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La reprise de contrôle de tout l’ouest libyen par les troupes du GNA a scellé l’échec de l’offensive du maréchal Khalifa Haftar contre Tripoli et celui de la solution militaire au conflit en Libye. L’appui d’Ankara au Premier ministre Fayez al-Sarraj a rééquilibré les forces sur le terrain face à l’homme fort de l’est du pays, qui apparaît très affaibli, d’autant plus que ses alliés égyptiens et russes semblent désormais privilégier la carte diplomatique.

Après les canons, la diplomatie ? Les cartes ont été rebattues en Libye, où l’équilibre des forces a été bouleversé depuis la prise de contrôle de tout l’ouest libyen annoncé par les troupes loyales au gouvernement d’union (GNA), reconnu par la communauté internationale, aux dépens de l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar.

L’homme fort de l’est libyen, qui affirmait il y a encore quelques mois contrôler 80 % d’un pays livré au chaos, depuis la chute du régime de colonel Kadhafi en 2011, a subi une série de revers ces dernières semaines.

Ce tournant majeur du conflit qui a scellé l’échec de l’offensive du maréchal sur Tripoli, lancée en avril 2019, a encouragé les forces du GNA à poursuivre leur avancée vers l’est. Le 6 juin, elles sont parties à l’assaut de la ville de Syrte, verrou stratégique entre l’est et l’ouest, situé à 450 km à l’est de la capitale, et aux mains de l’ANL depuis janvier.

Un maréchal sur la défensive

Longtemps à l’initiative sur le plan militaire, Khalifa Haftar est désormais sur la défensive dans un contexte très défavorable. Le vent a tourné contre lui au début de l’année 2020, suite à l’implication officielle de la Turquie dans le conflit en soutien aux forces du gouvernement du Premier ministre libyen Fayez al-Sarraj. Le retrait, mi-mai, de plusieurs centaines de mercenaires russes du front de Tripoli, a fini par l’affaiblir.

« Indéniablement, la majorité des succès enregistrés sur le terrain par le GNA a été facilitée par l’appui militaire et technologique turc, explique Rachid Khechana, rédacteur en chef de la revue libyenne Chououn, et ancien directeur du Centre maghrébin d’études sur la Libye, interrogé par France 24. Cela leur a permis de desserrer l’étau autour de la capitale qui était encerclée par les forces de Haftar, et donc de rééquilibrer la balance sur le terrain ».

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C’est dans ce contexte que l’Égypte, qui est l’un de principaux soutiens étrangers avec la Russie et les Émirats arabes unis, a volé au secours du maréchal en proposant, le 6 juin, un cessez-le-feu à partir du lundi 8 juin et une feuille de route pour la Libye. Signe que le camp Haftar n’envisage plus que la solution militaire au conflit libyen.

Si le cessez-le-feu a été accepté par le maréchal, présent au Caire samedi, le GNA, qui a ralenti la progression de ses combattants vers Syrte, n’y a pas encore donné suite. Khaled al-Mechri, président du Parlement de Tripoli, a rejeté le plan émanant selon lui d’une force vaincue, selon la chaîne al-Jazira.

Baptisée « la Déclaration du Caire », l’initiative présentée par le président Abdel Fatah al-Sissi, et appuyée par les Russes et les Émiratis, comprend notamment la création d’un conseil présidentiel élu en Libye, un appel à des négociations à Genève, le retrait de tous les combattants étrangers, et le démantèlement des milices et la remise des armes. 

Aguila Saleh, une alternative à Khalifa Haftar ?

Alors que l’heure semble désormais à la négociation, le maréchal peut-il incarner l’homme de la situation aux yeux de ses parrains étrangers ? 

« Nous voyons déjà l’Égypte et la Russie travailler ensemble à des alternatives politiques à Haftar qui pourraient sauver leurs sphères d’influence dans l’est libyen », indique Tarek Megerisi, analyste politique au Conseil européen des relations internationales, interrogé par l’AFP.

La présence très remarquée au Caire d’Aguila Saleh, président du Parlement élu basé en Cyrénaïque (est), au moment de l’annonce du plan Sissi pour la Libye, est un indice qui semble jouer en défaveur de Kahlifa Haftar. 

Bien plus ouvert que le maréchal au dialogue avec le pouvoir rival installé à Tripoli, Aguila Saleh s’est également entretenu, fin mai, avec le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov. Ils ont évoqué ensemble « la nécessité de lancer d’urgence un dialogue constructif impliquant toutes les forces politiques libyennes ». 

Alors que jusqu’ici, toutes les tentatives de cessation des hostilités ont échoué, malgré les efforts de l’ONU, le profil d’Aguila Saleh pourrait favoriser la reprise du dialogue alors que les forces du GNA se rapprochent du « croissant pétrolier ».  

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En avril, Aguila Saleh avait proposé un plan de sortie de crise en huit points dans lequel un nouveau Conseil présidentiel assumerait collectivement les fonctions de commandant suprême des forces armées, le temps que soit rédigée une Constitution pour le pays. Une manière de renvoyer dans sa caserne Khalifa Haftar, qui avait proclamé le 27 avril qu’il disposait d’un « mandat du peuple » pour gouverner seul la Libye

« Moscou et Ankara pourraient s’entendre sur un partage de la Libye comme en Syrie »

« L’entrée en scène d’Aguila Saleh, qui entretient des relations anciennes avec Moscou, montre que les puissances pro-Haftar commencent à étudier les alternatives au maréchal pour ouvrir la voie à des négociations inter-libyennes, puisque, vu l’équilibre des forces, le GNA ne peut pas reprendre le contrôle de tout l’est libyen », poursuit Rachid Khechana.

Et de conclure : « Si les négociations, bloquées jusqu’ici par Haftar, reprennent, elles repartiront de zéro ou presque, c’est-à-dire là où elles étaient avant l’offensive de l’ANL sur Tripoli, tandis qu’en coulisses, Moscou et Ankara pourraient s’entendre sur un partage de la Libye comme en Syrie ». 

Source: France 24/Mis en : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

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