Pandémie de Coronavirus : La rue commence à gronder en Tunisie

Elyess Fakhfakh

Un hasard très symbolique a fait que la première des manifestations populaires réclamant de l’aide se passe à Mnihla, une proche banlieue de Tunis, où habite le président Kais Saied. La zone est populaire et abrite, en majorité, des citoyens à faibles revenus.

Ils ont manifesté, avant-hier, pour réclamer l’aide de l’Etat afin de faire face au confinement qui leur a imposé l’arrêt de leurs activités quotidiennes et, par conséquent, l’absence de revenus.

Les statistiques disent qu’un million de citoyens tunisiens sont dans cette situation.

L’expert international Mourad Ezzine avait tiré la sonnette d’alarme, le 20 mars dernier, c’est-à-dire avant la décision de confinement, lancée le 21 mars. Il avait rappelé que «beaucoup de nos concitoyens sont trop pauvres pour pouvoir arrêter de travailler, puisque leur épargne est négative ou nulle, et ils n’ont pas un salaire régulier à la fin du mois». L’expert avait conclu que «l’auto-confinement, le confinement ou même un couvre-feu ne seront pas observés par ces personnes en l’absence de mesures qui garantissent la subsistance à leurs familles».

Les manifestations, avant-hier à Mnihla, montrent que les premiers signes d’étouffement d’une tranche de la population commencent déjà, après dix jours de confinement.

Dans son analyse de la situation à venir en Tunisie, Mourad Ezzine s’interroge sur le taux de leurs salaires que devraient percevoir les fonctionnaires tunisiens pendant le confinement. Il indique que «des pays riches comme le Danemark et la Grande-Bretagne ont opté pour 90% et 80% respectivement, alors qu’aux Etats-Unis ce sera encore moins généreux».

L’expert attire l’attention sur la nécessité de «faire durer les ressources le plus possible car on ne sait pas combien de temps durera le confinement». Il avertit sur la nécessité d’«éviter qu’on se mette collectivement en danger en forçant le gouvernement à stopper prématurément notre confinement pour cause d’épuisement des ressources».

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Politique et moyens

Pour sa part, le psychiatre Soufiane Zribi craint les développements issus du confinement et prévoit une tension sociale quasi-certaine, en se justifiant par le fait qu’au moment où «les 600 000 fonctionnaires recevront leurs salaires, en cette fin de mois, sans avoir assuré le travail qui leur est demandé, des centaines de milliers d’autres Tunisiens ne percevront pas un dinar.

Et ce ne sont pas, uniquement les petits métiers ; il y a, également, les professions libérales, les commerces non alimentaires, ou les sociétés de service». Le Dr Zribi évalue cette population à un million de personnes, frappés de plein fouet par le confinement. «Cette catégorie de citoyens a pu supporter une semaine de confinement, peut-être pourront-ils tenir une semaine encore, mais leurs maigres réserves seront vite épuisées et ils ne pourraient résister davantage», ajoute-t-il, présentant le dangereux challenge posé à la Tunisie : «Quitter le confinement sera terrible sur le plan sanitaire. Y rester ne sera pas humain.»

Le Dr Zeribi pense qu’«il faudrait que la société civile vienne aider le gouvernement, que la solidarité nationale s’organise et que les quelques milliers qui le peuvent donnent aux millions qui n’en peuvent plus…»

La situation est loin d’être de tout repos pour tout le monde, en Tunisie.

Sur le plan sanitaire, le ministère tunisien de la Santé a annoncé l’extension des tests de dépistage du coronavirus aux laboratoires de l’Institut Pasteur, l’hôpital militaire de Tunis et les centres hospitalo-universitaires de Sousse, Monastir et Sfax.

Le nombre de tests a déjà grimpé de 50 à plus de 500 quotidiennement. Ils concernent les personnes présentant les symptômes du coronavirus, ainsi que l’entourage des cas avérés.

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Le directeur général de l’Institut Pasteur, le professeur Hechmi Louzir, a annoncé 10 000 tests pour les prochains jours afin de tracer une cartographie du virus à travers la Tunisie et le cerner davantage. Jusqu’au 30 mars, la Tunisie a enregistré 362 cas de Covid-19, avec 9 décès et 3 guérisons. 3700 tests ont été effectués.

Source: El Watan/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

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