerhe comme responsable ». « Dans ce contexte tendu, les autorités pénitentiaires congolaises ne sont pas en mesure de garantir la sécurité » de Vital Kamerhe, estiment les avocats.

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Vital Kamerhe n’a pas officiellement démissionné de son poste de directeur de cabinet, mais un intérimaire – son adjoint – a été nommé. De même aucun des alliés de Vital Kamerhe président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), parti qui compte plusieurs ministres au sein du gouvernement de coalition du président Tshisekedi, n’a démissionné à ce jour.

Source: Le Point Afrique/Mis en : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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