L’ONU s’inquiète de l’afflux d’armes et de combattants étrangers en Libye

Ghassan Salamé, l’émissaire des Nations unies, a dénoncé des renforts militaires qui « violent l’esprit et la lettre de la conférence de Berlin » en faveur d’un cessez-le-feu.

Les ingérences et l’envoi d’armes et de combattants étrangers en Libye ont redoublé via « des acteurs sans scrupule » depuis le sommet international du 19 janvier à Berlin, qui était pourtant censé y mettre un coup d’arrêt, a dénoncé l’ONU jeudi 30 janvier. S’adressant au Conseil de sécurité, l’émissaire onusien pour la Libye, Ghassan Salamé, a une nouvelle fois exprimé sa « profonde colère et déception » devant l’évolution de la situation depuis la conférence en Allemagne, qui avait notamment réuni les dirigeants russe, turc, français, allemand, britannique et le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo.

« Les belligérants ont continué de recevoir une quantité considérable d’équipements modernes, de combattants et de conseillers fournis par leurs soutiens étrangers, en violation de l’embargo sur les armes ainsi que des engagements pris par les représentants de ces pays à Berlin », a dénoncé le responsable de l’ONU, sans identifier les pays violant les résolutions de l’ONU.

« Il y a des acteurs sans scrupule, à l’intérieur et à l’extérieur de la Libye, qui hochent la tête […] avec un clin d’œil cynique aux efforts pour la paix et affirment pieusement leur soutien à l’ONU. En même temps, ils continuent par derrière à alimenter une solution militaire en accentuant le spectre effrayant d’un conflit de grande ampleur et d’une nouvelle misère pour le peuple libyen », a poursuivi Ghassan Salamé, citant « davantage de réfugiés, la création d’un vide sécuritaire et de nouvelles interruptions de l’approvisionnement énergétique mondial ».

Réunion à Brazzaville

Depuis avril, les forces du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’est qui cherche à conquérir Tripoli, sont opposées à celles de Faïez Sarraj, chef du gouvernement d’accord nationale (GAN) reconnu par l’ONU. Le maréchal Haftar est soutenu principalement par les Emirats arabes unis, l’Egypte et la Russie, Faïez Sarraj surtout par la Turquie. Tous ces renforts militaires « violent l’esprit et la lettre de la conférence de Berlin » en faveur d’un cessez-le-feu, s’est insurgé Ghassan Salamé, réclamant une résolution de l’ONU au plus vite.

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Le Conseil de sécurité discute depuis la semaine dernière d’un texte du Royaume-Uni qui endosse les résultats du sommet de Berlin, réclame un cessez-le-feu et une application stricte de l’embargo sur les armes, exige de tous les Etats membres qu’ils s’abstiennent d’intervenir dans le conflit et demande au secrétaire général de l’ONU des options pour contrôler une trêve. Berlin et Londres voulaient une adoption rapide ; Washington et Moscou ont cependant renâclé, souhaitant attendre l’exposé de Ghassan Salamé, selon des diplomates. Un éventuel vote pourrait n’intervenir que la semaine prochaine, soit plus de quinze jours après le sommet de Berlin.

En parallèle de ces négociations, des dirigeants africains étaient réunis jeudi à Brazzaville pour appuyer un règlement du conflit en Libye. Et l’Algérie s’est proposée pour accueillir un « forum de réconciliation nationale » des parties libyennes esquissé à Berlin. L’Afrique s’est souvent plainte, ces derniers mois, de ne pas être impliquée dans le dossier, géré principalement par les Occidentaux, la Russie et la Turquie.

Navires de guerre

La description par Ghassan Salamé des renforts militaires arrivés dans le pays depuis le 19 janvier est édifiante. Côté Haftar, la ligne de front à Tripoli a bénéficié « d’armes, d’équipement, d’éléments d’infanterie, incluant des combattants étrangers ». Il y a eu aussi « une augmentation notable de vols cargos – plusieurs par jour – à l’aéroport Benina et sur la base aérienne Al-Khadim, dans l’est de la Libye, pour fournir des équipements militaires »« Dans le même temps, des combattants étrangers sont arrivés par milliers à Tripoli et se sont déployés » auprès des forces du GAN. Encore mardi, des bateaux étrangers, y compris des navires de guerre, ont été vus au large de Tripoli en plus de cargos, a précisé Ghassan Salamé.

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Soupçonnée de privilégier Haftar aux dépens de Sarraj, la France a accusé la Turquie d’avoir acheminé par des navires, mardi, des mercenaires syriens en Libye au profit du GAN, rompant avec sa « parole donnée » à Berlin. Jeudi, une source militaire française a enfoncé le clou en précisant qu’une frégate turque avait été repérée mercredi escortant un cargo acheminant des blindés vers Tripoli, où siège le GAN.

Confirmée à Berlin, la création d’une commission militaire conjointe supposée définir les conditions d’un cessez-le-feu durable, avec retrait de positions militaires, reste à concrétiser. Ghassan Salamé a confirmé que sa première réunion à Genève, initialement prévue mardi, ne s’était pas tenue. Cette commission est composée de cinq membres représentant Haftar et cinq membres représentant le GAN. Les représentants du maréchal ont fait défaut à Genève, a indiqué l’émissaire, en précisant qu’il se rendrait dans deux jours à Rajma, près de Benghazi, où est situé le QG de Haftar, afin de tenter de débloquer la situation.

Selon l’ONU, depuis la conférence de Berlin, « 110 violations de la trêve » engagée le 12 janvier grâce à l’entremise de la Russie et la Turquie ont été constatées

Source:Le Monde Afrique /Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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