Le Conseil d’Etat autorise la consultation des archives de Mitterrand sur le Rwanda

François Mitterrand

La plus haute juridiction administrative estime que la consultation de ces documents à des fins de recherche peut « éclairer le débat sur une question d’intérêt public ». Le rôle de la France dans le génocide de 1994 reste controversé.

Le Conseil d’Etat a autorisé, vendredi 12 juin, la consultation par un chercheur des archives du président François Mitterrand sur le Rwanda (1990-1995), ce que refusaient jusqu’à présent les autorités françaises, dont le rôle dans le génocide de 1994 reste controversé. La plus haute juridiction administrative française estime que cette consultation à des fins de recherche « a un intérêt légitime », afin d’« éclairer le débat sur une question d’intérêt public ».

Cette décision clôt cinq années de procédure et constitue une « très très bonne nouvelle », s’est félicité le chercheur qui a porté l’affaire devant les tribunaux. François Graner est l’auteur de plusieurs livres sur la France au Rwanda et proche de l’association Survie engagée contre la « Françafrique ».

« On n’attend pas de scoop de ces archives, dont certaines sont déjà connues », a-t-il rappelé auprès de l’Agence France-Presse. « Mais on veut pouvoir faire un travail de fond, sérieux, serein, pour comprendre ce que chacun savait à ce moment » de l’histoire.

Les documents visés, émanant de conseillers de l’Elysée ou de comptes rendus de réunion du gouvernement de l’époque, ne devaient légalement être ouverts qu’à partir de 2055. Mais le Conseil d’Etat « rappelle qu’une consultation anticipée est toutefois possible sur autorisation de la mandataire ». « La protection des secrets de l’Etat doit être mise en balance avec l’intérêt d’informer le public sur ces événements historiques », note l’institution.

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La justice administrative annule deux précédentes décisions de justice et enjoint au ministère français de la culture, qui s’était opposé à la demande du chercheur, de lui ouvrir l’accès aux archives réclamées dans les trois mois.

Des documents secret-défense

François Graner avait saisi le tribunal administratif de Paris à la suite d’un refus implicite d’accès aux documents de la part de la commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Il n’avait pas obtenu gain de cause et s’était pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat.

Certains des documents qu’il voulait consulter, pour écrire un livre sur la politique africaine de François Mitterrand, étaient classés « secret »« secret-défense » ou « confidentiel défense », lui avait-on jusqu’à présent répondu, malgré la décision prise en avril 2015 de déclassifier des documents de l’Elysée relatifs au Rwanda à cette période.Lire l’entretien : Sur le Rwanda, « les militaires français attendent du président qu’il prenne leur défense »

Dans sa décision, l’Assemblée du contentieux du Conseil d’Etat juge que « l’administration doit permettre au chercheur d’accéder à ces archives » et que la consultation de certains documents sensibles « a déjà été autorisée ». Il rappelle que l’accès aux archives publiques « découle » notamment de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

« C’est une victoire pour le droit mais aussi pour l’histoire », a réagi l’avocat de M. Graner, Me Patrice Spinosi. « Désormais, les chercheurs, comme M. Graner, vont pouvoir avoir accès aux archives présidentielles du président Mitterrand pour faire toute la lumière sur le rôle de la France au Rwanda en 1994 et 1995 », a-t-il dit dans une déclaration à l’Agence France-Presse.

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Les juges précisent, cependant, que cette consultation n’est accordée que si elle ne porte pas une « atteinte excessive au secret des délibérations du pouvoir exécutif, à la conduite de la politique étrangère et aux intérêts fondamentaux de l’Etat ».

Des ouvertures d’archives progressives

Les zones d’ombre sur le rôle de Paris avant, pendant et après le génocide au Rwanda – qui fit, selon l’Organisation des Nations unies, au moins 800 000 morts d’avril à juillet 1994, essentiellement au sein de l’ethnie tutsi – restent une source récurrente de polémiques en France.Lire l’entretien : Pierre Conesa : « Rien ne justifiait qu’on tienne le régime rwandais à bout de bras »

Parmi les points les plus disputés figurent l’ampleur de l’assistance militaire apportée par la France au régime du président hutu rwandais Juvénal Habyarimana de 1990 à 1994 et les circonstances de l’attentat qui lui coûta la vie le 6 avril 1994, élément déclencheur du génocide.

A la suite de François Hollande, qui avait autorisé en 2015 la déclassification des archives du fonds François-Mitterrand, Emmanuel Macron a annoncé en 2019 l’ouverture des archives françaises concernant le Rwanda entre 1990 et 1994 à une commission d’historiens.

Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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